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Hassan Lahlou, délices expressionnistes

Hassan Lahlou, délices expressionnistes

On ne connait pas, ou à peine, Hassan Lahlou, ce peintre acquis à l’expressionisme. Ses œuvres valent le détour. Elles portent sur «le monde» un regarde sensible. Rencontre.

 

Propos recueillis par R. K. H

 

Une vie, disait Henri Michaux, est déroulable comme une merveilleuse ficelle à nœuds et à secrets. De celle impartie à Hassan Lahlou, on débobine quelques précieux fils d’Ariane et en épaississant les zones d’ombre. Il est des vocations, qui pour éclore, empruntent des chemins de travers.

Parfois impénétrables. Celle de Hassan Lahlou pour l’art pictural jaillit dans le sillage des peintres illuminés. Né à Rabat, en 1970, Hassan Lahlou a fait des études, qui le font bâiller d’ennui, à l’ESAM de Paris, puis à l’académie Charpentier pour une formation fructueuse en architecture d'intérieur. Il mène de front, avec un rare esprit de méthode, des activités distinctes.

De fait, il est tout uniment architecte d’intérieur, décorateur et artiste-peintre depuis des décennies. Il eut, en effet, pour première passion le dessin, dans lequel il entra comme on entre en religion. Il découvrit vite l’architecture, dont il expérimenta longtemps la capacité à explorer la géométrie, avant de bifurquer carrément vers la peinture.

Quand il raconte l’épisode, l’événement parait avoir été tout simple. De son propre aveu, il était déjà familier de peinture. «Pour autant que je me rappelle, c’est la peinture qui m’a rencontré et non l’inverse. Ceci depuis la plus tendre enfance. J’ai commencé à peindre très jeune, et il y avait déjà une maturité différente du petit garçon que j’étais. Ça devenait sérieux vers l’âge de 12 ans, à peu près, et malgré mes études dans la décoration, j’ai choisi la peinture pour unique métier», précise-t-il.

A douze ans, Hassan Lahlou avait trouvé sa voie : la peinture. Rien ne le distraira, sinon ses études, perçues non comme une activité distante, mais comme une complémentarité impérieuse. Alors, Hassan, dans le dessein de parfaire son art, se mit à écumer les galeries et musées. Avant de s’arrimer, il tâta et fréquenta profitablement des maîtres en la matière. «Mes années parisiennes m’ont surtout permis d’acquérir la maîtrise technique grâce à mes visites dans les musées où j’ai pu découvrir les peintres qui allaient devenir pour moi mes maîtres et mes idoles», reconnaît-il.

Sacerdoce dans lequel il s’abima sans aucun viatique, sinon une foi ardente et une ferveur saisissante. «On ne peut se prétendre peintre si l’on n’a pas assimilé toute l’histoire de l’art, les courants des anciens… si l’on ne se sent pas de leurs familles, alors on est dans l’imposture», répètet-il à l’envi, comme pour se faire absoudre d’éventuels écarts commis envers les cannons plastiques.

Sagacité

«La peinture occidentale me parlait plus qu’autre chose. Picasso pour son inventivité, Van Gogh pour sa force intérieure qui se reflétait à travers ses paysages qui n’étaient que le point de départ pour son voyage imaginaire». D’où son attrait sur-affirmé pour les couleurs chaudes et froides. De ces peintres qu’il évoque avec admiration, la conversation glisse vers d’autres angles pointant du doigt, d’abord, la démarche créative.

«En ce qui me concerne, je dirais que c’est une sorte de couloir plein de portes, plus on les ouvre l’une après l’autre, plus ça devient intéressant. On s’éloigne de l’idée initiale, on s’étonne soi-même… c’est là où ça devient bon. Être maître de son travail du début à la fin, s’assimile à de la simple virtuosité».

Il ne suffit pas de représenter le monde pour le dire, il importe de le «recréer» afin de mieux l’interpréter. «Tout artiste véritable se sent, du fait de sa sensibilité, étranger, déraciné face au monde qui l’entoure. C’est pour ça qu’il crée entre parenthèses une œuvre. Ce défi le rassure et fait son identité, l’œuvre est son cocon qui le protège émotionnellement, qui le renforce face au monde extérieur».

D’où cette coprésence constante de la sensibilité et du geste pictural, l’une émanant de l’âme, l’autre surgissant du corps. La peinture de Hassan Lahlou, grâce à son art de la matière et à son jeu subtil de la transparence, impose sa profondeur, happe le regard, convoque les sens. Vos yeux, une fois dessillés, discernent une farandole de silhouettes composant un théâtre de figures où le spectateur est progressivement saisi d’un sentiment d’irréalité.

«Mes thèmes sont vastes, mais c’est toujours la figure humaine qui prime. Cette dernière permet l’introspection psychologique». L’art de Hassan Lahlou demeure essentiellement fondé sur la concentration et la concision. La figure, puisqu’il s’agit presque toujours d’une figure, est réduite à une équation : algèbre des proportions entre surface et entre intensités chromatiques, géométrie des lignes directrices courbes ou anguleuses.

«Quant à la couleur, c’est par elle que se construit le tableau. Le dessin n’est que le squelette. La couleur définit l’ambiance, l’état d’âme».

Sagesse

Se laisser emporter est le meilleur moyen de débrider son exaltation créatrice. «L’équilibre dans un tableau vient de l’expérience, de l’instinct de créer des heureux accidents. La main agit, le cerveau répare jusqu’à la satisfaction qui permet de s’arrêter et de passer à autre chose». Les inspirations de Hassan Lahlou l’ont probablement tenu à distance d’écueils périlleux, à savoir l’engluement dans une doctrine et l’obédience à une école.

Ce qui n’est pas sans déconcerter l’amateur d’étiquetage. Mais, qui ravit l’amoureux de l’art, lequel trouve son bonheur dans cette alternance d’expressionnisme pétillant, de figuratif abstractisant, et de cubisme fantastique. Autant de modes de peindre qui, quelque fois s’entremêlent, se confondent, se fondent dans une harmonie exaltante.

«L’artiste est dans l’instinct de créer. On ne peut définir son style qu’à la fin d’une vie. S’enfermer dans une manière est, à mon sens, une médiocrité et une limitation qui est à l’opposé de l’art qui est la liberté à l’état pur, à moins d’avoir un potentiel réduit». Affirmation martiale, et qui ne fut jamais daubée. Il le prouve, et cela même quand le style en question est le sien.

Quoique sa préférence personnelle va vers des œuvres expressionnistes, si possible cubistes, tant que faire se peut naturaliste. Hassan Lahlou expérimenta divers courants de la peinture, ne les trouva pas à son goût, s’en libéra. Enfourchant le langage passionné qui anime les œuvres des «expressionnistes», le peintre fait éclater une véritable ivresse de la couleur pure et se défait de la perspective.

Cependant, «il n'y a pas d’évolution en art à moins qu’on soit encore dans l’apprentissage. On dit les choses de la façon la plus appropriée à un moment donné. Ce que je fais actuellement ne peut renier ce que j’ai fait avant à 20 ou 30 ans. Certes, ce que je suis aujourd’hui est différent de ce que j’étais hier. Il en va de même pour la création.

On fait les choses de la façon la plus consciencieuse au moment voulu. De toute façon, il y a toujours un fil d’Ariane entre les tableaux vu qu’ils viennent tous de la même âme. Le message de l’âme prédomine au-delà des courants et des moyens qu’on utilise».

Fulgurance

Les soixante-dix toiles, présentées sur son compte Instagram, aux couleurs éclatantes, sourdes et vives, souvent irréelles semblent préserver un secret. Le monde est figé, le temps suspendu. Mais le regard est aimanté. Il aimerait pénétrer à l’intérieur des espaces et des êtres. Nous sommes tombés sous le charme envoûtant de cette peinture sortie du rang.

Les œuvres offertes à voir ne suffisent pas à exprimer l’ampleur du talent de Hassan Lahlou, mais elles disent la passion d’un homme pour la couleur pure, et son plaisir contagieux à faire naître de l’extrême banalité, des éclairs d’une gravité chatoyante.

«Le message de tout œuvre d’art, c’est la paix universelle et émouvoir les hommes en traversant toutes les frontières. Elle est dénonciatrice pour la paix, provocatrice pour la paix, apaisante pour la paix. Matisse un jour a dit à Picasso : on peint parce qu’on est malheureux. Si le monde était beau et qu’on y était heureux, on n’aurait pas besoin de peindre».

C’est dire que les malheurs font faire de belles choses ! Il est des artistes purs et durs, mais jaloux de leur anonymat. Point de détails biographiques, malgré plusieurs expositions individuelles. Hassan Lahlou est un peintre dont on ne sait rien. Ses peintures, c’est, du moins, ce que l’on peut trouver sur Internet. D’où vient donc ce rejet de la biographie de la part de celui qui baigne plus de 30 ans dans la peinture ?

«Jusqu'il y a 2 mois, il n'était ni sur Facebook, ni sur Instagram, ni sur Twitter», nous rapporte Hicham Lahlou, champion du design marocain. S'il en est un qui connait au mieux Hassan, c’est bien Hicham. A Paris, sur cette terre bénie des arts, ils fréquentèrent la même académie. Ils optèrent également pour le même traintrain quotidien.

Et d’ajouter: «nous sommes cousins germains, voire des frères très très proches. Hassan est une personne, très intello. Au menu, toujours de profondes et intéressantes discussions».

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