«La Bête qui meurt (The Dying Animal)», de Philip Roth, est un livre élégant, vagabond, fort et bavard. Il n’a pas sa langue dans la poche. A bon entendeur !
Ainsi s’offre ce roman vibrant, fiévreux, âprement poétique - si l’on veut -, qui scande à mots tenus et justes la douleur d’aimer un homme qui désire posséder une femme et rester prisonnier de l’autre.
Tout au long du roman, on flâne avec David Kepesh, éminent professeur de littérature, critique littéraire à la radio et à la télé; un héros de désir.
A 62 ans, il rencontre, parmi ses étudiants, Consuela, une belle cubaine de 24 ans au corps merveilleux, mais qui se révèle incapable de s'abandonner à la sexualité.
«Entre les seins de cette femme aussi envoûtante qu'une œuvre d'art», David découvre les tourments de la passion amoureuse, les affres de la peur, de la jalousie ainsi que la conscience de la vieillesse et de la mort.
Cette muse pour laquelle l’auteur a composé plus qu’un hommage vibrant, un somptueux écrin d’éternité moyennant une écriture libre qui penche vers l’abstraction et la métaphore.
Un roman sans concession où Philip Roth se montre au plus intense de son talent. Un récit éclaté, mosaïque de, non seulement les problèmes de la sexualité, ou de la jalousie, mais aussi des sentiments du jaloux vieillissant.
Redouté pour son talent fourbe plus que pour la clairvoyance de ses jugements portés sur les plaisirs de la chair, les conventions rigides dans une Amérique bien-pensante, ou encore les souvenirs de la révolution sexuelle.
On se laisse gagner par ce roman qui dessine avec justesse et émotions les déchirements d’un homme et d’une femme à jamais dans les rets de la dépendance amoureuse.
Brillante analyse des comportements humains; réflexion sur la vieillesse et la mort, «La Bête qui meurt» est un petit bijou de finesse et d'émotion. Cruel et lucide, certes, le roman pourfend l'ordre moral et le puritanisme de l'Amérique actuelle.
La narration, délibérément complexe, passe l’une à l’autre de ces personnages, déblayant graduellement le fartas des angoisses et des vanités individuelles pour aboutir à la fin, dans chacun des cas, à la terreur devant l’indicible.
«La Bête qui meurt» charrie comme un parfum de frontières, d’océans et de grandes découvertes. Un roman fort charnel, tendu comme un arc, écrit sans effet et d’une sincère authenticité.
(La Bête qui meurt (The Dying Animal), de Philip Roth. Traduction par Josée Kamoun pour les éditions Gallimard (2006), 224 pages.)
Par R.K.H