L’intégration régionale est-elle une perte de souveraineté ?

L’intégration régionale est-elle une perte de souveraineté ?

 

L’intégration d’un espace communautaire régional est un choix qui implique une perte de souveraineté des Etats, notamment dans le domaine budgétaire. Pourtant, dans le monde globalisé d’aujourd’hui, c’est l’un des moyens pour ne pas la perdre totalement. Explications.

 

 

Intégration régionale et souveraineté font-elles bon ménage ? Voici l’une des problématiques qui a été abondamment débattue par les participants au 11ème Colloque international des finances publiques de Rabat. La question se pose d’autant plus que le Maroc est aux portes de la CEDEAO, une communauté que le Royaume devrait intégrer officiellement lors du sommet de Lomé (Togo) le 16 décembre prochain. Dans quelle mesure la souveraineté budgétaire et fiscale du Maroc est-elle mise à mal ?

La présence de nombreux chercheurs et universitaires français à ce colloque a permis d’apporter certains éléments de réponse à ces interrogations. Ces derniers sont bien placés pour savoir que l’Union européenne, telle qu’elle a évolué au fil des décennies, a grignoté aux Etats membres plusieurs de leurs prérogatives, notamment sur le plan budgétaire. «La Commission européenne se prononce sur les politiques budgétaires de ses membres. Il faut chaque année présenter sa copie à Bruxelles», rappelle Marie-Christine Esclassan, professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, et secrétaire générale de Fondafip.

Celle qui dirige également la Revue française des finances publiques rappelle qu’il existe aujourd’hui en France des institutions de contrôle indépendantes, comme le Haut conseil des finances publiques. Cet organisme «chien de garde», émanation de Bruxelles, veille au réalisme des prévisions macroéconomiques du gouvernement et à la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens.

En intégrant la CEDEAO, un espace communautaire qui énonce certains critères de convergence économique entre Etats membres, le Maroc sera amené à suivre ce cheminement. «Il faudra consentir certains abandons de souveraineté, notamment en termes de politique budgétaire», prévient M.C. Esclassan. La question se posera également dans le domaine de la politique monétaire en cas d’adoption d’une monnaie unique.

 

Une tutelle acceptée

 

Néanmoins, cette perte de souveraineté demeure toute relative. Comme l’a rappelé notre interlocutrice, cette renonciation de l’Etat sur certains leviers budgétaires est voulue. «C’est une tutelle acceptée. Personne ne nous a forcés à entrer dans l’UE ni à signer les traités». Zouhair Chorfi, directeur des Douanes marocaines ne dit pas autre chose lorsqu’il évoque le choix du Maroc d’intégrer la CEDEAO : «Il s’agit d’une décision délibérée d’abandonner un peu de notre souveraineté. En intégrant la CEDEAO, certaines décisions se prendront à Abuja (Nigéria) et non pas à Rabat».

Comment justifier un tel choix ? C’est l’environnement économique mondial qui nous l’impose. Comme l’a rappelé Abdellatif Jouahri dans son intervention en clôture du Colloque, la globalisation et l’emprise grandissante des marchés financiers sur les économies mettent à rude épreuve la souveraineté des Etats.

Le Maroc est bien placé pour le savoir. Dans les années 80, alors que le Royaume était dans l’incapacité d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers et se retrouvant en cessation de paiement, il s’est vu contraint de s’embarquer dans un douloureux Plan d’ajustement structurel (PAS) sous la tutelle du FMI. Jouahri, en première ligne à l’époque, puisqu’il occupait le poste de ministre des Finances, en garde un souvenir amer. «Il n’y a pas pire sentiment que l’impuissance dans ce genre de situation», témoigne-t-il. Dans de telles conditions, la perte de souveraineté est quasi-totale.

Pour l’éviter, les Etats n’ont d’autres choix que de se constituer en groupements économiques et monétaires plus ou moins forts, pour mutualiser leurs ressources. En somme, en renonçant à une partie de sa souveraineté pour intégrer un espace régional, un Etat se donne davantage de chance de préserver cette même souveraineté. ■

 

 

La douane évalue l’impact fiscal de l’intégration à la CEDEAO

 

L’administration des Douanes collecte chaque année près de 90 milliards de DH de recettes fiscales, soit près de 40% des recettes fiscales totales de l’Etat. Elle est donc aux premières loges en ce qui concerne l’impact fiscal de l’adhésion du Maroc à la CEDEAO. En rejoignant cette communauté, le Maroc deviendra en effet membre d’une union douanière dotée d’un tarif extérieur commun (TEC). La Douane a donc commencé à réaliser des simulations pour mesurer l’impact sur les recettes fiscales de l’adoption par le Maroc de ce TEC, a révélé Zouhair Chorfi. La convergence du Maroc vers les normes douanières communautaires n’est pas une mince affaire. A titre d’exemple, les taux des droits de douanes marocains s’échelonnent de 0% à 25%, tandis que ceux de la CEDEAO sont compris entre 0% et 35%. Le patron des Douanes marocaines signale également que le Royaume compte à ce jour 17.000 positions tarifaires, tandis que la CEDEAO n’en compte que 7.000.

 

A.E

 

 

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