A l’heure où de nombreux pays cherchent à réduire au maximum les véhicules circulant avec des moteurs diesel, le parc roulant au Maroc tend vers une diésélisation à outrance. Mises à part quelques associations écologistes qui ont tiré la sonnette d’alarme, le gouvernement semble peu concerné.
Les chiffres sont édifiants : les ventes automobiles neuves au Maroc font ressortir que plus de 90% des immatriculations sont des véhicules diesel. A fin septembre 2017, sur les 125.254 voitures écoulées, 116.859 circulent avec ce type de carburant, soit une part de 93,3%. Une proportion très proche des moyennes observées ces dernières années. Tous les segments sont concernés par cette tendance, à l’exception de celui des citadines où coexiste une certaine parité.
Le Maroc dispose d’un des taux les plus élevés dans le monde de voitures diesel. La cote dont jouit ce carburant dans la société marocaine n’est plus à démontrer. Plusieurs facteurs expliquent cette situation.
La percée du diesel dans le Royaume a commencé au moment du choc pétrolier, durant les années 70, avant de s’aggraver considérablement au cours des années 80 et 90, dans le sillage de la flambée des cours du brut. Le Maroc importe la quasi-totalité de ses besoins pétroliers, et le prix des carburants demeure relativement onéreux si l’ont tient compte du pouvoir d’achat des consommateurs marocains.
L’argument économique est donc le principal facteur qui explique la prédominance du diesel dans le Royaume. Il est presque 17% moins cher que l’essence. Les voitures carburant au diesel assurent par ailleurs une certaine sobriété en matière de consommation. Ultime argument : à la revente, les véhicules diesel sont très demandés et gardent une bonne cotation.
En outre, le gouvernement continue de favoriser le diesel par rapport à l’essence, afin de donner un coup de pouce aux transporteurs et aux professionnels, grands consommateurs de gasoil.
Véhicules peu polluants : des incitations encore timides
«Le Maroc ne peut évoluer à contresens par rapport à ce qui se fait dans le monde. A l’heure où d’autres Etats essaient de réduire leur parc roulant en diesel, chez nous, on constate l’inverse. Il est prouvé scientifiquement que ce genre de véhicules est très polluant. L’atmosphère de Casablanca est trois fois plus polluée qu’à Paris à cause des émissions nocives des voitures», s’insurge Habib Belharchi, secrétaire général de l’Association Al Amal de protection de l’environnement.
«Les mesures allouées pour encourager la voiture verte sont très timides. Sans restrictions et mesures contraignantes, l’évolution du parc roulant en diesel devrait s’accentuer. Nous devons prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation», précise Belharchi.
En effet, les mesures en faveur du développement de la voiture verte restent limitées. Ces véhicules sont, depuis la Loi de Finances 2017, exonérés de la vignette, et ne paient que 2,5% comme taux maximum de droit de douane à l’importation quelle que soit leur origine de production. Le gouvernement a certes fait un petit geste en faveur de la voiture verte mais osera-t-il mettre un terme à la percée des motorisations diesel ?
Interrogé à ce sujet, Youssouf Oubouali, professeur de droit fiscal, se montre sceptique. Il explique que «l’automobile est une niche pour les recettes de l’Etat. Une voiture diesel paie le double en matière de vignette et de frais d’immatriculation. C’est le cas aussi pour les pièces de rechange. Ce genre de véhicules incite les gens à la consommation de carburant. Certes, l’Etat empoche 3 DH à titre de la TIC sur un litre d’essence et seulement 1,50 DH sur le diesel mais l’effet volume engendre des rentrées d’argent significatives au Trésor. Dans l’état actuel des choses, il est difficile pour l’exécutif marocain de prendre des mesures contraignantes contre le diesel d’autant plus qu’il n’y a pas un lobby fort pour défendre cette position. En revanche, les transporteurs sont puissants et ils utilisent toutes les voies pour faire entendre leur voix». ■
Une motorisation en voie d’extinction
Dans plusieurs pays, notamment européens, les motorisations diesel sont en chute libre. La part des ventes en France ne dépasse guère les 53%. En Espagne, elle a été ramenée de 71% à 56%. Elle se situe autour de 48% en Allemagne et 49% au Royaume-Uni. Ces taux devraient encore baisser si l’on tient compte des restrictions envisagées surtout dans les grandes métropoles. Dans certains quartiers, ces véhicules sont strictement interdits. C’est le cas de la ville de Londres. Paris veut voter une loi dans ce sens et éradiquer définitivement la circulation de ce type de véhicules. Certains pays scandinaves ont d’ores et déjà annoncé un basculement quasi total à l’horizon 2025 vers la voiture électrique.
Dans la région du Maghreb, la part du diesel en Tunisie est de 60% alors qu’elle régresse à 31% en Algérie.
C. Jaidani