Le Royaume affiche des performances très timides en termes de levées de fonds des start-up.
Les initiatives tardives, la frilosité du secteur privé, le manque de success-stories, l’immaturité de l’écosystème des start-up ou encore la posture inadaptée de l’université vis-à-vis de l’entrepreneuriat, sont autant de causes relevées par les professionnels.
Par M.D
En dépit des multiples initiatives visant à faciliter l’accès des start-up au financement (programme 212 founders, Fonds Innov Invest, incitations fiscales, etc.), les start-up nationales lèvent peu de fonds en comparaison avec leurs homologues africaines issues, entre autres du Kenya, du Nigéria, de l’Egypte et de l’Afrique du Sud.
Cette situation est d’autant plus paradoxale si l’on sait que le Royaume fait partie du top 5 des économies africaines les plus compétitives selon le classement du World Economic Forum 2018. Le Maroc a surclassé les pays précités à l’exception de l’Afrique du Sud.
Et pourtant, en termes de levées de fonds, les start-up marocaines n’ont mobilisé que 3 millions de dollars US en 2018, contre plus de 50 millions en Egypte, 250 millions en Afrique du Sud et 348 millions de dollars au Kenya. Le Maroc fait aussi «bien» que des pays comme le Mozambique, ou le Mali.
(source : CDG)
Interrogé sur les raisons de ce gap important, Mouhsine Lakhdissi, associé et directeur des nouvelles technologies d’Agridata, apporte son éclairage sur la question. «Aujourd’hui, il existe plusieurs initiatives publiques pour le renforcement du financement des start-up mais celles-ci n’ont vu le jour que tardivement. De plus, les montants alloués ne sont pas similaires à ceux des pays d’Afrique anglophone leaders», constate-t-il.
Et de faire remarquer : «L’élément le plus déterminant à mon avis, c’est l’initiative privée. Et c’est à ce niveau que le bât blesse. Les banques et les institutions financières privées ne jouent pas le jeu. D’ailleurs, le discours royal lors de la dernière rentrée parlementaire a souligné la nécessité pour les banques de soutenir les porteurs de projet».
Outre la frilosité du secteur privé, il y a lieu de préciser qu’au cours des cinq dernières années, il y a eu autant de start-up créées que de détruites. D’où l’impératif pour les acteurs majeurs de l’écosystème (incubateurs, Etat, banques, etc.) de redoubler d’efforts sur le front de l’accompagnement des entreprises innovantes.
L’université pointée du doigt
«L’université, qui doit être le premier hébergeur de start-up, n’encourage pas suffisamment l’entrepreneuriat. Elle n’aide pas assez les étudiants à concrétiser leurs idées ou projets», analyse Ahmed Elazraq, Directeur général de l’entreprise technologique GTEL.
Notre interlocuteur relie également la faiblesse des montants investis dans les start-up au Maroc à la faiblesse de leur stock. «A l’échelle internationale, l’expérience montre que les fondateurs des meilleures start-up ou entreprises technologiques, ont concrétisé leur projet au niveau de l’université dont le rôle va aujourd’hui au-delà de la délivrance des diplômes», observe le DG de GTEL, qui souligne qu’à la sortie de l’université, les jeunes sont plus enclins à trouver un emploi stable que de se lancer dans le pari de l’entrepreneuriat ou la création de start-up. Une «aventure» parfois jugée trop risquée.
«La question du financement des start-up est cruciale, mais il ne faut pas perdre de vue un élément central qui est la construction d’un environnement propice à la multiplication des projets déjà prototypés, prêts à être commercialisés», soutient Elazraq. A ce titre, ce dernier prône la création d’un mécanisme de financement solide, dédié à la recherche appliquée au sein des universités et des écoles d’ingénieurs.
Les success-story ne sont pas légion
L’autre cause évoquée par Mouhsine Lakhdissi est le manque de grandes success-story dans le monde des start-up. Ce qui n’incite pas les investisseurs nationaux ou internationaux à investir de gros montants dans cette catégorie d’entreprises. La structuration du tissu économique autour d’activités de rente constituerait aussi un obstacle pour la levée de fonds des start-up.
«Certains préfèrent des investissements plus sécurisés dans des secteurs traditionnels (BTP, restaurants, etc.), avec, à la clé, des profits immédiats au lieu de miser dans des start-up qui assureront un retour sur investissement que quelques années plus tard», souligne le professeur et l’entrepreneur.
Jusque là, force est de constater que les incitations fiscales ou les autres mesures prises par l’Etat n’ont pas atténué l’aversion des investisseurs face aux risques inhérents aux entreprises innovantes.
Fatim Zahra Biaz, Directrice générale du New Work Lab, fait elle le lien entre l’immaturité de l’écosystème des start-up et la faiblesse des montants investis dans le secteur. A ce titre, l’action initiée par la CCG et qui va dans le sens de la structuration de l’activité des businessangels au Maroc, est d’autant plus salutaire. ◆