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Santé. Le tabac, ce tueur en série

Santé. Le tabac, ce tueur en série

En tant que spécialiste de la réduction des risques, cheffe du service psychiatrie et addictologie à Akdital Life de Bouskoura et de Casablanca Care Center, Docteur Imane Kendili nous explique les véritables dangers du tabac sur la santé des individus. 

 

Propos recueillis par Abdelhak Najib   

Finances News Hebdo : Quelle est votre vision de la nicotine et de son utilisation en tant qu'outil de réduction des risques liés au tabac ? 

Docteur Imane Kendili : La nicotine est le produit addictif dans le tabac qui va mettre en place un rituel de comportement mais ce n’est pas ce qui est nocif. Ce qui est nocif, ce sont les constituants de la cigarette libérés à la combustion. En tant que médecin, il est idéal de conseiller aux patients de ne jamais commencer à fumer. Cependant, la réalité est que les gens fument. Lorsqu'il s'agit de consommation de tabac à long terme, il y a une grande différence entre fumer deux paquets par jour, ce qui équivaut à tomber du 60e étage dans le futur, et utiliser des alternatives comme la cigarette électronique, le tabac chauffé ou le snus comme en Suède, ce qui correspond à une chute du 3e étage. C’est un fait. L’addiction au tabac est l’une des addictions les plus difficiles à surmonter. C’est une addiction à rechute donc beaucoup de gens ont du mal à arrêter et reprennent leurs consommations. Or, pour une meilleure santé, toute alternative pouvant réduire les risques et améliorer la santé par rapport à celle de demain est à considérer. Aujourd’hui, on sait très bien que le sucre et le tabac sont les deux «silent killers» identifiés par l’OMS d’ici 2030. En matière de tabac, il est donc évident que la réduction des risques s'impose. En post-covid, on a bien vu que la réduction de risques était devenue le cheval de bataille des politiques de santé publique et ce ne sont pas les pays les mieux nantis qui ont mieux gérer la crise, mais plutôt ceux avec une possibilité de gestion par engagement, responsabilité, mesures de réductions de risques et de résilience. La réduction de risques permet de passer du patient-malade au patient-citoyen et donc responsable. Ce patient citoyen est impliqué dans les mesures permettant de réduire les risques par rapport à sa santé. Le tabac s’impose de par lui-même parmi les facteurs de risques, car on doit absolument lutter contre la combustion et l’impact qu’elle peut avoir sur la santé organique, psychique et mentale.  

 

F.N.H : Pouvez-vous discuter des différences d'efficacité de la nicotine en fonction des différentes méthodes d'administration ? 

Dr I.K : La réalité en tant qu’addictologue est qu’on utilise tout un arsenal thérapeutique pour aider les patients à arrêter complètement ou diminuer leur consommation. Les alternatives servent donc de pont pour atteindre ces objectifs, car bien que les médecins recommandent toujours l’arrêt, cela n’est pas toujours possible. En effet, Il y a certains patients qui ne veulent pas arrêter de fumer, mais qui souhaitent juste améliorer leur qualité de vie en perdant du poids ou en baissant leur consommation. Il faut donc également pouvoir proposer des alternatives en fonction du patient et de ses objectifs afin d’établir un pont favorisant le sevrage ou juste pour améliorer la qualité de vie. Il est également nécessaire d’utiliser les alternatives de manière consciente afin de ne pas consommer plus de nicotine que celle contenue dans une cigarette traditionnelle. Cette conscience est importante afin que l’utilisateur ne soit pas dans un rituel de consommation compulsif. L’accompagnement par un professionnel est donc crucial si on est dans une optique d'arrêt de consommation ou de réduction de risques, et ce encore plus quand il y a des crises, c’est-à-dire des patients qui vont voir un addictologue afin d’arrêter de fumer parce qu’ils ont une maladie comme le cancer. A  ce moment-là, il faut trouver des solutions rapides et ne pas laisser le patient livrer à lui-même,  l’accompagnement est donc nécessaire afin d’aider ce dernier à faire le deuil de la meilleure amie.

 

F.N.H : Les substituts nicotiniques sont-ils intégrés dans les programmes de sevrage tabagique au Maroc ? 

Dr I.K : Dans la prise en charge des patients, il y a une proposition d’outils alternatifs pour aider les «heavy smokers» qui n’arrivent pas à arrêter et qui ont aussi des problèmes organiques. On recommande généralement des patchs pour aider le patient à sortir de sa consommation néfaste, et ce notamment quand il s’agit de co-organicité importante. Cependant, le patient doit être en demande. Ces méthodes sont aussi proposées automatiquement par certains médecins généralistes, mais elles ne sont pas intégrées dans les programmes des autorités. Toutefois, cela est en cours de discussion.

 

F.N.H : Quelles actions peuvent être menées par les spécialistes afin de faciliter l’adoption de la réduction des risques dans les programmes au Maroc ?  

Dr I.K : Il y a des actions qui sont déjà mises en place. On travaille sur beaucoup de volets notamment la sensibilisation, la prévention, l’intégration de la réduction des risques en santé mentale et dans les addictions en général. On n’aborde pas le tabac en particulier, mais c’est bien une des clauses de cette stratégie de réduction de risque. Cela comprend également la consommation chez les jeunes, car il est très important de ne pas commencer la consommation que ce soit avec des produits traditionnels ou des alternatives. L'objectif chez les jeunes est de pouvoir prévenir certains comportements de consommation quel que soit le produit.

 

 

 

 

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