Régionalisation avancée : le modèle cherche-t-il encore ses marques ?

Régionalisation avancée : Le modèle cherche-t-il encore ses marques ?

 

Parmi les promesses de la régionalisation avancée figurent, entre autres, la résorption des disparités économique et sociale entre les espaces régionaux et l’impulsion de leur développement économique. Pour l’heure, qu’en est-il réellement ? Le processus n’est-il pas en train de piétiner ?

 

Lors d’une rencontre organisée récemment à Casablanca par Maroc Export portant sur la régionalisation avancée et les marques régionales, les voix se sont accordées pour reconnaître l’impuissance des 12 espaces régionaux à promouvoir efficacement le développement économique, lutter contre le chômage endémique des jeunes, tout en réduisant la pauvreté et la vulnérabilité. S’il est clair que les régions constituent des chaînons-clefs du processus d’émergence du Royaume, l’important est de savoir si en l’absence d’une réelle volonté de décentralisation de la part du pouvoir central, la régionalisation avancée tiendra toutes ses promesses en matière de développement économique, social et environnemental.

A en croire certains responsables régionaux et professeurs universitaires, pour ne citer que Moncef Belkhayat, vice-président de la région Casablanca-Settat, et Abdelmoughit Benmessaoud Tredano, professeur de sciences politiques et géopolitiques à l’Université Mohammed V de Rabat, la réponse est évidemment non. Les ambitions des régions consistant à aller de l’avant, notamment sur les fronts économique et social, continuent de se heurter à une tutelle encore toujours présente en dépit de la consécration par la Constitution de 2011 du principe de libre administration (Article 136).

«Les présidents des communautés rurales ont davantage de pouvoir dans la gestion quotidienne que les présidents de région», souligne Driss Benhima, ex-patron de la RAM et ancien Wali de la région de Casablanca. Lors de la rencontre organisée par Maroc Export, celui-ci n’a pas manqué de fustiger le retard accusé dans la mise en place des décrets d’application, malgré l’adoption en mai 2015 de la loi organique numéro 111-14 relative à la régionalisation avancée. Or, l’on note que cette nouvelle disposition octroie aux nouveaux espaces régionaux des compétences propres dans plusieurs domaines du développement régional. Il y a lieu de citer le développement économique, la formation continue et professionnelle, l’emploi, le transport, le développement rural, l’environnement, la culture et la coopération internationale.

 

Des défis de taille

 

A côté de ces compétences propres, subsistent des défis colossaux qui se posent au nouveau modèle de gouvernance territoriale. A cet égard, rappelons que la région de Casablanca-Settat, qui représente 1/3 du PIB national et près de 11% du PIB agricole, peine toujours à jouer son rôle de locomotive nationale en termes de création d’emplois. Son vice-président a affirmé récemment que la région affichait annuellement un déficit de près de 100.000 emplois (www.fnh.ma).

A l’évidence, l’absence de prérogatives suffisantes à même d’impulser le développement économique, gage de création de postes de travail suffisants, est un facteur anxiogène pour les présidents de région qui devront rendre compte aux électeurs au terme de leur mandat électif.

 

Le PDR, une panacée ?

 

Dans l’optique de réduire les disparités régionales, l’article 142 de la Constitution prévoit en substance la création, pour une durée déterminée au profit des régions, d'un Fonds de mise à niveau sociale et d'un Fonds de solidarité interrégionale visant une répartition équitable des richesses. L’objectif étant de réduire les écarts de développement entre les régions. Outre cette disposition, le salut des espaces régionaux est largement tributaire de leur capacité à se positionner. C'est-à-dire en capitalisant sur leurs atouts respectifs en vue d’attirer les investisseurs internationaux friands de territoires attractifs. Ce qui suppose, entre autres, l’existence d’un fort potentiel économique et la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, d’espaces de loisirs, ainsi qu’une réelle identité locale.

Le Plan de développement régional (PDR) spécifié par la loi organique précitée devrait contribuer à l’émergence d’espaces régionaux de vocation. En effet, le PDR doit comporter un diagnostic mettant en évidence les besoins et les potentialités de la région, une identification de ses priorités et une évaluation des ressources et des dépenses prévisionnelles afférentes aux trois premières années, tout en prenant en considération l’approche genre.

En somme, au-delà de la pertinence du PDR, force est d’admettre que la réussite de la régionalisation avancée, qui suscite pour l’instant un engouement auprès de l’opinion publique, est étroitement liée à la volonté réelle du pouvoir central de doter les régions de moyens (financiers, humains, institutionnels ,etc.) à la hauteur des innombrables défis à l’échelle régionale. D’ailleurs, le professeur Abdelmoughit Benmessaoud Tredano estime que l’Etat central doit fonder davantage son action envers les régions sur l’adhésion et la participation et non sur l’aspect sécuritaire. Il rappelle le caractère crucial de la confiance dans le champ politique et dans la relation entre le pouvoir central et les instances régionales (Voir entretien). ■

 

M. Diao

 

 

 

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