L’AGEF Chamal a organisé récemment à Tanger la 2ème édition du Colloque international des ressources humaines sous le thème «L’évolution des métiers : quelles nouvelles compétences pour le Maroc émergent ?».
Le Maroc doit relever le défi qu'il s’est lancé, à savoir l’industrialisation, traduit par le Plan d’accélération industrielle.
Durant les dix dernières années, la ville du détroit a connu un essor remarquable à tous les niveaux. La ville est passée de simple pôle touristique au rang de deuxième capitale économique du Royaume avec l’émergence de l’industrie l’automobile. Ce changement requiert toutefois des ressources humaines qualifiées en mesure de répondre aux besoins des investisseurs locaux, qui s’installent de plus en plus, attirés par l’attractivité de la région (port Tanger Med, zone franche, LGV…).
C’est autour de cette question fondamentale du capital humain que s’est tenue les 27 et 28 novembre à Tanger, la 2ème édition du Colloque international des ressources humaines, sous le thème «L’évolution des métiers: quelles nouvelles compétences pour le Maroc émergent?».
Un colloque qui a permis de mettre en exergue les avancées réalisées par le Maroc dans le domaine industriel, avec le lancement du Plan d'accélération industrielle (PAI) 2014-2020, visant à faire de l'industrie marocaine la locomotive de développement économique orientée vers les exportations, et souligner l'importance de la formation par métiers, afin de favoriser le déploiement des écosystèmes industriels.
Cet événement, organisé par l'Association de gestionnaires et formateurs des ressources humaines (AGEF) Chamal en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer Stiftung, a réuni une belle brochette d’experts nationaux et internationaux de l’enseignement et de l’industrie, deux piliers fondamentaux sur lesquels repose l’émergence de l’économie marocaine.
Durant deux jours, ces experts ont débattu des compétences nécessaires pour accompagner le Maroc émergent et ont mis davantage l'accent sur les dysfonctionnements en matière de formation et de développement des compétences adaptées à l'évolution des métiers.
Une adéquation qui constitue une condition sine qua non pour relever le défi que le Maroc s’est lancé à savoir l’industrialisation, traduit par le Plan d’accélération industrielle.
Un plan ambitieux, qui a séduit les opérateurs nationaux et internationaux, mais qui dépend énormément de la capacité du capital humain à répondre aux attentes des entreprises.
Un capital humain qu’il faudra préparer et former à l’avance, en tenant compte des spécificités des profils recherchés. D’où la question qui suscite toujours le débat, celle de l’inadaptation entre l’offre et la demande.
Qu’en est-il de la formation au niveau des universités et des écoles ? Sommes-nous toujours en décalage par rapport aux besoins du marché de l’emploi ?
Conscient du rôle des ressources humaines dans le développement économique du pays, le Maroc a porté une attention particulière au volet de la formation. En effet, face aux mutations industrielles importantes et l’apparition des nouveaux métiers, l’université et les établissements de formation se doivent de revoir en permanence le programme de formation afin d’être en parfaite harmonie avec les besoins du marché. Cela ne sera possible qu’avec une étroite collaboration entre le corps enseignant et les industriels.
A noter que durant les dernières années, beaucoup d’efforts ont été fournis dans ce sens dont les fruits commencent aujourd’hui à être récoltés. A titre d’exemple, les filières professionnalisantes au niveau de l’université Abdelmalek Essaâdi (Tanger) est passée de 35% à 70%, grâce au partenariat entre l’université et le secteur industriel.
Et s’il y a bien un secteur qui a le plus bénéficié de l’adéquation entre l’offre et la demande au niveau de la région du Nord, c’est bien celui de l’automobile. Ce secteur, dans la grande partie de l’activité est concentrée au niveau de Tanger, réalise de belles performances (85.000 emplois et un chiffre d’affaires à l’export de 40 Mds de DH) grâce aux compétences qualifiées. «Si ce secteur a atteint ce niveau, c’est grâce aux lauréats de l’université Abdelmalek Essaadi», précise Tajeddine Bennis, président du Collège industriel de l’Amica et directeur général de SNOP.
L’attention portée au secteur de l’automobile doit également être reproduite au niveau des autres secteurs pour anticiper les besoins et pouvoir ainsi être prêt à accueillir les éventuels investisseurs dans différents domaines.
Najat Laila, présidente de l’AGEF Chamal
Le choix de cette thématique s’explique par les mutations que la ville du détroit connaît avec le projet Tanger Métropole et aussi par les changements rapides dans tout le Maroc surtout au niveau du secteur industriel.
Toutefois, en matière de ressources humaines, les entreprises locales ont du mal à trouver certains profils au niveau de la région et sont donc obligées de s’orienter vers Casablanca ou Rabat. Ce qui n’est pas sans conséquence puisque ces compétences coûtent très cher à l’entreprise. Si Tanger change aujourd’hui, il faut que les mentalités des recruteurs, des DRH, des DG et des décideurs dans l’entreprise changent aussi.
Il faut également l’accompagnement des différentes institutions de formation à savoir l’université, les écoles de formation, l’OFPPT et l’Anapec pour mettre à la disposition des industriels les compétences nécessaires et remédier à la pénurie de compétences afin d’étoffer l’offre en ressources humaines au niveau régional et national.
Sans oublier un autre problème de taille, à savoir le déficit de formateurs dans certaines écoles supérieures à Tanger, notamment pour des filières données.
Pour combler ce déficit, ces écoles font appel aux ingénieurs du secteur privé, et ce dans le cadre du partenariat entre les industriels et l’université/écoles supérieures.
D’autre part, il faut souligner que même si les compétences techniques «hard skills» sont acquises, nous n’avons pas les «soft skills», à savoir les qualités relationnelles. Ce qui constitue un frein majeur étant donné que les lacunes techniques peuvent être complétées au sein de l’entreprise par la formation continue mais pas par les soft skills. Il faut motiver les compétences non seulement par le salaire mais également par la reconnaissance.
Ces valeurs entrent dans la formation des compétences de la personne. C’est pour cela que l’école ne doit pas produire aussi des personnes qui vont se retrouver au chômage, mais elle doit veiller aussi sur le marché futur.
Dalila Hawari, Directrice des ressources humaines Delphi Maroc et responsable du volet développement des compétences dans le cadre des ecosystems
Les actions urgentes à mettre en place résident dans l’adaptation des ressources humaines à la demande en approches qualitative et quantitative. Aujourd’hui, dans le monde académique, les filières sont multiples. Par conséquent, l’université arrive difficilement à répondre aux besoins spécifiques des entreprises. Le support de ces dernières à l’université est indispensable pour adapter les modules aux spécificités du secteur. Et c’est cette synergie qui est en phase de se mettre en place à travers le Plan d’accélération industrielle, et précisément dans le cadre de la convention de l’Amica avec le ministère de l’Industrie. La Commission développement des compétences a justement mis le focus sur ce volet.
Aujourd’hui, le Maroc, qui travaille avec une vision, récolte les fruits de ce qui a été entamé il y a 4 à 5 ans. Du coup, cette inadéquation entre l’offre et la demande est en phase de se rétrécir avec le temps. Il faut toutefois mieux adapter cette offre aux nouveaux besoins notamment du secteur automobile, qui est en perpétuelle évolution. C’est pour cela que le ministère de l’Enseignement supérieur doit être en contact permanent avec les industriels pour mettre à jour la formation universitaire. A noter qu’il y a 15 ans, lorsque l’activité automobile avait démarré, un certain nombre de postes n’existaient même pas. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Cela dit, le partenariat enseignement-industrie est crucial pour l’essor de l’industrie automobile au Maroc.
Abderrahmane Mkadmi, directeur commercial Tectra
Le sujet choisi pour cette 2ème édition nous intéresse énormément puisqu’il concerne directement nos métiers, qui sont divers et variés, dans le tertiaire, l’industrie et le BTP…
En ce qui concerne l’activité de Tectra au niveau de la région du Nord, elle a connu un essor important puisque l’agence est passée du 7ème rang à la 2ème place au niveau national. Aujourd’hui, la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima se développe d’une manière assez exceptionnelle avec plus de 3.000 personnes employées.
Cependant, il faut dire que nous trouvons quelques difficultés pour dénicher certaines compétences au niveau de la région. La responsable recrutement de la région arrive tout de même à trouver les viviers et les candidats adéquats pour répondre aux besoins de nos clients.
Bien entendu, en faisant appel parfois à d’autres agences, d’où l’intérêt d’avoir 27 agences au niveau du Maroc, qui nous permettent de mutualiser les ressources.
A noter également que le travail temporaire a connu une évolution durant ces dernières années. En effet, avant la crise, l’intérim était consommé essentiellement par les multinationales pour des missions ponctuelles. Les entreprises locales, par contre, n’ont commencé à s’intéresser réellement à l’intérim qu’après la crise (fin 2009-début 2010) parce qu’elles en ont subi les effets. Elles étaient obligées d’être plus flexibles par rapport à leur production et à la demande aussi bien intérieure qu’extérieure. L’intérim a été une solution pour bon nombre d’entreprises, qui ont survécu grâce à cette flexibilité en termes de ressources humaines.
Cela dit, ce métier se développe de manière assez forte. La preuve, Tectra enregistre, depuis 5 ans, une croissance à deux chiffres entre 15 et 25% au niveau national.
Lamiae Boumahrou