La nouvelle circulaire 19-G sera adoptée en 2019, mais son entrée en vigueur est encore en phase d’examen par la Banque centrale.
La réforme des règles de classification et de provisionnement des créances aura un impact «significatif» sur les banques, mais moins important que celui de la norme IFRS 9.
Par A.E
Après l’implémentation récentes des normes de Bâle III et l’application de la norme comptable IFRS 9, toutes deux déjà gourmandes en capitaux propres, les banques marocaines s’apprêtent à mettre en œuvre la réforme des règles de classification et de provisionnement des créances.
De l'avis de la Banque centrale, les normes de classification actuelles des créances ne captent pas l'ensemble des indices relatifs aux créances difficiles et seraient devenues insuffisantes.
Bank Al-Maghrib (BAM) souhaite donc introduire une nouvelle classe de risque intermédiaire, qualifiée de risques sensibles, et a élargi la définition de défaut. Les créances dites sensibles sont ainsi définies comme des crédits dont l’encours est d’au moins 20 millions de DH et dont les bénéficiaires présentent des risques de défaillance à court ou moyen terme. Pour de telles créances, la banque doit établir une provision d’au moins 10%.
Autant dire que la réglementation de la Banque centrale en la matière est donc sur le point de se durcir et les fonds propres des banques ne manqueront pas d’être à nouveau sollicités. C’est la raison pour laquelle Bank Al-Maghrib a préféré temporiser sur l’entrée en vigueur de cette réforme, pour ne pas brusquer les banques et assécher de manière trop brutale les liquidités.
Une mise en œuvre progressive
«L’entrée en vigueur de cette réforme a été différée après l’entrée en vigueur de la norme IFRS 9, pour préserver la capacité des banques à financer l’économie», nous indique la Direction de la supervision bancaire (DSB), relevant de Bank Al-Maghrib. «Les délais de sa mise en œuvre sont en phase finale d’examen», indique la même source, non sans préciser que «le texte de la circulaire sera, pour sa part, adopté en 2019».
Dans ce dossier, la Banque centrale a opté pour une approche impliquant les banques pour bien en évaluer les impacts. «Pour affiner l’analyse des effets de la réforme de la classification des créances et de leur provisionnement sur le portefeuille de prêts et prendre en compte les difficultés et contraintes exprimées par les acteurs bancaires, plusieurs études d’impact ont été effectuées par Bank Al-Maghrib, et un processus rapproché de concertation a été mis en œuvre avec la profession bancaire et les commissaires aux comptes», nous explique-t-on du côté de la DSB.
Ainsi, ce processus de concertation et de va-et-vient entre les banques et BAM a débouché sur des ajustements du projet de circulaire. «Suite à la 2ème étude d’impact, la circulaire a connu certains ajustements mineurs et a été complétée par des dispositions transitoires», nous apprend la DSB.
Parallèlement, les banques ont été invitées à mener des actions préparatoires à l’entrée en vigueur de cette réforme. Ces actions consistent en particulier en «la mise en place de plans d’assainissement des dépassements persistants par rapport aux lignes autorisées et la mise en place de dispositifs appropriés pour la détection des critères de défaut et de watch list dans les systèmes d’information», souligne-t-on à la DSB.
Quels impacts sur les fonds propres ?
La question qui se pose désormais est de connaître l’ampleur de l'impact de cette réforme sur les banques et leur bilan. Difficile à ce stade de le savoir avec certitude. Toujours est-il que, selon la Direction de la supervision bancaire, «les études d’impact menées auprès des banques ont montré que les impacts, bien qu’ils soient significatifs, sont moins importants que ceux induits par l’entrée en vigueur de la norme IFRS 9». Pour rappel, l’impact de l’entrée en vigueur de la norme IFRS 9 a coûté près de 13 milliards de dirhams en fonds propres rien que pour les 6 banques cotées à la Bourse de Casablanca
Selon la DSB, les impacts définitifs resteront tributaires des plans d’assainissement que les banques devraient mener durant la période transitoire pour les réduire.
D’ailleurs, conclut notre interlocuteur, «la troisième itération de ces études a, d’ores et déjà, fait ressortir des impacts moins importants que ceux issus des deux études d’impact précédentes». ◆
Encadré : De nouvelles exigences pour les banques offshores et associations de microcrédit
Du nouveau également sur le plan réglementaire pour les banques offshores et les associations de microcrédit. Deux circulaires fixant les conditions spécifiques applicables à ces deux types d’établissements sont dans le pipe.
«Les circulaires fixant les conditions spécifiques applicables aux associations de microcrédit et aux banques offshores ont reçu l’avis favorable du Comité des établissements de crédit tenu le 13 juillet 2018», nous rappelle la Direction de la supervision bancaire.
La circulaire n°2/W/2018 relative aux conditions spécifiques d’application aux banques offshores reconduit les dispositions de l’arrêté du ministre des Finances n°33-07 ayant trait au respect des exigences comptables et prudentielles, au maintien de la possibilité d’être exempté du respect des ratios prudentiels, sous réserve de l’accord préalable de Bank Al-Maghrib, ainsi qu’à la désignation d’un commissaire aux comptes.
Par ailleurs, cette circulaire prévoit de nouvelles exigences portant sur l’obligation de publication des états de synthèse et l’adaptation du dispositif de gestion des risques, de contrôle interne et de gouvernance à la nature, la complexité et au volume d’activité des banques offshore.
Le texte a prévu également la mise en place d’un dispositif adapté de vigilance et de veille interne permettant la compréhension, la mesure, la maîtrise et la surveillance des risques de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
La circulaire n°3/W/2018 relative aux conditions spécifiques d’application aux associations de microcrédit a maintenu les dispositions de l’arrêté du ministre des Finances et de la privatisation n°31-07, tout en imposant de nouvelles exigences portant sur l’adaptation du dispositif de gestion des risques, de contrôle interne et de gouvernance à la nature, la complexité et au volume d’activité des associations de microcrédit.
En matière de dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, les associations de microcrédit sont aussi tenues de mettre en place un dispositif de vigilance approprié et adapté, permettant une bonne compréhension des risques. Elles doivent se doter d’un dispositif interne pour le traitement des réclamations formulées par leur clientèle et adhérer au dispositif de médiation visant le règlement à l’amiable des litiges qui les opposent à leurs clients.