Tribune Libre : Les cloches de la guerre retentissent…

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Par Dr Ali Lahrichi, Consultant en Droit international et Relations internationales

Le tyran faisait parfois la guerre «pour priver ses sujets de loisirs et leur imposer constamment le besoin d’un chef»1, disait Aristote dans son œuvre «la Politique»…

 

Le nouveau président américain est un héritier émérite d’une école de pensée qui ne jure que par la suprématie de l’Amérique et par sa puissance militaire. Pourtant, la sonnette d’alarme avait été tirée par le célèbre président Républicain, Dwight D. Eisenhower, qui était de surcroît chef des forces armées américaines pendant la 2ème guerre mondiale contre l’Allemagne. Il avait mis en garde dans son discours d’adieu en 1961 contre le pouvoir du lobby militaro-industriel qui prenait de l’ampleur grâce à l’alliance des grands groupes industriels et des conservateurs issus de l’armée et qui jouaient sur le facteur de la peur des communistes pour promouvoir une politique d’armement qui répond à leurs propres intérêts.

Donald Trump ne pouvait pas déroger à la règle tracée par ses «humbles» prédécesseurs adeptes de l’impérialisme américain et de son rôle de gendarme dans l’arène des nations, même s’il n’est pas sollicité des fois par l’organisation qui les unit et son Conseil de sécurité qui a pour mission essentielle de faire régner la paix et la sécurité dans le monde…

Il marche à son tour sur la voie des va-t-en-guerre des «ex»-locataires du Bureau ovale…

Les John F. Kennedy, Lyndon B. Johnson et Richard M. Nixon, et leur Vietnam et ses 2 millions de victimes, dont 60.000 Américains. Ronald Reagan et son «Iran», ennemi qualifié de Satan, combattu d’une main de fer par un Irak où Saddam Hussein bénéficiait encore du statut d’«ami». George W. Bush, quant à lui, précepteur du «Nouvel ordre mondial» et auteur d’une victoire écrasante des Etats-Unis contre son «ex» «ami» Saddam en 1990-91 au moment de la disparition de son alter ego, l’Union soviétique. Bill Clinton et son interventionnisme militaire à Haïti en 1996. Et son opération «Renard du désert» en Irak en 1998 sans mandat de l’ONU. Et puis le fameux George W. Bush junior, avec sa guerre préventive contre des Etats dits «voyous», lui, qui hormis son passé politique médiocre, le prédestinant au mieux à faire le Shérif dans son Texas natal, se retrouve avec les évènements du 11 septembre 2001 à la tête d’un pouvoir exécutif très solide et très fort qui se nourrit et bénéficie à la fois du soutien apporté par les thèses identitaires et racistes d’un choc des civilisations véhiculées par certains «intellectuels» américains, tels que Samuel Huntington et ses semblables, porte-parole du mouvement néoconservateur et qui raniment une vindicte populaire inégalée à l’encontre de l’autre, ce paria, dont les origines «barbares» sont à l’opposé des siennes.

Selon Philip S Golub : «Les attaques du 11 septembre et la guerre d’Afghanistan ont considérablement accéléré la dynamique de renforcement des pouvoirs présidentiels recherchée par l’administration Bush (...). Le président jouit d’une domination dépassant celle de tous les présidents postérieurs au Watergate, rivalisant même avec celle de M. Franklin D. Roosevelt»2.

Sous l’égide de la défense de l’intérêt national et surtout pour renflouer les caisses des lobbies économiques militaro-industriels et conservateurs, G.W Bush junior allait récompenser gracieusement ses parrains par l’augmentation faramineuse du budget militaire. En effet, en 2001, le budget militaire des Etats-Unis avoisina les 300 milliards de dollars; en 2002, il fut de l’ordre de 339 milliards de dollars pour atteindre en 2004 les 400 milliards de dollars; et en 2007, il passera à 450 milliards de dollars. L’ordre de grandeur de ce budget est ahurissant si on le compare au budget total de la France qui est de l’ordre de 360 milliards de dollars !!

La période de Barack Obama, prix Nobel de la paix, parait plus paisible avec l’assouplissement de l’embargo sur Cuba, les accords sur le nucléaire avec l’Iran, le retrait progressif des militaires de l’Irak et puis sa gestion de la crise syrienne avec modération et des lignes rouges non dépassées. En effet, en 2011, après les appels du président américain à Assad pour se retirer du pouvoir, il y a eu le retrait de l'ambassadeur américain de Syrie, et bien qu’en 2013 le régime syrien soit accusé des attaques chimiques aux alentours de Damas faisant plus de 1.400 morts, Obama va au dernier moment renoncer à le bombarder tout en se mettant d’accord avec la Russie afin de démanteler l'arsenal chimique de la Syrie. Toutefois, c’est en septembre 2014 que les Américains vont entrer en jeu et conduire une alliance pour attaquer cette fois-ci Daech qui semait la terreur à Bilad Sham. ■

 

1- Aristote, «La Politique», Paris, Hermann, 1996.

2- Philip. S. Golub « Retour à une présidence impériale aux Etats-Unis », le Monde Diplomatique, janvier 2002.

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