Le secteur n'utilise pas plus de 40% de ses capacités de production.
La piste énergétique pour gagner en compétitivité, en attendant des jours meilleurs.
Le secteur de la sidérurgie lutte pour renaître de ses cendres. Que ce soit au Maroc ou dans le monde, les hauts-fourneaux tournent à bas régime faisant exploser les coûts fixes. Au Maroc, les sidérurgistes tournent autour de 40% du taux d'utilisation de leurs capacités de production, un cycle bas que l'ASM (Association des sidérurgistes du Maroc) cherche à amortir en attendant une relance de la demande. Excellence opérationnelle, énergie, réduction des charges financières... Si toutes les pistes sont bonnes, certaines sont concrètes.
C'est dans ce cadre qu'a été organisée récemment la deuxième édition de son think tank Steel impulse avec, cette fois-ci, l'efficacité énergétique comme moyen pour compresser les coûts. Car l'énergie, c'est le deuxième poste de charge chez les industriels, après l'approvisionnement, et lorsque l'on regarde le processus de transformation de plus près, l'énergie peut représenter jusqu'à 50% des charges.
Aziz Rabbah, ministre de l'Énergie, des Mines et du Développement durable, a même fait le déplacement pour témoigner de la volonté de l'Etat de ne pas lâcher le secteur et l'accompagner dans sa transformation. Il propose d'ailleurs des pistes pour relancer l'activité.
Les pistes Rabbah
Pour le ministre, adopter la préférence nationale dans les appels d'offres publics n'est plus un luxe. Ce patriotisme économique a donné de bons résultats dans le secteur du BTP où les nationaux remportent 80% des marchés aujourd'hui, contre 37% il y a quelques années. Cette expérience réussie devrait être reproduite dans la sidérurgie, d'autant que le secteur profite d'un écosystème dans le cadre du Plan d'accélération industrielle.
Rabbah préconise également la diversification dans la production énergétique où, en plus d'utiliser le renouvelable, les sidérurgistes seraient impliqués dans la construction des complexes dédiés. De quoi faire sortir le secteur de sa dépendance totale au BTP.
Une autre piste serait à creuser du côté de la mutualisation dans l'énergie, mais également dans la logistique. Permettre à des industriels d'utiliser des plateformes communes permettra de réduire drastiquement les charges fixes, dixit l'ex-ministre de l'Equipement et du Transport.
L'enjeu énergétique
Pour les professionnels, la grande bataille reste bien sûr celle de la protection. Pour eux, point de salut sans l'aide de l'Etat. Ce dernier devrait reconduire les mesures de sauvegarde dont l'extinction est prévue fin décembre. Mais des batailles plus locales doivent être menées comme celle de l'énergie.
Le cabinet CVA a d'ailleurs présenté une étude sur l'impact que peut avoir la transition énergétique sur la maîtrise des coûts dans le secteur. Pour conduire cette étude, le cabinet s'est entretenu avec les différents acteurs de l'activité et a réalisé une modélisation du cash cost du processus de transformation chez les sidérurgistes. Selon cette étude, l'énergie, particulièrement électrique et le fuel, représente entre 30% à 50% des charges de transformation. Une simulation menée sur un aciériste de la place, qui dispose également de laminoirs, montre que l'économie totale que peut réaliser un opérateur peut atteindre 50% s'il remplace l'électricité par l'éolien ou encore le fuel par du GPL. Ce serait une économie équivalente, en dirhams, à ce que permettent les mesures de sauvegarde actuellement, soit près de 25 euros par tonne.
De plus, le passage aux énergies propres ne requiert pas d’investissements colossaux. Certains opérateurs du privé peuvent même prendre en charge l'investissement, et vendre aux industriels à hauteur de leur besoin et sans engagement sur la quantité. ■
La recette LafargeHolcim
Le secteur du Ciment, cousin de la sidérurgie et dépendant des mêmes fondamentaux économiques, a pris les devants il y a quelques années en s'équipant en éolien notamment. LafargeHolcim Maroc a présenté son «quarté» gagnant pour réduire le cash-cost au maximum. Selon des responsables du groupe, le design et la conception même du parc industriel peuvent réduire de 15% les charges de transformation. L'optimisation opérationnelle peut permettre à son tour une économie de 20% à 30%, en maîtrisant les process. Ceci sans même avoir à s'équiper en renouvelable, susceptible de réduire les coûts de transformation de 5 à 10%. LafargeHolcim Maroc, pour qui l'énergie représente un budget annuel de 100 MDH, peut combler jusqu'à 75% de ses besoins électriques en éolien. Le cimentier dit avoir démarré l'utilisation des énergies alternatives (RDF) où la réutilisation des déchets génère 10 à 15% de l'énergie. Le groupe souhaite monter à 50% à terme.
Par Adil Hlimi