Dans «rue du pardon», Mahi Binebine rend hommage à ces poétesses de la résistance «hazo laalam, zido bina el godam» ; de l’amour «A7 ya lasmar» ; de la beauté «3winatek bhira, miha safia», etc. Munis de leurs taârija se déhanchent langoureusement et chaloupent délicatement, foulards noués autour du bassin, si bien qu’elles sont suspectées de basculer dans la débauche.
Hommage à ces chanteuses populaires marocaines, longtemps répudiées et méprisées par la famille -déjà- et la société, car jugées de «femme de mauvaise vie». La narratrice du roman se veut l’écho de ces femmes aussi adulées que méprisées.
Dès les premières pages, un imprévu vient infléchir le cours de la destinée de Hayat, issue d’un quartier très pauvre de Marrakech. Elle rencontre Mamyta qui va l’initier, lui transmettre son aura, à travers sa maîtrise de la danse et du chant.
Mahi nous fait pénétrer, ici, dans la peau d’une cheikha en devenir. Elle s’y évertue et accomplit son apprentissage avec tant de ferveur, à telle enseigne qu’elle devient reine de la nuit à Casablanca. D’une enfance entachée jusqu’à mettre les pieds dans des palais, en passant par les soirées des plus défavorisées comme des plus aisées, Mahi peint sa «déesse» sous tous les angles, dans un langage très glamour et purement lyrique.
Il nous fait rencontrer ces femmes issues de deux générations, qui s’apprennent mutuellement la liberté dans une société conservatrices, asphyxiée par les rumeurs obscurantistes et moralisatrices.
«Rue du pardon» est un récit ensorcelant de femmes battantes qui embrassent la vie de tout leur corps.
(Rue du pardon, de Mahi Binebine. Editions Le Fennec, 2019)
Par R.K.H