Par B. Chaou
Au-delà de son importance et sa forte valeur ajoutée économique, l’agro-industrie revêt un rôle fondamental et stratégique car elle touche à la sécurité alimentaire. Au Maroc, le secteur a su, avec la crise liée à la Covid-19, montrer sa résilience et sa forte capacité à assurer aux citoyens un accès à l’alimentation malgré les difficultés de logistique et des chaînes de production. Se penchant sur les défis et perspectives de ce secteur, le ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Economie verte et numérique a organisé une rencontredébat ayant rassemblé des acteurs publics et privés de l’écosystème agroalimentaire au Maroc.
Cet événement a connu la présence de Moulay Hafid Elalamy, ministre de tutelle, qui n’a pas manqué de rappeler que «le secteur a joué un rôle incroyable durant la première période de cette pandémie. À travers le monde, les rayons de la grande distribution étaient vides car la chaîne de production n’a pas pu être au rendez-vous. Au Maroc, nous avons su faire en sorte de ne manquer de rien, car nous avons des opérateurs qui ont pu démontrer un nationalisme de plus haut niveau, et qui ont travaillé jour et nuit pour assurer l’accès aux produits alimentaires à tous les Marocains».
Le ministre a également rappelé l’importance de ce secteur dans le tissu industriel national, mettant en lumière quelques chiffres clés, comme le nombre d’entreprises (2.100), le nombre d’emplois (161.671), ou encore le chiffre d’affaires annuel (161 Mds de DH). Il s’est agi aussi de rappeler la synergie entre les opérateurs et l’Etat. A ce titre, Abdelmounim El Eulj, président de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (Fenagri), a déclaré que «la crise de la Covid-19 a été une occasion pour les industriels et les pouvoirs publics de trouver une certaine synergie afin que l’approvisionnement se fasse d’une manière continue et sans interruption. Cela a montré la résilience de ce secteur au Maroc et sa capacité à relever des défis considérables qui n’étaient jusqu’ici pas apparents».
Réalisations du contrat-programme
Par ailleurs, ce débat a été une occasion de s’arrêter sur les réalisations du contrat-programme. Ali Seddiki, Directeur général de l’Industrie au sein du ministère de l'Industrie, du Commerce, de l'Economie verte et numérique, a souligné à cet effet que «la structuration du contratprogramme découle d’une étude stratégique qui a permis de définir les filières prioritaires, et d’élaborer des objectifs ciblés pour le développement du secteur à travers des mesures spécifiques, comme l’appui à l’investissement, le soutien à l’exportation ou encore l’appui à la commercialisation. D’autres mesures transverses ont été déployées, comme l’accélération de l’innovation, l’appui à la certification, la normalisation, et l’appui à la Fenagri».
Il est clair que le contrat-programme a insufflé un élan à la composante du secteur agro-industriel, notamment via les montants de financement qui lui ont été dédiés. Le secteur a bénéficié d’une enveloppe de 12 milliards de DH, dont une contribution de l’Etat à hauteur de 4 Mds de DH. Ledit contrat-programme a aussi permis une bonne performance globale pour le secteur dans le cadre du Plan d’accélération industrielle (PAI). Durant la période 2014-2020, les exportations ont connu une croissance de plus de 40%, passant de 23,4 Mds de DH en 2014 à 32,8 Mds de DH en 2020. Une performance confirmée par les résultats enregistrés par les 7 filières (valorisation des fruits et légumes frais, industrie des pâtes et couscous, industrie de l’huile d’olive, industrie des viandes, transformation des fruits et légumes, industrie laitière et biscuiterie chocolaterie et confiserie) qui font l’objet du contrat-programme 2017-2021.
Dans le cadre de ce dernier, 283 investissements, répartis sur toutes les régions, d’un montant global de 8 Mds de DH, sont actuellement en cours d’accompagnement à travers les mécanismes du Fonds de développement industriel et d’investissement (FDII) et du Fonds de développement agricole (FDA). Ils permettront de générer, à terme, plus de 21.290 emplois, un CA de 23,5 Mds de DH et un CA à l’export de 6,9 Mds de DH. D’autres professionnels ont également mis en exergue la valeur ajoutée du contrat-programme en termes de protection et de renforcement du «produit» marocain, à l’image de Hassan Khalil, président de l’Association marocaine des industries des pâtes alimentaires et couscous, et Directeur général de Dari Couspate. Pour lui, «l’inclusion du secteur des pâtes et couscous dans le cadre du contrat-programme a permis un grand dynamisme pour le secteur, lui donnant un nouveau souffle via l’investissement, car cela a permis de créer de nouvelles entités et l’extension des anciennes entreprises».
«Cela a aussi encouragé l’export des produits nationaux, et permis aux industriels marocains d’être plus compétitifs au niveau international. Via le contrat-programme, nous avons créé, par exemple, le label ‘Couscous Maroc’ afin de défendre la marocanité de nos produits et imposer des labels de qualité. Le soutien et l’accompagnement à cet effet dont nous fait bénéficier l’Etat est salutaire», a-t-il souligné.
Mieux exploiter le «made in Morocco»
Par ailleurs, lors de cette rencontre, l’accent a été mis sur la nécessité d’encourager l’offre «made in Morocco». Pour les différents intervenants et responsables, il faut désormais valoriser davantage l’offre nationale. «Pour y parvenir, le secteur devra accélérer la cadence de sa dynamique pour relever les défis auxquels il fait face. Le premier est la souveraineté alimentaire du Royaume. Conformément aux hautes orientations royales, nous nous attelons à travailler sur notre indépendance alimentaire», a déclaré Moulay Hafid Elalamy.
Cette valorisation passera, selon les déclarations des professionnels, par l’efficacité de l’offre dédiée au marché local censé répondre au mieux à la demande du consommateur. Le secteur agroalimentaire devra aussi viser l’amélioration de la valeur ajoutée du produit et du rapport qualité/ prix. C’est un critère essentiel pour renforcer sa compétitivité face à la concurrence des produits étrangers en vente sur le marché local, et ensuite pouvoir conquérir d’autres marchés à l’export. «Aujourd’hui, les enjeux du secteur se trouvent dans l’innovation, la compétitivité et la R&D. Nous avons un consommateur exigeant et nous sommes face à des accords de libre-échange où la concurrence est rude. Ces enjeux sont donc une question de survie, mais aussi une opportunité», a affirmé Amine Berrada Sounni, PDG de la Compagnie chérifienne de chocolaterie Aiguebelle.