e-gov : Peut mieux faire !

e-gov : Peut mieux faire !

 

Depuis la fin de la stratégie Maroc Numeric 2013, le Maroc a tardé à se doter du Plan numérique avec des objectifs détaillés et des indicateurs de performance.

Sur le volet e-gov, malgré certaines avancées, beaucoup reste à faire.

La Cour des comptes pointe du doigt une multitude de dysfonctionnements auxquels l’Exécutif devra remédier.

 

Par M. Diao

 

Le rapport sur les services publics en ligne rendu public par la Cour des comptes tombe à point nommé. Au cours de ces dernières années, le Royaume s’est doté de politiques allant dans le sens de la modernisation de l’administration à travers l’e-gov. La mise sur pied ainsi que l’opérationnalisation de l’Agence de développement du digital témoigne de la volonté de l’Exécutif de hâter le processus de digitalisation de l’administration, aujourd’hui astreinte à gagner en efficacité.

Selon les hommes de Driss Jettou, le nouveau rapport fait suite à celui publié par la Cour en septembre 2014 sur la stratégie Maroc Numeric 2013 (MN 2013) dont la mise en œuvre des services publics en ligne orientés usagers a constitué un des axes prioritaires.

Aujourd’hui, force est d’admettre que la centralité du sujet n’est pas à démontrer d’autant plus que les services publics en ligne facilitent la communication et rapprochent ainsi l’administration et les citoyens, dans un contexte où l’accès des ménages à Internet connait une forte évolution. Celui-ci est passé de 25% en 2010 à 70% en 2017.

«Durant cette même période, des avancées notables en matière des services en ligne ont été réalisées dans certains domaines tels que les impôts, la douane et le commerce extérieur ainsi que la conservation foncière», concèdent les magistrats de l’Institution supérieure de contrôle des finances publiques du Royaume. La disponibilité en ligne, la maturité des principaux services, les aspects liés à la gouvernance, la communication et le suivi de l’évolution des services en ligne ainsi que leur niveau d’utilisation ont été les principaux axes sur lesquels les experts de la Cour des comptes se sont penchés.

Les hommes de Driss Jettou se sont également penchés sur un sujet crucial et d’actualité qui est celui de l’ouverture des données publiques (Open data).

 

Le Maroc distancé à l’échelle mondiale

Le rapport montre que le Maroc a atteint en 2014 son meilleur niveau dans le classement des Nations unies sur les services en ligne durant la période 2008-2018. En effet, sur un total de 193 pays, le Royaume est passé du 115ème rang en 2008 au 30ème rang en 2014. Du reste, le constat émis est que cette évolution positive a été passagère puisque le Maroc a régressé au 78ème rang en 2018. Toujours en ce qui concerne le classement des Nations unies, notamment l’e-gouvernement, le capital humain et l’infrastructure IT, les auteurs du rapport rappellent que le niveau du Maroc n’a pas beaucoup évolué et est dans des niveaux bas du classement mondial : 104ème dans l’infrastructure IT et 148ème dans le capital humain. «Ceci constitue une entrave à une large utilisation des services en ligne développés par les secteurs publics», déplore le rapport.

Il ressort du benchmark avec les pays de l’UE que sur un panier de 15 services importants, le Maroc affiche de bons niveaux de maturité sur 8 services pour ne citer que les impôts (IR, IS et TVA) et les droits de douane. Dans le même temps, les magistrats de la Cour notent que les 7 autres services restent loin par rapport à la moyenne européenne dans leurs niveaux de maturité. Il s’agit de ceux inhérents à la demande de documents personnels, l’immatriculation des voitures et des sociétés et la transmission des données statistiques des sociétés à l’organisme dédié.

 

Retard et gouvernance doigtés du doigt

La Cour des comptes est formelle : «Depuis l’arrivée de la stratégie MN2013 à son terme, le Maroc a tardé à se doter d’une stratégie numérique avec des objectifs détaillés et des indicateurs de performance. De plus, les comités de coordination institués dans le cadre de la stratégie MN2013 ont arrêté leurs réunions depuis lors, et ce n’est qu’en 2017, qu’un nouveau cadre de gouvernance a été institué avec l’adoption de la loi n°61-16 portant création de l’Agence de développement du digital».

L’autre révélation de taille faite à travers le rapport est qu’en matière de développement de l’administration électronique, le rôle du ministère chargé de la Modernisation de l’administration pèche par manque de clarté et prête ainsi à confusion avec celui du ministère chargé de l’Economie numérique. «Le développement de l’administration électronique demeure partagé entre les deux ministères», alerte l’institution constitutionnelle.

 

Open Data, le public traîne les pieds

Tout en soulignant que le secteur public dispose d’informations d’une grande valeur, notamment les données non personnelles (géographiques, démographiques, statistiques, environnementales etc.), la Cour des comptes ne manque pas de souligner que la publication digitalisée de celles-ci, dans un format facilement exploitable, permettrait aux usagers, notamment les PME du secteur digital, et à l’administration elle-même, de développer de nouveaux produits et services innovants.

Au registre des dysfonctionnements, le rapport met à nu l’absence d’un document publié sur la politique ou stratégie en la matière. «Aucun document ne spécifie les jeux de données à publier, les formats à utiliser ou les licences à appliquer», fustige-t-on du côté de la Cour, qui admet dans le même temps que «l’ouverture des données publiques a été impactée par le retard dans l’adoption de la loi n°31-13 relative au droit d’accès à l’information, intervenue qu’en mars 2018». Notons enfin que d’après le rapport, les données les plus importantes répondant aux besoins des citoyens ne sont pas publiées selon les normes reconnues mondialement en matière d’Open Data. ◆

 


Encadré 1 : Là où le bât blesse

Les experts ont analysé la disponibilité en ligne des services d’une sélection de six événements de vie qui couvrent les domaines les plus courants de services publics pour le citoyen et l’entreprise. Il ressort ainsi de cette analyse que pour chaque évènement de vie, certains services de base ne sont pas disponibles en ligne au Maroc alors qu’ils le sont largement dans les pays européens.

Notons tout de même que les six événements de vie qui couvrent les domaines les plus courants de services publics pour le citoyen et l’entreprise sont la perte et la recherche d’un emploi; l’entame d’une procédure courante de plainte; la possession et la conduite d’une voiture; la poursuite d’études dans un établissement d’enseignement supérieur; la création d'une entreprise et la réalisation de ses premières opérations ainsi que celle des opérations régulières de l’entreprise.

 


Encadré 2 : Ce que suggère la Cour des comptes

Comme à l’accoutumée, la Cour ne s’est pas uniquement contentée d’émettre des remarques ou de souligner les failles. Elle s’est attelée à faire une série de recommandations (au nombre de 6) allant dans le sens de l’amélioration de ce qui existe. En clair, les hommes de Jettou ont sommé les pouvoirs publics de développer une stratégie numérique détaillée et procéder à sa diffusion en veillant à l’intégration des principaux projets de services en ligne des différents départements. L’objectif recherché étant d’assurer une cohérence d’ensemble. De l’avis de la Cour, il y a lieu de repenser la gouvernance globale des services publics en ligne et plus particulièrement la relation entre l’Agence de développement du digital (ADD) et les différents départements, notamment ceux en charge de la Fonction publique et de l’Intérieur.

Les magistrats rappellent également la nécessité de mettre le citoyen au centre des services publics et focaliser les efforts sur les services en ligne les plus demandés. Pour ce faire, il convient d’adopter une approche par «événements de vie», retraçant l’ensemble du parcours de l’usager. Dans le même ordre d’idées, l’entité constitutionnelle  suggère aux pouvoirs publics d’introduire, via une démarche volontariste, la réalisation automatisée par l’administration des services aux usagers, sans la conditionner par une demande préalable. D’où la nécessité pour l’Exécutif de rattraper le retard dans la mise en œuvre du projet de la Gateway gouvernementale et de fixer des échéances pour un basculement vers «le tout numérique». A en croire les magistrats, l’Etat doit aussi inciter les collectivités territoriales, à travers des mécanismes d’appui financier et technique adéquats, à s’investir davantage dans le déploiement des services en ligne, en veillant à leur bonne intégration dans les stratégies numériques nationales.

Enfin, le rapport préconise l’adoption d’une politique d’ouverture des données (Open Data) visant à instaurer ce concept comme un objectif durable et accorder la priorité à l’ouverture des données en relation avec les besoins réels des usagers, et à leur publication dans des formats informatiques adéquats.

 

 

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