La RSE devient un enjeu concurrentiel pour les sociétés cotées.
Des facteurs de risques sensibles ne sont pas pris en compte dans les reportings.
Par Y. Seddik
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) était, jusqu’à un passé récent, perçue comme un objet de communication. Mais les temps ont changé et cette logique tend à s’inverser : la RSE est devenue un enjeu concurrentiel et les entreprises, principalement les plus grandes, en font une priorité.
Au Maroc, certaines sociétés cotées l’ont compris, et se sont prêtées au jeu. D’autres remplissent à peine leurs obligations légales de communication financière envers le marché, et encore... Leur demander de fournir un effort de communication extra-financière institutionnelle paraît être un luxe. En tout cas pour le moment.
«Une démarche de responsabilité sociale peut avoir des impacts directs sur l’efficacité de l’organisation. Elle peut agir aussi sur l’efficience des opérations, c’est pour cela par exemple qu’il faut s’attacher dans les processus d’achat à sélectionner les fournisseurs sur des critères prenant clairement en compte des facteurs sociaux et environnementaux», affirme Fouad Benseddik, DG au Maroc et membre du Comité de direction Corporate (en France) de Vigeo Eiris.
Il ajoute : «A l’inverse, une entreprise qui négligerait ses risques de responsabilité sociale, se verrait petit à petit rejetée en termes d’image, en termes d’acceptabilité de sa marque, de ses produits et de ses services et peut être exposée à des risques de perte de marchés voire de façon plus grave à des campagnes de boycott par rapport à ses produits et à ses services».
Le taux de reporting extra-financier progresse
Depuis 2012, c’est Vigeo Eiris qui procède à la notation des 44 premières capitalisations du marché et décerne ses distinctions aux meilleurs élèves. Et depuis 2012, c’est quasiment les mêmes entreprises qui se démarquent. Selon le cabinet, le score moyen de la place marocaine évolue lentement, à 24/100 en 2018 (contre 22,7/100 en 2015). Le taux de reporting des entreprises marocaines atteint 43% en 2018, contre 40% en 2017 et 2015.
Toutefois, l’information publiée par les émetteurs marocains sur leurs impacts sociaux et environnementaux progresse moins vite (+7,5%) que celle de leurs homologues des pays émergents (+10,6%) sur les trois dernières années. Peut mieux faire donc…
Facteurs de risques non pris en compte
Plusieurs sujets importants demeurent insuffisamment pris en compte dans l’information rendue publique par les entreprises cotées au Maroc.
Les scores les plus bas s’observent en effet sur les critères relatifs à la réduction des consommations d’eau et des émissions polluantes ou à effet de serre, la gestion et le recyclage des déchets, l’intégration de facteurs environnementaux dans les achats, la prise en compte des intérêts des fournisseurs et le respect des délais de paiement, la clarté des processus de nomination et des critères de rémunération des dirigeants ainsi que l’indépendance, le respect des compétences et l’efficacité des conseil d’administration et/ou de surveillance.
Vigeo Eiris considère en outre que les entreprises qui opèrent au Maroc gagneraient à progresser en matière de diversité des compétences de leurs conseils d’administration et de renforcement de leurs dispositifs d’audit et de contrôle interne, en vue d’une intégration renforcée des risques matériels de responsabilité sociale au périmètre des comités d’audit des CA.
«Tous ces risques doivent être identifiés avec méthode, de la même façon que l’on questionne les risques d’incendie, les risques de change, ou les risques comptables et financiers», explique Benseddik. ◆
Plus de visibilité pour les entreprises engagées
Au dernier trimestre de 2018, la Bourse de Casablanca avait lancé l’indice ISR. Objectif : offrir un référentiel aux investisseurs intéressés par cette thématique. Ce nouvel indice, ESG10, regroupe les 10 valeurs cotées ayant obtenu les meilleures notations ESG de Vigeo Eiris et se justifie par les engagements pris par la Bourse de Casablanca en marge de la COP22, dans le cadre de «la feuille de route du secteur financier marocain» et du «Marrakech Pledge».
Ceci devrait permettre à ces entreprises de gagner en visibilité et d’attirer des flux sur un marché qui en a grandement besoin.