◆ La création d’un fonds de la Zakat pourrait apporter un soutien majeur aux secteurs à caractère social.
◆ La collecte de l’argent par voie centralisée assure sa bonne gestion et répartition.
Par C. Jaidani
La crise sanitaire du Covid- 19 a engendré une crise économique sans précédent. Les finances publiques sont mises sous pression pour répondre aux différents besoins.
En cette période difficile, les sacrosaints équilibres macroéconomiques sont mis à rude épreuve.
Le déficit budgétaire et l’endettement extérieur risquent de s’envoler à des niveaux historiques. Le pays a besoin de fonds importants pour lutter contre la pandémie et aussi assurer la relance et redémarrer l’économie.
Face à cette situation, toutes les options doivent être prises en considération. En effet, plusieurs voix se sont élevées pour activer un fonds de la Zakat destiné à soulager les populations démunies.
De nombreux oulémas, érudits ou théologiens ont validé son utilisation que ce soit pour soutenir les efforts sanitaires ou venir en aide à la population démunie.
Un peu partout dans le monde musulman, des fatwas sont énoncées en vue d’inciter la population à offrir l’argent de la zakat pour faire face à ce fléau. Certaines fatwas émanent directement d’instances islamiques officielles, d’autres proviennent de personnalités reli- gieuses influentes.
Au Maroc, le Conseil supérieur des ouléma (CSO) ne s’est pas encore prononcé sur le sujet, mais plusieurs personnalités nationales se sont exprimées à l’image de l’Imam Omar Kzabri. Ce dernier a appelé les fidèles à donner la Zakat de Aid Al-Fitr au fonds Covid-19, puisqu’une part de cet argent devrait soutenir des personnes musulmanes vulnérables.
Certes, des associations caritatives se sont mobilisées pour recueillir et diriger l’argent des bienfaiteurs vers des actions humanitaires, soit en denrées alimentaires soit en sommes d’argent aux personnes vulnérables. Mais la création d’un fonds de la zakat permettrait de canaliser ces fonds et d’assurer une distribution équitable.
«Avec le confinement et les restrictions sur la mobilité, les mesures de soutien sont limitées dans l’espace et dans le temps. Nous ne pouvons pas, par exemple, nous déplacer dans les régions enclavées ou éloignées. Nous opérons le plus souvent dans un rayon restreint, ce qui limite notre action», estime Mohamed Jaâlouti, président de l’association El Karam des œuvres caritatives, basée à Casablanca.
Force est de reconnaître que le taux de pauvreté et de vulnérabilité est plus élevé dans le monde rural et les régions enclavées. La population cible devient hors champ d’action des associations et autres ONG à cause du confinement.
«Les Marocains sont connus pour leur esprit de solidarité et de générosité. Le confinement a aggravé davantage la situation des populations démunies. La création d’un fonds de la zakat devrait donner une nouvelle impulsion en matière de lutte contre la pauvreté», explique Jaâlouti.
Il faut noter aussi que plusieurs donateurs n’ont pas le temps de s’acquitter convenablement de ce précepte de l’islam. Ils offrent leurs dons en espèces ou en nature à des personnes qui ne sont pas forcément dans le besoin. Alors qu’un fonds institutionnalisé peut récolter les fonds dans tout le territoire national et assurer une redistribution idoine des fonds récoltés ou financer des actions à but humanitaire comme la construction d’hôpitaux, d’écoles ou d’orphelinats.
Il est à rappeler que l’idée de création d’un fonds de la zakat avait germé lors du règne de Hassan II, qui ambitionnait de lancer le projet. Par la suite, cette idée a été mise au-devant de la scène à plusieurs reprises bénéficiant du soutien de différentes formations politiques.
Lors des discussions du PLF 2020, le Parti de l’authenticité et de la modernité (PAM) avait préconisé ce projet, insistant sur les opportunités que peut offrir un tel outil en matière de redistribution des richesses. Le projet de texte en question n'avait pas été retenu. ◆
Un projet en Stand-by |
◆Le projet est pour le moment en stand-by, à cause de quelques contraintes d’ordre moral, législatif et institutionnel. Les affaires religieuses relevant exclusivement des compétences du Roi, et en sa qualité de Commandeur des croyants, il possède toutes les facultés pour statuer sur le sujet. Le gouvernement et la société civile étant toutefois une force de propositions, ils peuvent soumettre le projet au cabinet royal. Le Fonds devrait être contrôlé par une entité sous la tutelle du ministère des Habous et des Affaires islamiques et ses recettes et ses dépenses doivent être établies en toute transparence. |