Hammad Kassal : «Eliminer les goulots d’étranglement de l'économie nationale»

Hammad Kassal : «Eliminer les goulots d’étranglement de l'économie nationale»

 

Sur le plan de l’activité économique, les motifs de satisfaction pour 2019 sont peu nombreux pour Hammad Kassal, président de la Commission financement et délais de paiement de la CGEM.

Il salue néanmoins le volontarisme de l’Etat sur le remboursement des arriérés de TVA.

Mettre fin à la problématique des délais de paiement et améliorer le financement de l’entreprise sont les deux priorités du patronat.

 

Finances News Hebdo : Si le taux de croissance en 2017 a été de 4,1% du PIB, l’on constate en revanche une baisse de régime de l’activité économique en 2018, avec un taux de croissance qui devrait se situer à 3,3% du PIB et à 3,1% en 2019 d’après les prévisions. Que vous inspire cette perte de vitesse ?

Hammad Kassal : Il faut garder à l’esprit que le taux de croissance n’est qu’un résultat. Le plus important est de déterminer les causes de cette croissance atone. Sachant qu’au cours de ces dernières années, d’importants travaux ont été entamés ainsi que plusieurs chantiers d’infrastructures. A cela s’ajoute la mise en place de différents programmes (Plan d’accélération industrielle, Plan Maroc Vert, etc.) qui devraient normalement avoir un impact positif sur la croissance. Ce qui n’est visiblement pas le cas, car le taux qu’enregistre le Maroc est en dessous des 5% du PIB.

A mon sens, le taux de croissance de 3,1% du PIB pour 2019 annoncé par les prévisions est très faible. Ce chiffre reste hypothétique, d’autant plus que l’activité économique de notre pays reste encore tributaire de la clémence du Ciel, notamment celle de la pluviométrie. La part de l’agriculture dans le PIB national est toujours importante. Elle oscille entre 14 et 20%. A l’évidence, le rythme de croissance de cette année ne permettra pas au pays de résorber un certain nombre de difficultés liées entre autres, au chômage et aux inégalités sociales et régionales.

Toujours au registre des causes de la faiblesse du taux de croissance de notre pays, il y a lieu également de citer la faiblesse de l’investissement dans les secteurs productifs. L’investissement est davantage orienté vers les branches prédominées par une faible valeur ajoutée et aussi par la rente.

 

F. N. H. : Le stock nominal cumulé des demandes de remboursement des arriérés de TVA est passé de 48,2 à 9,6 milliards de DH à fin octobre 2018. Comment jugez-vous l’attitude de l’Etat en la matière et surtout le volontarisme affiché des autorités publiques pour lutter contre l’allongement des délais de paiement ?

H. K. : Suite à la circulaire relative aux délais de paiement adressée par le ministre de l’Intérieur aux walis, des comités régionaux et un comité central ont été mis en place pour se pencher sur le règlement de cette problématique qui affecte les entreprises marocaines.

Plusieurs séances de travail ont permis aux parties concernées, à savoir la Direction générales des collectivités locales, la Trésorerie générale du Royaume, la Direction des établissements et des entreprises publiques et la CGEM, d’élaborer des procédures et des actions concrètes pour mettre fin aux questions de délais de paiement.

Ces actions seront dévoilées d’ici mi-février dans le cadre d’une campagne de communication qui va couvrir l’ensemble des régions du Royaume et toucher la majorité des entreprises.

En ce qui concerne le remboursement des arriérés de TVA, je reste persuadé que l’Etat va y aller. En 2019, la digitalisation permettra de solder l’intégralité du stock des arriérés de TVA. En réglant le problème des délais de paiement, une grande partie de la problématique du financement de l’entreprise sera jugulée.

Il faut savoir que si une société détenant une créance de 100 MDH chez un client, elle est bloquée et ne peut par conséquent pas investir encore moins financer son développement. Il est inacceptable qu’un supermarché payé cash ne règle pas ses fournisseurs à temps.

Par ailleurs, au-delà de l’aspect législatif qui importe peu, puisque la loi portant sur les délais de paiement est déjà caduque avant même d’être appliquée, faute de textes d’application, l’enjeu se situe au niveau du changement des mentalités et des comportements.

L’Etat donne l’exemple avec les circulaires des ministères de l’Intérieur et des Finances. Il y a une réelle volonté publique de réduire les délais de paiement. SM le Roi a fait référence dans son discours du 30 juillet 2018 aux sujets du financement des entreprises et des délais de paiement. Il faut savoir qu’il existe moins de 50 Mds de DH de dettes de l’Etat envers les entreprises privées.

En revanche, le crédit interentreprises atteint pratiquement 400 Mds de DH. D’où l’urgence de s’attaquer aux délais de paiement du secteur privé. Il y a certes de grandes entreprises qui font preuve d’exemplarité en réglant à temps leurs fournisseurs. Il est temps de prendre le taureau par les cornes afin de mettre en place des réformes structurelles.

A mon sens, le Maroc pourra enregistrer un taux de croissance à deux chiffres dans les années à venir à condition que l’ensemble des goulots d’étranglement passés en revue soit endigué. Pour 2019, le pays pourrait bien enregistrer un taux de croissance inférieur à celui des prévisions de BAM (3,1% du PIB).

 

F. N. H. : En tant que président de la Commission financement et délais paiement de la CGEM, quelles seront vos priorités pour 2019 ?

H. K. : L’un de nos plus grands chantiers pour l’année 2019 est l’amélioration du financement de l’entreprise et de l’économie. Le comité tripartite CGEM-GPBM-BAM va être réactivé incessamment.

Nous sommes en train de mettre en place un ensemble d’outils alternatifs au financement classique. L’ambition est d’élargir l’offre de financement destinée à la TPME. Il est urgent de bâtir une finance intelligente calquée sur les besoins des entreprises.

Concrètement, il s’agit de permettre à la PME d’ouvrir son capital aux investisseurs (businessangels, fonds d’investissement, dette via le marché, etc.) afin d’assurer la pérennité de celle-ci. Tout de même, cela nécessite une préparation en amont des entreprises marocaines. L’on dénombre au total près de 16 instruments financiers efficaces, adoptés par des pays à niveau de développement similaire à celui du Maroc et d’autres Etats qui ont réussi à passer au stade de pays émergents. Par ailleurs, pour l’année en cours et celles à venir, l’entreprise marocaine devra relever deux challenges, celui de la productivité et celui de l’innovation afin de ne pas disparaître.

 

F. N. H. : 2019 sera également marquée par la tenue des Assises de la fiscalité après celles de 2013. Selon vous, quels seront les principaux enjeux de cet événement majeur ?

H. K. : La DGI est l’une des administrations qui a le plus innové ces dernières années, pratiquement toutes les déclarations ont été dématérialisées, de plus l’approche client devient très importante au niveau la politique de l’administration fiscale, ce qui crée une confiance  entre la DGI et les contribuables.

A mon avis, le principal objectif de cette manifestation est de continuer à réformer la fiscalité marocaine pour plus de simplification et d’harmonisation. La simplification des impôts est un aspect sur lequel il faudra se pencher. En définitive, l’année en cours doit être celle des réformes structurelles à même de placer le Maroc sur l’orbite des pays émergents. ◆

 

 

Propos recueillis par M. Diao

 

 

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