Putréfaction de la viande de l’Aïd Al Adha : la grande confusion

Putréfaction de la viande de l’Aïd Al Adha : la grande confusion

 

Entre réseaux sociaux, syndicats des pharmaciens, des vétérinaires, des associations de consommateurs et communiqués de l’ONSSA, l’opinion publique marocaine ne savait plus à quel saint se vouer quant aux cas de putréfaction de la viande déclarés au lendemain de l’Aïd Al Adha. La confusion est d’autant plus importante lorsqu’on fait le parallèle avec des cas similaires en Algérie et en Tunisie, mais avec des conclusions différentes.

 

 

C’est la confusion générale au lendemain de l’Aïd  Al Adha au Maroc. Des familles ont fait une triste découverte, celle d’une viande putréfiée bien que conservée dans des congélateurs.

Les cas se sont multipliés et il en a fallu peu de temps pour voir les réseaux sociaux inondés de photos et de vidéos de viandes verdâtres impropres à la consommation, et l’incompréhension totale des familles concernées par ce phénomène. Le parallèle est par ailleurs vite fait avec des précédents en Algérie et en Tunisie, que les autorités des deux pays voisins avaient imputé en 2016 à l’utilisation de compléments alimentaires ajoutés aux fourrages utilisés par les éleveurs.

Au Maroc, un premier communiqué de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) tente dès le 4 septembre de calmer l’opinion publique. Il livre une explication à ce phénomène plutôt étrange, en réfutant tout lien entre la couleur verdâtre constatée et les conditions d’élevage au Maroc, ou avec la campagne de vaccination des ovins observée (NDLR : en 2015) sur le territoire marocain.

D'après l'ONSSA, cette putréfaction est essentiellement due aux conditions d’abatage, de conservation et de chaîne de froid, les hautes températures observées dans le Royaume ayant aidé à la prolifération de certaines bactéries.

Pour les internautes, comme rien n’a changé au rituel du sacrifice au Maroc, si ce n’est l’amélioration de l’équipement des ménages en produits électroménagers, frigidaires et congélateurs de dernier cri, facilitée par des offres de financement à la portée, une large incompréhension de ce phénomène était constatée malgré les explications de l’Office. Une incompréhension exacerbée par les différentes sorties médiatiques, notamment la Confédération nationale des associations de protection des consommateurs qui réfute tous les arguments de l’ONSSA et se demande qu’est-ce qui explique réellement la prolifération de batteries type clostridies, faisant allusion à un changement dans les méthodes d’engraissage des bêtes, notamment le recours à des compléments organiques ou chimiques. La Fédération appelle d’ailleurs l’Office à approfondir l’enquête pour établir l’origine réelle de cette putréfaction, notamment le foisonnement anormal de ces bactéries dans le système digestif des bêtes, sous le contrôle du Parquet général, identifier les causes et même indemniser les ménages ayant vu la carcasse des bêtes sacrifiées contaminée.

 

«Bataille» rangée autour de la pharmacie vétérinaire

 

La Confédération des syndicats des pharmaciens abonde également dans ce sens, puisque son président évoque même des injections de produits chimiques destinées à faire grossir les animaux destinés à l’abattage. Une sortie médiatique qui crée un nouveau foyer de tension entre vétérinaires et pharmaciens, puisque c’est un secret de polichinelle que le différend qui les oppose concernent la pharmacie vétérinaire. Déjà que l’opinion publique est exacerbée à coup de communiqués, déclarations, vidéos balancées sur les réseaux sociaux… voilà que le conflit qui oppose vétérinaires et pharmaciens autour de la question de la pharmacie vétérinaire refait surface. La réaction des vétérinaires ne s’est pas fait attendre, puisque des syndicats de vétérinaires privés, notamment de la région du Centre-Nord ou encore Doukkala, rejettent les déclarations de certaines parties, notamment certains syndicats des pharmaciens.

«On pointe du doigt les produits vétérinaires, alors qu’on avance comme argument l’usage de pilules contraceptives, ce qui amène à se demander comment des officines ont pu livrer des quantités aussi importantes sans que cela ne les alerte sur l’usage qu’il en sera fait», estime un vétérinaire privé.

Les syndicats des vétérinaires privés ont même exhorté les autorités à renforcer le contrôle de certaines officines qui livrent des produits vétérinaires aux éleveurs sans ordonnance et sans encadrement, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la santé publique. De même qu’ils ont appelé au retrait des produits vétérinaires des pharmacies pour les placer sous la responsabilité des vétérinaires, premiers concernés par la santé animale, dans le cadre du projet de réforme 17.04 portant code du médicament et de la pharmacie. Le Conseil national de l’Ordre national des vétérinaires a, pour sa part, rassuré quant au suivi des conditions d’élevage et la qualité de la viande dans le Royaume, que ce soit par les vétérinaires privés au nombre de 1.000 ou encore les 350 vétérinaires publics, aussi bien en amont qu’en aval. A noter aussi que les professionnels n’ont pas manqué de pointer du doigt un autre problème qui menace la santé des animaux, notamment les produits de contrebande qui sont vendus dans les souks aux éleveurs, ce qui pose avec acuité la question du contrôle des élevages.

 

Par I. Bouhrara

 

 

 

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