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Sérigraphie humaine (Partie 1)

Sérigraphie humaine (Partie 1)

Les dés sont jetés. Et les choses sont simples aujourd'hui, dans un monde en perdition. Pour gérer presque huit milliards de personnes, il faut niveler par le bas. Il faut les rendre conformes à une copie dont on a égaré l’original. Il faut les rendre tous pareils. Tous semblables. Tous rivés à des écrans. Tous rêvant d’être l’équivalent virtuel de telle figure marchande ou tel autre visage marketable. Il faut leur ôter toute forme d’indépendance, à commencer par celle de la pensée. 
 
Face à un écran qui t’abreuve d’images à te donner le vertige, tu ne réfléchis plus. Ton cerveau est endommagé. Une erreur s’opère dans le système. Tu es sur mode consommation 24 heures sur 24. Tu avales les bêtises des autres, sur tous types de réseaux. 
 
On en multiplie les usages. On crée et on innove pour te charger à bloc par des applications à n’en plus finir. Et tu prends. Tu t’abonnes. Tu adhères. Tu t’inscris. Tu signes. Tu es d’accord. Tu es OK.  Tu te décharges de ce qui fait ton identité. Tu autorises les réseaux à t’en créer une autre ou plusieurs autres, s’il le faut. 
 
Ta vie est désormais emmagasinée, avec ton consentement et c’est toi qui approvisionnes le disque dur.  On peut te faire défiler ta misérable existence au besoin sur un autre écran, de A à Z, sans failles, sans oublier le moindre détail. Tout est consigné. Parce que tout peut être utile en temps voulu. 
 
Inondé par les images, abruti par des situations abrutissantes, tu es noyé dans un flux qui te broie. Tu ne penses plus. Tu n’en as plus la capacité. Cette fonction n’existe plus dans ton cerveau puisque tu l’as cédée à la technologie au nom du dieu digital.  
 
Autrement dit, tu as troqué ton humanité pour une autre forme d’existence qui n’a plus aucune prise avec la terre, avec les autres, avec l’émerveillement, avec la magie. Oui, ton âme n’agit plus. Elle ne réagit plus, non plus. Tu l’as aussi échangée contre des puces et une multiplicité de codes pour chaque réseau. 
 
Dans cette tuyauterie complexe, tu es juste un chiffre. Un numéro de série. Tu es un simple chiffre stocké dans un nuage que tu ne verras jamais, mais qui, lui, sait tout de toi, de ta vie, de tes «amis», de tes choix, de ce que tu caches aux autres, de ce que tu crois être ton intimité et ton jardin secret. 
 
Dans un sens, tu es mort. Mais tu ne le sais pas encore. Tu es mort à ce monde. Mort à cette vie. Mort à cet univers. Tu n’as un semblant d’existence que sur un écran. Il suffit de l’éteindre pour que tu disparaisses.
 
C’est cela l’histoire de milliards d’êtres humains aujourd’hui. On leur a mis un jouet entre les doigts. Le jouet les a hypnotisés. Puis il les a anesthésiés avant de les paralyser. Imaginez, aujourd’hui, un monde sans gadgets de cette technologie annihilante ? Il est impossible à imaginer. On t’enlève ton smartphone, tu perds la boussole. Tu es détraqué. Tu flippes. Tu es perdu. Un monde sans tablettes, sans puces, sans clavier interposé est inimaginable, sauf holocauste nucléaire et retour à l’ère d’avant l’électricité. 
 
Nous sommes arrivés à ce stade où seule une catastrophe de grande envergure peut nous sauver. Pas tous, mais une partie, quelques poches, ici et là, sur une planète grillée. Des entités hagardes et errantes qui pourraient réécrire une autre histoire, encore et encore, comme cela est le cas depuis des millions d’années. Sinon, il n’y a plus aucun salut pour cette humanité vivant dans un monde thermo-industriel et digitalisé. Vous retirez les écrans et le courant électrique et vous verrez les «humains» d’aujourd’hui entrer tous dans des cycles déments de pathologies graves doublées de suicides collectifs, de scènes barbares de machines humaines coupées du courant qui les manipule, qui les actionne tels des automates. Vous verrez des silhouettes arpentant le macadam des mégapoles comme des zombies tremblants avant de s’effondrer. 
 
Vous retirez tous ces gadgets ultra sophistiqués et c’est une boucherie qui aura lieu, entre des humains en fin de vie qui s’étripent à mains nues.

 

 

Par Abdelhak Najib 
Écrivain et journaliste 

 

 

 

 

 

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