D'après certains économistes, les constantes du PLF 2019 ne diffèrent guère de celles des PLF précédents.
En privilégiant une logique purement comptable, le PLF 2019 aura peu d’impact sur la croissance et la résorption des déficits sociaux.
Le projet de Loi de Finances 2019 adopté récemment par la Chambre des représentants suscite chaque année l’intérêt des économistes et celui de la société civile. Cela se traduit par l’organisation de rencontres à même de permettre l’analyse de l’instrument à la disposition du gouvernement pour mener à bien ses politiques économique, sociale voire environnementale.
Le PLF 2019 soulève plusieurs questions de fond. Faut-il s’attaquer aux déséquilibres sociaux pour avoir une économie forte ? Ou au contraire prioriser la construction d’une économie robuste, gage d’avancées sociales ? Au-delà des chiffres, l’autre interrogation qu’il y a lieu de poser, est de savoir si le PLF 2019 constitue une rupture ou tout simplement une continuité par rapport aux autres PLF.
Enfin, ce moyen à la disposition de l’Exécutif obéit-il à une logique de vision à long terme basée sur une stratégie mûrement réfléchie ? Toutes ces questions ont été au cœur des échanges lors de la rencontre organisée récemment à Rabat par l’Association jeune communauté marocaine public-Eco (JCMP) en partenariat avec la médiathèque de la Fondation Mohammed VI éducation-formation, sous le thème : Quelle lecture dans le projet de Loi de Finances 2019 ?
Rupture ou continuité ?
«Depuis 1998, toutes les Lois de Finances ont été présentées comme accordant une grande priorité à la résorption des déficits sociaux qui pénalisent le développement du pays», rappelle Mohamed Chiguer, professeur universitaire et économiste. Et de préciser : «Ce discours tire sa source des conséquences du programme d’ajustement structurel (PAS) qui a été un massacre pour les secteurs de la santé, de l’éducation, et de la fonction publique».
Mohamed Chiguer et Rachid Achachi, enseignant en sciences de gestion, s’accordent sur le fait qu’en dépit de la nomination d’un nouvel argentier du Royaume en la personne de Mohamed Benchaâboun, rien n’a changé au fond. Les mêmes priorités d’antan demeurent toujours une constante. Il s’agit entre autres, de la préservation des équilibres budgétaires au déterminant des équilibres sociaux.
Le regard des deux experts sur le PLF 2019 est d’autant plus critique qu’ils estiment qu’au-delà des incantations, la résorption des déficits sociaux est une priorité secondaire pour le gouvernement. L’impasse du dialogue social en est la preuve selon eux. Par ailleurs, les secteurs sociaux s’arrogent près de 19% du Budget général de l’Etat pour 2019, sachant que lors du gouvernement de l’alternance, ce chiffre oscillait entre 25 et 28%.
«Le Maroc gagnerait à sortir des logiques purement comptables en matière budgétaire et d’endettement, d’autant plus que certains référentiels, à l’instar du PIB sous évalué, n’ont aucun sens pour la mise en place de politiques économiques pertinentes. Par exemple, le PIB ne prend pas en compte les activités souterraines et illégales qui échappent à la comptabilité nationale», s’offusque l’économiste. En d’autres termes, l’Exécutif se baserait sur des indicateurs impertinents pour déployer leur politique économique à travers la Loi de Finances.
En outre, contrairement au gouvernement qui appréhenderait les secteurs de la santé et de l’éducation comme un fardeau budgétaire, la Banque mondiale (BM) considère dans son mémorandum 2040 ces deux domaines comme des secteurs productifs auxquels il faudrait accorder davantage d’importance dans les politiques publiques.
Absence de vision
«Le budget de l’Etat doit traduire une vision, tout en permettant le déploiement des stratégies et des plans d’action du gouvernement. Or, le PLF 2019 intègre de nouveaux éléments qui ne font pas partie du programme de l’actuel gouvernement (nouveau modèle économique, service militaire obligatoire, etc.). Ce qui pose un problème constitutionnel», souligne Chiguer. Ce dernier note dans le même temps qu’en matière d’endettement, l’Etat s’est lié les mains en appliquant la doctrine issue du consensus de Washington. «L’endettement n’est pas une chose mauvaise. Mais à condition d’investir à bon escient. Le taux d’endettement public du Japon représente près 200% de son PIB. Ce n’est pas tant le niveau d’endettement qui est important mais plutôt l’usage de celui-ci», suggère l’économiste. ■
La fiscalité, sujette à caution
A en croire Rachid Achachi, la politique économique de l’Etat à travers la Loi de Finances se réduit à la fiscalité au regard de sa marge de manœuvre réduite en matière d’endettement et de politique monétaire. «Au cours de ces dernières années, l’on observe que l’instrument fiscal est devenu un jeu à somme nulle, dont l’unique objectif est d’équilibrer les comptes publics à tout prix».
Par M. Diao