Entre les deux périodes 2000-2012 et 2013-2017, l'évolution en volume de la demande intérieure, moteur de la croissance, est passée de 5% à 3%.
Cette perte de vitesse résulte du tassement des dépenses de consommation et du recul de l’investissement.
La mobilisation de l’épargne nationale demeure insuffisante pour financer la demande intérieure.
Par M. Diao
Les signes d’asthénie du modèle de développement économique ne datent pas d’aujourd’hui. Ces dernières années ont été caractérisées par l’extrême volatilité de la croissance, conditionnée par la variable agricole, elle-même tributaire des aléas pluviométriques. «Dès 2012, nous avions parlé, au cours de la présentation du Budget économique d’alors, des signes d’essoufflement du modèle national de développement… Nous en avions lié, à chaque fois, l’origine structurelle, non pas à ce rôle moteur de la demande intérieure dans la croissance économique, mais à l’insoutenabilité de son financement», a martelé récemment Ahmed Lahlimi Alami, haut-commissaire au Plan, lors d’une rencontre organisée dans la capitale économique.
Cette remarque remet en selle le débat sur le financement de la demande intérieure composante-clé de la croissance au Maroc.
Des données qui interpellent
Entre les deux périodes 2000-2012 et 2013-2017, la croissance en volume de la demande intérieure est passée de 5% à 3%, d’après le HCP. Cet effritement de la demande intérieure découle de la perte de vitesse de l’augmentation des dépenses de consommation finale qui s’est repliée de 4,3% à 2,9%.
Sachant que dans le même temps, la croissance de la formation brute du capital fixe (investissement) s’est aussi tassée entre les deux périodes (de 6% à 1,2%). Résultat des courses : entre 2000-2012 et 2013 à 2017, le produit intérieur brut (PIB) est passé de 4,6% à 3,4%. Ces données confortent amplement la relation de cause à effet entre le repli de la demande intérieure et celui de la croissance. A l’évidence, cette perte de vitesse de l’activité économique a accru le besoin de financement de l’économie nationale qui s’est creusé de 4,8%.
Une telle situation n’a pas été sans conséquence sur l’encours de la dette extérieure publique qui a atteint 30% du PIB sur la période 2013-2017 contre 25% durant l’intervalle 2000-2012. Dans l’optique d’inverser la tendance, l’entité spécialisée dans les prévisions économiques et sociales insiste sur l’épargne nationale comme alternative à l’endettement.
La quadrature du cercle
Dans le contexte actuel, il est souhaitable de promouvoir l’épargne nationale en tant qu’alternative à l’endettement public global pour l’investissement dans les projets d’infrastructures et le tissu productif, estime le HCP.
Pour rappel, l’endettement public global serait en hausse en 2019 pour se situer à près de 82,5% du PIB. Ceci étant rappelé, la structure de l’épargne intérieure et certaines caractéristiques de l’économie nationale et du marché du travail montrent que du chemin reste encore à faire pour que l’épargne nationale, qui serait en baisse en 2019 à 27,7% du PIB, joue pleinement son rôle.
En effet, les entreprises représentent 50% de l’épargne intérieure, mais la structure inégalitaire du tissu des sociétés constitue une limite de taille à la mobilisation de l’épargne. Pour preuve, le secteur manufacturier est constitué de 11% de grandes entreprises et 89% de PME.
L’autre constat alarmant qui freine l’épargne, est le ralentissement de l’augmentation des revenus. Entre les périodes 2000-2012 et 2013-2017, le taux de croissance des revenus des ménages, qui pèsent 35% de l’épargne nationale, est passé de 6,1% à 3,5% en moyenne annuelle. Sachant qu’il existe également un écart conséquent entre le salaire moyen mensuel du secteur public (13.052 DH en 2016) et le secteur privé (4.468 DH en 2016).
L’une des propositions de l’économiste Tarik El Malki, allant dans le sens de la rupture avec le modèle de croissance actuel, n’est pas dénuée de sens. Il s’agit d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages à travers une politique active de revenus.
L’assertion d’Abdellatif Jouhari, gouverneur de la Banque centrale, lors de la Journée internationale de l’épargne organisée en octobre 2018 à Rabat, renseigne par ailleurs sur la grande marge de progression de l’épargne intérieure : «Au niveau d’un ménage, constituer une épargne suppose qu’il dispose d’un revenu et donc d’un emploi. Or, les données de l’enquête nationale sur l’emploi que réalise le HCP, montrent que le taux d’activité au Maroc est faible…plus de la moitié de la population (53%) en âge d’activité étant exclue du marché du travail». Difficile dans ces conditions d’augmenter sensiblement l’épargne des ménages.
«Au total, ce sont uniquement 35% de la population en âge adulte qui ont un emploi rémunéré et sont donc potentiellement capables d’épargner», déplore le wali de Bank Al-Maghrib. ◆