Les 3 agences de notation estiment que le gouvernement n’arrivera pas à atteindre ses objectifs de déficit budgétaire.
La dégradation des perspectives de la note souveraine pénaliserait le Maroc dans sa prochaine sortie à l’international.
Coup sur coup, Standard & Poor's et Moody’s ont abaissé la perspective de la note souveraine du Maroc, la faisant passer de stable à négative. Pour les deux agences de notation, le motif de dégradation est le même : un déséquilibre budgétaire persistant. Seule l’agence Fitch s’est montrée moins sévère dans sa dernière sortie, préservant l’«Outlook» stable du Royaume. Voilà donc une première alerte pour le nouveau ministre des Finances et son gouvernement.
Ces annonces font aussi suite au réajustement apporté par le ministère des Finances aux prévisions de clôture de l’année budgétaire 2018, et ce sur la base des évolutions observées à fin juin et celles attendues au deuxième semestre de 2018.
Cette actualisation fait ressortir un déficit de près de 43 milliards de DH (MMDH) soit 3,8% du PIB, contre une prévision initiale de 33,4 MMDH (3% du PIB). Un trou béant de 9,77 milliards qui n’a pas manqué de faire réagir, dans la foulée, les Big Three du rating.
A noter que le ministère des Finances a promis une veille active, dont l’objectif serait de prendre les mesures nécessaires afin de faire converger le déficit de clôture vers celui prévu initialement.
Or, Moody’s et S&P se montrent dubitatives quant à la capacité du Royaume à redresser la barre. Elles estiment que le budget 2018 connaîtra un gap de 0,8 point de pourcentage (3,8% vs 3%), causé par la faible performance en termes de recettes cette année, due en particulier à l’effet défavorable de la baisse des subventions du Conseil de coopération du Golfe (CCG), à la hausse des dépenses et à celles du coût des subventions à l’énergie.
Même son de cloche du côté de la new-yorkaise Fitch qui, en plus, prévoit un dépassement de 0,4% du PIB des dépenses de compensation causé par une flambée des prix des hydrocarbures.
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Un avertissement
Les agences de notation donnent de la visibilité et de la crédibilité à leurs clients, entreprises ou Etats, en normalisant la notion de risque entre différents pays. Un paramètre aujourd’hui indispensable pour espérer accéder au marché financier international, entre autres. Le revers de cette visibilité est que les avis de ces agences peuvent peser sur le coût d’emprunt de leurs clients. Et c’est justement là où le bât blesse pour le Maroc, qui prépare sa sortie sur le marché obligataire international, après 4 ans d’absence.
En d’autres termes, ces révisions à la baisse de la perspective de la note souveraine du Maroc ou, au pire, une dégradation officielle de la note marocaine, desserviraient le département de Benchaâboun dans ses futures négociations sur la prime de risque, réclamée par les investisseurs internationaux pour acheter de la dette marocaine.
Mais pour l’heure, nous n'en sommes pas encore là, et la note souveraine du Maroc demeure inchangée. Il s'agit donc pour le moment de mesurer l'impact de la perspective négative de cette agence sur le Maroc. Et si le gouvernement n'arrive pas à donner des signes convaincants de rétablissement de ses équilibres macroéconomiques, la dégradation de sa note pourrait tomber comme un couperet.
Un tel downgrade signifiera la perte de l’«Investment grade» et le passage dans la catégorie «Speculative grade». C’est ce qu’a mentionné d’ailleurs l’agence dans sa note : «Les perspectives négatives signifient que nous pourrions baisser nos notes sur le Maroc dans les 24 prochains mois, si le gouvernement n'améliorerait pas sa situation budgétaire». L’Exécutif est prévenu !
Effet d’annonce et superpouvoir
«Il y a deux superpuissances dans le monde aujourd’hui: les États-Unis et Moody’s. Les États-Unis peuvent vous détruire en vous envoyant des bombes. Moody’s le peut également en dégradant la note de vos obligations. Et croyez-moi, il n’est pas toujours facile de savoir lequel des deux a le plus de pouvoir», écrivait à l’époque Thomas Friedman, éditorialiste du New York Times.
C’est justement le pouvoir de noter des Etats qui vaut aujourd’hui aux agences l’image de superpuissance politique. L'étude publiée par la Banque centrale de Pologne en 2014 a évalué ainsi l'impact des décisions des agences (S&P, Moody's, Fitch) sur les primes de risque des dettes souveraines d'un certain nombre de pays de la zone Euro (Espagne, Italie, France, Allemagne), pendant la crise de 2010.
A ce titre, il en est ressorti qu'en moyenne, l'annonce d'une agence sur le rating d'un pays a entraîné une hausse de la prime de risque de 160 pbs pour l'Espagne, 110 pbs pour l'Italie, 80 pbs pour la France et.... 70 pbs pour l'Allemagne. Une autre étude de l’AMF analysant l’impact des décisions d’agence sur les Credits Default Swaps (CDS) montre que les mises sous surveillance ont plus d’incidence que les annonces elles-mêmes, puisque le marché tend à anticiper les décisions. ■
Par Youssef Seddik