La bataille pour limiter le réchauffement climatique n’est pas encore perdue, mais elle serait très mal engagée, a estimé mardi l’ONU Environnement, affirmant qu'un «écart catastrophique» existe entre les engagements pris et les efforts de mise en œuvre de l’accord de Paris.
Ce constat a été dressé par l'organisme onusien dans un rapport publié mardi à Genève à quelques jours de l'ouverture du Sommet mondial sur le changement climatique (COP23) prévu à Bonn, en Allemagne (6-17 novembre).
Certes, les émissions mondiales de CO2 issues de la combustion de ressources fossiles et de l’industrie cimentière, qui représentent 70 % du total des rejets de gaz à effet de serre, se sont stabilisées depuis 2014, à un peu moins de 36 milliards de tonnes (gigatonnes ou Gt). Toutefois, relève le rapport, cette stabilisation n’a été observée que sur une courte période et la tendance «pourrait s’inverser si la croissance de l’économie mondiale s’accélère».
Le bilan est plus mitigé si l’on considère non seulement le CO2 mais aussi le méthane et l’ensemble des gaz à effet de serre, également produits par l’agriculture et la déforestation. Le total des émissions, d’environ 52 Gt équivalent CO2 en 2016, marque ainsi une légère progression par rapport aux années antérieures.
Afin de contenir le réchauffement sous 2 °C, il faudrait plafonner les rejets mondiaux à 42 Gt en 2030, selon les projections des experts. Des études scientifiques récentes, dont l’ONU Environnement tiendra compte dans ses prochains rapports, ont conclu même qu’il faudrait en réalité parvenir à un niveau beaucoup plus bas, d’environ 24 Gt seulement en 2030, pour éviter l’emballement climatique.
Or les engagements pris en 2015 par les 195 pays parties prenantes de l’accord de Paris ne permettront que d’accomplir «approximativement un tiers» du chemin, a prévenu l'agence onusienne.
La planète s’achemine aujourd’hui vers une hausse du thermomètre de 3 à 3,2 °C à la fin du siècle. Sans effort supplémentaire, en 2030, l’humanité aura consommé 80 % de son «budget carbone», c’est-à-dire la quantité de CO2 qu’elle peut encore relâcher dans l’atmosphère sans dépasser 2 °C de réchauffement. Avec un tel scénario, la totalité du budget lui permettant de ne pas aller au-delà de 1,5 °C devrait être épuisée.
«Il est donc urgent d’accélérer l’action à court terme et de renforcer les ambitions nationales à long terme», recommande le rapport, soulignant qu' «il est clair que si l’écart entre les réductions d’émissions nécessaires et les engagements des pays n’est pas comblé d’ici à 2030, il est extrêmement improbable que l’objectif de maintenir le réchauffement en dessous de 2 °C puisse encore être atteint».
«La situation est très préoccupante», a averti le climatologue Jean Jouzel, ex-vice-président du groupe de travail scientifique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), un des auteurs de l'étude.