Droit de succession: Ces subtilités juridiques qu’il faut absolument connaître

Droit de succession: Ces subtilités juridiques qu’il faut absolument connaître

 

En raison du droit applicable à la succession, certaines donations sont susceptibles d’être annulées si elles ont porté atteinte au droit d’un héritier légal. Le conjoint non musulman d’un défunt musulman n’a aucune vocation successorale légale sur le patrimoine marocain.

Dans cet entretien, Maître Jad Aboulachbal, notaire à Casablanca, nous explique dans le détail les multiples problématiques rencontrées lors de la succession au Maroc ainsi que les conditions de sa réalisation.

 

 

Propos recceuillis par Badr Chaou

 

Finances News Hebdo : Quelles sont les problématiques qui peuvent émerger lorsque le défunt d’origine marocaine est musulman et que sa conjointe ne l’est pas ou l’inverse ?  

Jad Aboulachbal : Au Maroc, en raison de l’article 332 du code de la famille, la succession légale, sans testament, est impossible entre un musulman et un non musulman. C’est un principe d’ordre public international et marocain que le défunt soit de confession musulmane ou non. Conséquence  : aucun non musulman ne peut par principe hériter d’un musulman et aucun musulman ne peut non plus hériter d’un non musulman, et cela même s’il s’agit d’un ascendant, d’un descendant ou d’un conjoint. Cependant, cette interdiction ne s’étend pas aux dispositions testamentaires. Ainsi, un musulman peut léguer un tiers de son patrimoine à un non musulman et un non musulman peut léguer son patrimoine à un musulman à condition que les règles de forme et de fond du testament soient respectées. Pour le non musulman étranger, sa succession au Maroc relève de sa loi nationale, mais les héritiers musulmans désignés par celle-ci n’ont pas vocation successorale au Maroc, sauf s’ils sont bénéficiaires de legs testamentaires. On ne peut qu’inviter, dans ces conditions, une personne souhaitant léguer une partie de son patrimoine à une ou plusieurs personnes ne partageant pas sa confession religieuse, à prendre attache avec un notaire afin qu’il l’informe de ce qu’elle est en droit de faire ou de ne pas faire en vertu du droit applicable à la succession.

 

F. N. H. : Quelles sont les conditions pour que les conjoints non musulmans des défunts musulmans héritent des biens au Maroc ?

J . A. : Le conjoint non musulman d’un défunt musulman n’a aucune vocation successorale légale sur le patrimoine marocain de ce dernier. Sauf si ce conjoint est désigné comme légataire en vertu d’un testament conforme au droit musulman. Notons que dès lors qu’il y a un mariage entre un Marocain et une étrangère ou entre une Marocaine et un étranger, le mariage, pour être reconnu au Maroc, doit impérativement revêtir un caractère religieux. Le fait qu’il soit célébré et reconnu à l’étranger n’a pas d’incidence au Maroc si ce mariage n’a qu’un caractère civil. En outre, le futur époux de nationalité étrangère, pour pouvoir, se marier à une Marocaine de confession musulmane, est obligé de se convertir à l’Islam pour que le mariage puisse être célébré et reconnu au Maroc. Si c’est la future épouse qui est étrangère sans être de confession musulmane, elle n’est pas obligée de se convertir pour épouser de manière régulière un Marocain musulman au Maroc dès lors que le mariage est religieux.

 

F. N. H. : Dans le cas où le défunt est de nationalité étrangère, marié à une femme marocaine, et qu’il est musulman, qui héritera de ses biens au Maroc ?  Et dans le cas où les enfants de son ex-conjointe ne sont pas musulmans, qui héritera des mêmes biens ? 

J . A. : En cas de conversion à l’Islam, si cet époux a eu des enfants d’une précédente union, ceux-ci ne peuvent pas hériter de lui au Maroc s’ils ne sont pas eux-mêmes musulmans. Sauf pour ce qu’il leur lègue à travers un testament conforme au droit musulman, dans la limite de sa quotité disponible qui est d’un tiers et qui ne nécessite pas que le légataire soit musulman. La dévolution légale, quant à elle, est attribuée aux seuls héritiers musulmans. Si cet étranger musulman a des biens à l’étranger, on ne peut que l’inviter à se renseigner sur la loi applicable dans ces pays et à voir s’il est possible par un testament de s’assurer qu’à l’étranger il peut garantir les droits de ses enfants non musulmans.

 

F. N. H. : Quelles sont les limites du testament ? Et quels sont les biens qui peuvent être légués et dans quelle limite ?  

J . A. : Un testament est un acte unilatéral facultatif par lequel le défunt dispose de son vivant de l’attribution de son patrimoine en cas de mort en faveur de légataires. En l’absence de testament, les seuls susceptibles d’hériter sont les héritiers légaux, tels qu’ils sont  déterminés par le droit applicable précédemment évoqué. Mais si un testament est établi, il ne produira ses effets que s’il est valide par rapport au droit applicable à la succession. A titre d’exemple, un musulman ne peut  léguer en vertu d’un testament plus d’un tiers de son patrimoine à son ou ses légataires, et cela à la condition qu’ils ne soient pas ses héritiers légaux sauf acceptation unanime de tous ses héritiers légaux. Et un étranger a une quotité disponible variable selon le droit applicable à sa succession. Autre exemple : un Français se voit interdit de déshériter totalement son enfant, mais il peut léguer une partie de son patrimoine à d’autres. Le testament peut être notarié ou olographe, c’est-à-dire écrit de la main du testateur.

Quoi qu’il en soit, il est fortement suggéré à toute personne qui souhaite prendre des dispositions testamentaires de recourir à un expert de ces questions avant de le faire, pour être certaine que sa  volonté régulièrement  exprimée puisse produire effet à sa mort. De nombreux Etats du monde ont des fichiers de dernières volontés qui recensent les testaments. Il est capital d’accomplir pour le testateur des démarches auprès du fichier compétent, pour qu’à sa mort le notaire chargé de sa succession après interrogation du fichier central sache qu’un testament existe et qu’il devra en tenir compte, sous peine qu’il ne le prenne pas en considération au moment de l’établissement de l’acte de notoriété, car n’étant pas en mesure d’en connaitre l’existence. Tous les biens qui composent le patrimoine du testateur, qu’il s’agisse de meubles comme d’immeubles, sont susceptibles d’être légués si le testament est respectueux des règles de forme et de fond qui s’impose à lui.

 

F. N. H. : Quelles sont les conditions de réalisation d’une donation pour des biens au Maroc ?

J . A. : La donation est un contrat conclu entre celui qui donne, le donateur, et celui qui reçoit, le donataire, afin de produire effet du vivant des parties. Elle ne relève donc pas de la succession au sens strict qui, elle, ne concerne que les biens du défunt à sa mort. Elle peut être envisagée si l’on souhaite transmettre une partie de son patrimoine de son vivant dans une intention libérale, mais cela avec une grande prudence. Certaines donations sont en effet susceptibles d’être annulées à la mort du donateur en raison du droit applicable à sa succession, si elles ont porté atteinte au droit d’un héritier légal protégé. Là encore, conseil est donné de demander l’avis d’un spécialiste avant. Une donation peut porter sur un bien immobilier et doit, dans ces conditions, être reçue par acte notarié ou adoulaire comme sur un bien meuble et donc sur une somme d’argent, sur un fonds de commerce ou sur des parts sociales d’une société. 

 

F. N. H. : Dans le cas d’une succession suite à un décès, c’est plutôt le adoul qui est concerné par l’établissement des actes d’hérédité des droits des héritiers ou le notaire ? Comment ça se passe ?  

J . A. : Dans la pratique, les administrations marocaines exigent qu’un acte d’hérédité constatant la succession d’un musulman au Maroc, qu’il soit Marocain ou étranger, soit établi par acte adoulaire. Dans les faits, les actes de notoriété relatifs aux successions d’étrangers non musulmans sont établis en la forme notariée. Pour ce qui est d’un Marocain de confession juive, cela relève de la compétence de la chambre hébraïque du tribunal marocain. Il faut noter qu’en cas de successions internationales concernant un Marocain qui réside à l’étranger, il est fréquent que le notaire marocain joue un rôle d’interface avec les notaires étrangers qui ne connaissent pas l’adoul dans leur ordre juridique interne pour connaitre le contenu du droit applicable à la succession. 

 

 

 

 

 

 

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