Le Chef de gouvernement exhorte les différents départements ministériels à rationnaliser leurs dépenses de fonctionnement pour mettre fin à la gabegie et au gaspillage de l’argent public. A l’instar des Lois de Finances antérieures, celle de 2016 devrait s’articuler autour de deux axes prioritaires : le soutien à la demande et le renforcement de l’offre productive. Les grandes réformes structurelles devront voir le jour, en particulier celle des retraites et celle de la Justice.
Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement, a adressé à l’ensemble des ministères la note de cadrage pour la préparation du projet de Loi de Finances 2016. Un document de 15 pages qui lance la procédure budgétaire 2016. Cette note revêt une importance particulière, puisqu’il s’agit de préparer la dernière Loi de Finances de la législature Benkirane, qui s’achèvera à la fin de 2016, avec les élections législatives.
Globalement, la prochaine Loi de Finances s’inscrit dans la continuité des précédentes. Elle aura pour lignes directrices la consolidation des efforts en faveur de la réduction des déficits, la mise en oeuvre des réformes structurelles (notamment la régionalisation, la Justice et le système des retraites) et le renforcement de l’offre productive pour la création d’emplois.
Pour parvenir à ces objectifs, le Chef de gouvernement a identifié 4 axes prioritaires qui seront les piliers de la Loi de Finances 2016 : «Consolider les bases d’une croissance équilibrée à travers le soutien à la demande et le renforcement de l’offre productive, en particulier celle à forte valeur ajoutée; consolider les bases d’une croissance économique intégrée afin de réduire les inégalités sociales; opérationnalisation de la régionalisation et accélération du rythme des réformes structurelles; et, enfin, la mise en oeuvre de la réforme de la Loi organique des Finances et le maintien des équilibres macroéconomiques». Voilà pour les grandes lignes et les déclarations d’intention résumées dans la lettre de cadrage.
Haro sur les dépenses de fonctionnement
L’un des points saillants de cette note que le Chef de gouvernement semble prendre enfin à bras-le-corps est la question de la dépense publique, en s’engageant à réduire drastiquement les dépenses de fonctionnement des différentes administrations. Pour atteindre l’objectif d’un déficit budgétaire de 3,5% en 2016 (contre 4,3% prévus en 2015), la hausse des recettes fiscales et les réformes comme celle de la compensation ne suffisent pas. Il faut en plus que l’administration publique montre l’exemple en se serrant la ceinture et en renonçant à certaines mauvaises habitudes. C’est ainsi que le Chef de gouvernement somme, dans sa lettre de cadrage, les différents ministères de veiller à la maîtrise de leur masse salariale, qui a atteint plus de 100 milliards de dirhams, conformément aux dispositions de la nouvelle Loi organique des Finances, dont l’application entrera en vigueur dès 2017. Les propositions de postes émanant des administrations devront être limitées au strict minimum pour assurer la qualité des services présentés aux citoyens, quitte à opérer un redéploiement de fonctionnaires vers les secteurs les moins pourvus en effectifs.
Il invite également les responsables publics à faire preuve de rigueur quant à leur consommation en électricité et en eau, à leur frais de communication et de déplacements, et aussi à se montrer frugaux dans l’organisation de réceptions et de conférences. Last but not least, toutes les dépenses liées à l’achat ou à la location de voitures de service doivent être visées par le Chef de gouvernement en personne.
Espérons que ces bonnes intentions ne restent pas des voeux pieux. Il est grand temps que l’Etat fasse preuve de retenue avec l’argent public. Celui-ci doit plutôt servir à soutenir les couches sociales les plus défavorisées, conformément aux orientations exprimées par le Souverain lors du dernier discours du Trône, ainsi que les investissements dans les secteurs productifs.
C’est d’ailleurs l’autre cheval de bataille du Chef de gouvernement : maintenir un niveau d’investissement public élevé pour soutenir l’offre productive, exportatrice et créatrice d’emplois. Le Plan d’accélération industrielle (PAI) continuera à être au centre des préoccupations du gouvernement, que ce soit pour la mise à disposition d’une offre foncière suffisante, pour l’alimentation du Fonds de développement industriel (FDI) ou encore pour la formation des ressources humaines. Par ailleurs, la note de cadrage indique qu’un effort conséquent sera fourni pour doter le Maroc d’infrastructures et d’équipements de qualité, en privilégiant les partenariats public-privé. L’offre logistique sera également rehaussée, ainsi que le climat des affaires. Ces mesures sont de nature à accroître la compétitivité du Royaume et à le rendre plus attractif pour les investissements directs étrangers (IDE).
Réformes structurelles : la dernière chance ?
L’année 2016 sera-t-elle celle des grandes réformes structurelles qui tardent à voir le jour, à l’image de la réforme tant attendue du système des retraites ? C’est en tout cas l’intention de Abdelilah Benkirane, qui exprime sa détermination à prendre les décisions qui s’imposent. Une réforme, qui à en croire la note de cadrage, aura lieu en deux temps : d’abord une réforme paramétrique du système des pensions civiles, puis, dans un deuxième temps, une réforme globale du système pour le structurer en deux pôles, l’un public, l’autre privé. L’autre chantier de taille concerne la poursuite de la réforme de la caisse de compensation. La note de cadrage n’apporte pas de précisions sur les produits qui seront compensés, mais tous les regards se tournent vers le sucre et le gaz, qui pourraient faire l’objet d’une décompensation graduelle, à l’image de ce qui a été fait, avec succès, sur les hydrocarbures.
La réforme de la Justice figure également parmi les objectifs du Chef de gouvernement, tout comme la réforme fiscale. Enfin, 2016 connaîtra l’opérationnalisation de la réforme de la régionalisation, l’un des chantiers les plus importants de ce quinquennat. Un programme très chargé attend donc le gouvernement et nos parlementaires, pour que la législature Benkirane n’ait pas un goût d’inachevé.
Amine Elkadiri