C’est une activité très importante pour développer le taux d’intégration.
Elle est capitalistique et techniciste, ce qui nécessite des partenariats avec des organismes de dimension internationale.
Par C. Jaidani
L’industrie automobile mondiale est sous le coup de la crise des semi-conducteurs qui a impacté sérieusement les chaînes de production. Elle a réduit le rythme de travail, entraînant au passage l’arrêt de plusieurs sites de production. Cette situation a généré des réductions d’emplois et du chiffre d’affaires. Le Maroc n’échappe pas à ce phénomène. Les trois sites de montage (Mellousa et Somaca pour Renault, et Kénitra pour Stellantis) ont réaménagé leur mode de fonctionnement en vue de s’adapter à ce nouvel environnement contraignant, du fait que la majorité des composants concernés est importée. Les effets sont nettement ressentis au niveau de la distribution.
Les délais de livraison s’allongent de plus en plus et les concessions fonctionnent avec un stock quasi nul. Au final, l’indisponibilité des véhicules a réduit le volume des ventes de voitures neuves. Selon les projections les plus optimistes, cette crise, qui a commencé au quatrième trimestre 2020, devrait se prolonger au moins jusqu’à la fin de 2022, voire jusqu’en 2023. Le Maroc, qui a fait de la filière automobile l’un des fleurons du secteur industriel, peut-il investir cette activité ? A priori oui, d’autant que le pays aspire à améliorer son taux d’intégration, avec en sus le développement de segments à forte valeur ajoutée. Cela devrait lui permettre de renforcer son écosystème d’équipementiers, dont l’essentiel de la production est destiné à l’export. Mais pour lancer des sites de production dans ce domaine, le processus est très complexe.
«La fabrication des semi-conducteurs obéit à plusieurs contraintes à la fois financière, technologique, logistique et de stratégie sectorielle. Les firmes spécialisées dans ce domaine sont concentrées essentiellement dans les pays du sud-est asiatique. Elles maîtrisent toutes la chaîne de production. Les groupes chinois, quant à eux, possèdent des entreprises dédiées à l’approvisionnement des matières premières, de transport ou de transformation. Cela leur permet de réaliser une importante économie d’échelle», souligne Youssef Idrissi, professeur d’économie industrielle à l’université Hassan II de Casablanca.
Le processus de production est également compliqué. Il peut s’écouler plus de 5 mois entre le début de la production et l’emballage des puces prêtes à être expédiées. Les machines utilisées pour fabriquer les plaquettes de silicium sont extrêmement coûteuses et produites sur commande. L’automobile présente également un problème unique, dans la mesure où des capacités supplémentaires sont nécessaires pour un large éventail de nœuds technologiques.
«Les fabricants des semi-conducteurs doivent fournir non seulement les constructeurs automobiles, mais aussi les fabricants de smartphones, d’appareils électroniques, de PC portables et d’appareils électroménagers, qui sont pour la plupart des géants mondiaux avec un volume de production important. Ils sont contraints de faire des arbitrages selon leur intérêt stratégique. Même au niveau de l’automobile, il existe aussi des priorités. Le segment des voitures électriques est de plus en plus apprécié, et les constructeurs veulent s’y positionner et gagner des parts de marché. Pour le Maroc, le lancement de ce genre de filière doit obéir au même schéma. L’idée est d’inciter un géant mondial à investir au pays. Le soutien du gouvernement est indispensable», explique Idrissi.
Pour lancer des usines de ce genre, les investisseurs ont besoin de visibilité à long terme. Ils doivent également sceller des partenariats et des contrats avec les constructeurs. Les projets sont très capitalistiques et nécessitent un niveau de technicité élevé. Les sites de production doivent être accompagnés par des centres de R&D pour être à la pointe de la technologie et suivre les tendances du marché.