photo : Sohaib Zefri
- La croissance revue à la hausse à 3,3%.
- La campagne céréalière atteindrait 80 millions de quintaux.
- Les perspectives à moyen terme sont rassurantes.
Premier Conseil de l’année 2018 de la Banque centrale, et le sentiment général qui se dégage à l’issue de la conférence de presse d’Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, est que l’horizon s’éclaircit, quelque peu, pour l’économie nationale.
La prévision de croissance du PIB pour l’année 2018 a même été revue à la hausse à 3,3%. C’est 0,5 point de plus que la prévision de croissance établie par le haut-commissariat au Plan (HCP) en janvier dernier.
Il faut dire qu’entre-temps, le ciel s’est montré particulièrement généreux, et les craintes d’une campagne agricole médiocre se sont définitivement dissipées. La campagne céréalière 2017/2018 devrait même finir au-dessus de la moyenne pour atteindre 80 millions de quintaux, selon les projections de BAM arrêtées au 10 mars, ce qui devrait faire progresser la valeur ajoutée agricole de 2,1% en 2018. Inespéré il y a encore quelques mois, au plus fort de la sécheresse.
Certes, une croissance de 3,3% pour une économie comme la nôtre demeure insuffisante pour répondre au défi de l’emploi, notamment celui des jeunes urbains dont le taux de chômage n’en finit pas de s’aggraver pour atteindre un niveau inquiétant de 42,1% !
Mais ce qui semble satisfaire le wali de BAM, c’est que plusieurs indicateurs macroéconomiques montrent des signes d’amélioration à moyen terme.
Il s’agit notamment de l’accélération constatée des activités non-agricoles (industrie et services). «C’est un élément positif», commente Jouahri.
La valeur ajoutée non-agricole devrait ainsi croître de 3,2% en 2018 (après 2,7% en 2017), et accélérer encore à 3,6% en 2019. «Entre 2015 et 2019, on double le niveau de croissance du non-agricole», fait remarquer le wali.
Il faudra néanmoins en faire davantage pour atteindre un rythme de croissance supérieur à 5% en moyenne pour le non-agricole, comme ce fut le cas avant 2012.
Les réserves de change vont se renforcer en 2018
L’évolution attendue des comptes extérieurs est un autre motif de satisfaction pour la Banque centrale, qui note des «performances très intéressantes». Les exportations ont connu une belle progression de 9,4% en 2017 grâce aux bonnes performances de l’ensemble des secteurs exportateurs.
Cette dynamique devrait se poursuivre en 2018 avec une progression attendue de 6,1%, avant de ré-accélérer à 7,5% en 2019, avec notamment une hausse importante des ventes automobiles avec l’entrée en production de l’usine PSA de Kénitra. En effet, dès 2019, pas moins de 90.000 véhicules made in morocco viendront s'ajouter aux quelques 345.000 voitures produites annuellement par le groupe Renault.
Dans le même temps, les importations ne devraient pas faiblir, du moins en 2018, en 2018 (+7,1%), en lien principalement avec la poursuite de la hausse de la facture énergétique. «Un dollar de plus dans le baril de pétrole coûte 800 millions de DH aux caisses de l’Etat», n’a pas manqué de rappeler Jouahri.
Les importations pourraient néanmoins entamer un mouvement de décélération dès 2019, avec une hausse contenue à 4,2%.
Toujours au chapitre des comptes extérieurs, les flux entrant de devises maintiendraient un trend soutenu : les recettes voyages progresseraient de 5,7% en 2018 et de 5,2% en 2019, tandis que les recettes MRE afficheraient des croissances respectives de 5% et 4,1%. Quant aux flux d’IDE, ils devraient se renforcer à 4,4% du PIB en 2018 (cession de Saham prise en compte) et de 3,5% en 2019.
Résultat des courses : les réserves internationales nettes (RIN) vont nettement se renforcer en 2018, pour atteindre 257,3 milliards de dirhams (240,9 Mds de dirhams à fin 2017), soit 5,9 mois d’importations de biens et services.
Cette anticipation se base sur l'entrée du reliquat de 7 milliards de dirhams de dons du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) en 2018.
Pour 2019, les RIN devraient atteindre 244,4 milliards de dirhams. A noter que ce chiffre ne prend pas en compte une éventuelle reconduction des accords et des dons du CCG qui arrivent à échéance cette année. «A moins d’une bonne surprise», commente le Wali.
IFRS 9 ne doit pas impacter le crédit
A lire : IFRS 9, un sérieux test pour les banques
Sur le plan du financement de l’économie, le gouverneur note également avec satisfaction que les crédits bancaires au secteur non-financier continuent de s’améliorer. La période d’atonie du crédit bancaire qui a caractérisé 2012-2015 semble désormais dépassée.
Pour 2018, le crédit bancaire au secteur non-financier devrait croître de 4,5%. Une prévision pour le moins prudente en comparaison avec celle du secteur bancaire qui table, lui, sur une hausse de 6,6%.
«On attend de voir comment le non-agricole va se comporter pour éventuellement ajuster la prévision», souligne le wali.
En tout cas, le trend haussier du crédit ne semble pas être remis en cause par l’introduction en cours de la norme IFRS 9, qui devrait peser sur les fonds propres des banques. La Banque centrale a en effet opté pour la méthode douce. «Nous réalisons des calcules d'impact avec les banques pour voir ce que cela va coûter en fonds propres et surtout pour lisser l’effort et ne pas gêner le financement de l’économie», a souligné le gouverneur, qui n’a pas communiqué sur l’impact chiffré exact d’IFRS 9 sur les comptes d’exploitation des banques et leur ratios de solvabilité. Tout juste a-t-il signalé que si la norme venait à être implémentée de manière brutale, son impact serait «insupportable».
La réforme de la circulaire 19-G relative à la classification des créances, elle, n’entrera tout simplement pas en vigueur en 2018, a indiqué Hiba Zahoui, directrice de la Supervision bancaire au sein de BAM.
La banque centrale souhaite notamment que les banques clarifient et assainissent d'abord certains aspects. Il s'agit notamment des dépassements persistants que certaines banques ne considèrent pas comme des défauts. Cette nouvelle circulaire demande une analyse plus fine du risque et une meilleure sélection des dossiers par les banques. Son report au-delà de 2018 est donc une bonne nouvelle pour le secteur bancaire.
Par Amine Elkadiri