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L’Autre côté de soi

L’Autre côté de soi

 
Paru aux Éditions Orion, L’autre côté de soi, de Noureddine Bousfiha, est un roman qui va à l’essentiel, un roman sur l’humain et ses incertitudes. 

 

Par Marielle Arebours 
 


 
Par son sujet déjà, voici un livre qui s’inscrit dans la ligne de ces romans qu’on aime lire et offrir; des romans qui témoignent à la fois du réel et de l’imaginaire, de l’ange et de la bête. L’univers que décrit l’auteur n’est pas un univers qui nous est étranger. L’importance du monde de l’enfance, le conflit des générations sont nettement suggérés. L’antagonisme entre les âges, l’écrasement des faibles par les forts, apparaissent en filigrane dans L’Autre côté de soi, roman de Noureddine Bousfiha, poète, essayiste et critique d’art de son état.

Son roman frappe les imaginations d’une manière sincère et convenue. Sous les yeux d’un narrateur défile une humanité attachante en dépit de la gravité des thèmes que l’auteur dissèque en plusieurs chapitres, décortique en ses plus infimes composantes. La passion, l’amour, la tendresse, le rêve et la désillusion constituent la toile de fond de la vie de ces jeunes qui vivent corsetés dans une ville où ils ont leurs révoltes et leurs extravagances. En voulant alléger leurs rapports aux autres, ils les compliquent davantage.
 
Tout au long du récit, le roman raconte les incompréhensions qui font des générations un mystère l’une pour l’autre, parfois avec un ton drôle, parfois douloureux. Le jeu de l’identité et la révolte commande leurs expériences quotidiennes. Il y a, dès le premier chapitre, une puissance de l’interrogation, une parole qui s’affranchit et des êtres prompts à l’errance. Chacun d’eux prétend juger son monde, à l’expérience qu’il a lui-même de la vie, et cette expérience s’avère insuffisante. Ils ne connaissent de cette vie que ce qu’ils sont. Certains arrivent à faire l’abandon de ce qu’ils sont, se dépouillent pour faire leur salut d’un monde moins obscur.

Ces personnages ne sont tout à fait là où ils se retrouvent, où ils luttent pour vivre et souffrent. Ils se laissent aller à la brutalité et à l’âpreté dans les actes qu’ils préparent. Et il n’est de cruel dans ces actes que leurs conduites. Ils tendent vers un au-delà possible. Quand ce dernier ne leur donne pas une chance pour se refaire,  il les balance vers des drames dont ils n’ont pas conscience. Certains rêvent de faire sortir de l’opacité un monde éblouissant qu’ils veulent sublimer, mais qui finalement s’empare de toute velléité de changement. D’autres rêvent d’un ailleurs érigé comme une terre promise instauratrice de plénitude. Ils savent qu’ils s’arrachent à leur passé, et qu’ils n’ont pas de prise sur un futur qui leur semble hypothétique. Le temps pour eux n’a pas de durée. Il n’y a que l’avant et l’après. Deux instants contradictoires qu’ils juxtaposent allègrement.
                                           
Au-delà des parcours que fait revivre L’Autre côté de soi, c’est bien  un problème existentiel qui est traité avec la force tranquille de l’évidence. Se dessinent alors des trajets, des hommes et des femmes avec leurs passions de vivre et d’être, avec leurs rejets de l’inéluctable auquel ils opposent leur dignité. Ils cherchent du bout du nez un air, celui où l’âme peut respirer et vivre. Tous les personnages qu’on voit défiler sont tendus vers un territoire qui leur échappe, préparant la plupart à un autre désespoir qui étouffe leur appel qui va confondre la raison qu’à la seule fin de les éprouver.

Ils sont rongés par un mal qui frappe par son esprit insolite où le pathétique et la drôlerie se font face dans leurs prolongements souterrains. Ils se débarrassent de leurs fers et se frayent, au mépris de tout et de tous, un chemin vers la lumière. L’auteur prend du plaisir à provoquer entre ces personnages des situations pour le moins invraisemblables, voire même scabreuses pour troubler le confort du lecteur.
               
Voilà ce qu’offre avec bonheur, ce récit tout à fait organisé dans sa forme et son fond; un roman qui prolonge selon une trajectoire irréversible certains destins qui tentent désespérément de s’inscrire en choisissant le refus des voies communes et moutonnières. Dans l’univers du romancier, la vie n’a pas seulement dévoré les âmes et les corps, mais aussi l’espace qu’elle réduit à quelques lieux de joie ou de désespoir. Pourquoi la révolte pèse-t-elle plus lourd ?

Pourquoi le sacrifice a-t-il une telle importance ? N’y a-t-il que ce que le temps emporte ? Cependant, ce qui demeure dans cette fresque en est plus précieux. Aussi, L’Autre côté de soi désigne finalement aussi bien une autre réalité que cet autre qui fait vaciller son monde pour un autre rempli de lumière. Or, par quel moyen, pour nous lecteurs, d’échapper à la fascination d’un univers qui en illustre, avec talent, tous les travers et les symboles ? En réponse à cela, les voix sont largement ouvertes. Souhaitons somme toute que ce roman marque, non pas une pause dans l’itinéraire de l’écrivain, mais une continuité.
                                                                                                                                                                           
 

*L’Autre côté de soi, Casablanca, Orion Editions, 2020, 400 p.

 

 

 

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