Cette autre Europe qui nous ressemble

Cette autre Europe qui nous ressemble

Le mardi dernier s’est tenue la première la réunion ministérielle entre le Maroc et le «groupe de Visegrad», dans le cadre de ce qui sera désormais qualifié de «V4+Maroc».
 

Peu connue du grand public en dehors des gens initiés à la politique européenne, cette organisation, qui regroupe la Pologne, la Tchéquie, la Hongrie et la Slovaquie, puise ses racines dans l’Europe du 14ème siècle.

Dominée à l’époque par la dynastie des Habsbourg, l’Europe centrale verra la naissance en 1335 d’une ligue anti-autrichienne regroupant les rois de Bohême, de Hongrie et de Pologne. La rencontre tripartite se tiendra dans la ville hongroise de Visegrad, et donnera naissance à de nouvelles routes commerciales, ainsi qu’à la création d’une alliance visant à préserver la souveraineté des 3 royaumes face principalement au monde germanique de l’époque.

Aujourd’hui, le contexte a certes changé, sans changer autant. L’Europe est toujours dominée par la composante germanique. Par une Allemagne qui, certes n’a plus ni les moyens, ni les ambitions d’une politique d’hégémonie militaire (Weltpolitik), mais qui, néanmoins, affiche des ambitions hégémoniques sur le Vieux continent avec une main de fer dans un gant de velours, celui de l’économie.

Ayant adhéré à l’Union européenne au début des années 2000, les pays membres de «Visegrad» semblent encore chercher leur voie. Car ayant été longtemps séparés du destin européen par le communisme et le rideau de fer, ces pays n’ont pas connu les profondes mutations politiques, sociétales et économiques de la partie occidentale de l’Europe.

Assoiffés de souveraineté et animés par un désir d’émancipation politique et idéologique, leur adhésion à l’UE avait des visés autant pragmatiques (intérêts économiques, accès au marché européen,…) qu’idéologiques (création d’un Etat de droit, démocratisation,…). Cependant, pour des raisons historiques qu’il est aisé de comprendre, il était hors de question pour ces derniers de passer d’une tutelle à une autre. Longtemps déchiquetés par les différents empires (autrichien, russe, …), les pays de Visegrad voyaient l’Europe comme un espace d’accomplissement, de liberté et d’émancipation, là où la technocratie de Bruxelles avait un autre projet, celui d’une Europe supranationale, qui ne peut se déployer sur la longue durée que par la dilution graduelle et inéluctable de la souveraineté des Etats membres, au profit d’institutions européennes, vues par beaucoup comme étant de moins en moins démocratiques.

Le bras de fer ne va pas tarder. Avec la victoire de Lech Kaczyński en 2005 et celle de Victor Orban en 2010, un conservatisme sociétal combiné à un libéralisme économique et un anti-libéralisme politique, donneront naissance à un nouveau paradigme idéologique qui sera qualifié par les détracteurs de cette révolution conservatrice d’«illibéralisme». Un néologisme qui en dit long sur cette région du Vieux continent, qui tente de combiner les valeurs libérales de l’Europe avec leurs valeurs culturelles profondément ancrées.

Un jeu d’équilibriste qui vaudra à ces deux pays les foudres des européistes au niveau de bon nombre d’institutions européennes, qui verront dans ces mutations politiques un non- respect de l’Etat de droit, une dictature déguisée et des dérives autoritaires, là où ils devraient voir un retour au naturel et une manière particulière de penser la démocratie. De la penser de manière souveraine, à l’image d’un Maroc, dont l’émergence économique et géopolitique semble gêner les mêmes, ceux qui du haut de leur tour d’ivoire à Bruxelles, à Berlin ou à Paris, s’octroient le droit de juger tel ou tel pays dont le seul crime est d’avoir fait des choix souverains, conformes à leur identité profonde.

Si la réunion du «V4+Maroc» porta principalement sur la coopération économique, le substrat commun à ces cinq pays va au-delà de cette dimension. C’est la centralité de la souveraineté nationale et de sa préservation qui fait qu’avec cette Europe-là en particulier, nous avons encore beaucoup de choses à nous dire, beaucoup de luttes à partager.

 

Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Arkhé Consulting

 

 

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