Pas question d’entrer dans ce roman comme dans un moulin. On y entre plutôt comme dans un parti, en adhérant à ses perspectives, par connivence plutôt que par critique.
C'est en 1967, dans le magazine anticonformiste «Open City», qu'un poète presque inconnu commença de publier une chronique régulière. Avec une brutalité rarement égalée, doublée d'une superbe indifférence au scandale, il y exprimait sa révolte contre la société américaine, le pouvoir, l'argent, la famille, la morale.
L'alcool, le sexe, les échos d'une vie marginale et souvent misérable y sont brandis comme autant de signes de rupture... De ces abîmes, ce grand et bel auteur, Henry Charles Bukowski, a puisé une inspiration qui continue de nous émouvoir.
Il y a bien dans ce livre un enjeu de suspens, mais il n’est pas dans cette intrigue qui se désamorce au fil du récit. L’auteur séduit par une écriture souvent capiteuse, par des parcours attentifs, d’une ferveur amoureuse et minutieuse que par ses thèses assez disparates.
Il n’est rien d’autre que le récit d’une errance, lourde, pesante. L’auteur fait une ode au malheur infini de ses personnages incultes, ou frustes.
Il sait cependant s’embraser soudain dans les scènes d’amour, quand la nature se déchaîne et que se lèvent les tempêtes. Certes, ce livre flirte d’un bout à l’autre avec la mièvrerie, d’un côté, le ridicule, de l’autre.
De la lecture de ce roman sombre et anxiogène, où des personnages aux histoires individuelles chaotiques se trouvent confrontés à un destin absurde et inexorable qui va les mener à la catastrophe sans qu’ils puissent véritablement réagir.
On quitte ce livre avec une intense sensation de nostalgie, non parce que l’on quitte une histoire mais parce que l’on quitte un monde.
Par R.K.H