Sahara/ONU : «Les paramètres ont changé avec la réintégration de l’UA»

rapport Guterres Sahara Maroc 2017

 

Le premier rapport du nouveau SG de l’ONU sur le Sahara était très attendu. En voici une première lecture avec le spécialiste des questions géostratégiques, Cherkaoui Roudani.

 

Finances News Hebdo : Quels sont les éléments nouveaux apportés par ce rapport ?

 

Cherkaoui Roudani : Le nouveau rapport du nouveau Secrétaire général Gutterres a mis l’ac­cent sur plusieurs points très importants. Il parle d’un point qui a été l’objet de manipulation de la part des adversaires de l’intégrité territoriale. Le rapport, qui n’a pas fait l’objet d’une publication officielle, recommande la prorogation du mandat de la Minurso au 30 avril 2018.

Outre l’intention de relancer des négociations avec une nouvelle dynamique, le SG de l’ONU a fait une appréciation géopolitique et sécuritaire très importante en soulignant la nécessité de finir avec ce conflit artificiel pour permettre à la région de relever les défis sécuritaires, économiques et humains qui la guettent. Tout en précisant que les pays voisins, l’Algérie et la Mauritanie, devraient contribuer aux processus de négocia­tions, le rapport a utilisé des terminologies qui apostrophent l’Algérie et son rôle dans le conflit.

Sur la question des droits de l’Homme, le rapport a appelé à la mise en place d’un monitoring «indépendant, impartial et exhaustif», c’est-à-dire une sorte d’appréciation indépendante des droits de l’Homme.  Dans ce sens, il est opportun de faire la différence entre la question de la surveillance des droits de l’Homme et l’élargissement du mandat de la Minurso.

La première requise par le rapport du nouveau SG est au diapason du rôle que jouent plusieurs institutions de notre pays, à l’image du travail que font le Conseil national des droits de l’Homme et ses conseils régionaux et particulièrement ceux des provinces du Sud. N’oublions pas que le Maroc a reçu plusieurs fois des rapporteurs spéciaux de l’ONU. Des invitations volontaristes ont été faites dans le cadre du processus d'ouverture du Maroc sur les procédures spéciales du Conseil des droits de l'Homme.

Dans la même perception des choses, et afin de renforcer ce travail entre les mécanismes nationaux et le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, le Maroc a élaboré un rapport au titre du troisième cycle de l’Examen pério­dique universel à Genève. Ce document, qui a été rédigé avec une vision participative incluant toutes les instances en la matière, trace les faits nouveaux intervenus depuis le précédent examen de la situation des droits de l’Homme au Royaume. Il a mis en exergue la visite au Maroc de l’expert indépendant des Droits de l’Homme, du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, du groupe de travail sur la détention arbitraire et de la rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains. De ce fait, le rapport du nouveau SG a recadré les tentatives et les manigances des adversaires qui ont toujours essayé de minimiser l’importance des mécanismes nationaux dans la défense des droits de l’Homme. C’est une clause majeure qui réduit à néant nos détracteurs au silence.

Dans le rapport, le SG de l’ONU a appelé au réalisme afin de cadrer celles et ceux qui s’agitent pour créer un «Etat lige» dans la région. C’est une phrase qui montre le déterminisme et le pragmatisme du nouveau SG dans sa quête d’insuffler une nouvelle dynamique dans le dossier. Dans ce sens, il n’a pas hésité dans le paragraphe 81 de «considérer les efforts faits depuis 2006».

C’est un signal très fort à l’initiative marocaine de l’autonomie proposée en 2007 pour dépasser ce conflit artificiel. C’est une initiative qui a été accueillie avec considération et estime par la communauté internationale et plusieurs observateurs et responsables onusiens. Cette proposition marocaine a été notée comme réaliste et réalisable devant le Conseil de sécurité par Peter Van Walsum, le prédécesseur de Christopher Ross.

Dans le même rapport, la question de Guergarate a été citée tout en défendant l’approche marocaine de mener des travaux d’assainissement et de goudronnage en menant des opérations de nettoyage dans le respect total de l’accord militaire. Le secrétaire général de l’ONU a appelé le Conseil de sécurité à intervenir pour exhorter les milices armées du polisario à se retirer «entièrement» et «sans conditions» de cette zone tampon.

 

F.N.H. : Quels sont les nouveaux enjeux du rapport de l'ONU pour le Maroc dans un contexte marqué par l'arrivée de Guterres à la tête de l'ONU et le remplacement fort probable de Christopher Ross par Horst Köhler ?

 

Ch. R. : Il semble très fort que les paramètres ont changé. Le retour institutionnel du Maroc à l’UA a placé le dossier dans un autre niveau de discussion.

Le Maroc est une partie prenante dans les relations africaines. Plusieurs pays africains soutenant, jadis, la pseudo «rasd» ont changé leurs positions. Sur plusieurs questions, le rapport a été d’une manière générale favorable au Maroc et son approche de résoudre le problème.

Dans le rapport, le Maroc s’est montré disposé à toutes les exhortations de l’ONU lors de ces dernières années. Il a réintégré l’ensemble de la composante civile de la Minurso et s’est retiré de la zone tampon. Alors qu’en dépit des appels de la communauté internationale, le polisario y est toujours en violation de l’accord de cessez-le feu de 1991 et l’accord militaire numéro un.

 

F.N.H. : Guterres fait du neuf avec du vieux en proposant (encore) des négociations pour trouver une solution politique mutuellement acceptable par les deux parties. Quelles sont les chances de voir cela aboutir, à la lumière de l'échec des négociations de Manhattan ?

 

Ch. R. : Il est à noter que le nouveau SG de l’ONU est un fin connaisseur du dossier. Outre son travail au sein du HCR, Guterres est un ancien homme politique d’un pays qui connaît très bien les dessous de ce conflit artificiel.

Aujourd’hui, à la lumière des développements que connaissent le monde et particulièrement le continent africain, la présence des refugiés dans les camps de Tindouf à côté des zones grises peut vraiment constituer un facteur d’instabilité.

La montée fulgurante des attaques terroristes dans la région du Sahel et particulièrement au nord du Mali doit inquiéter le monde sur le devenir de la stabilité dans la région. Il y a une volonté affichée d’insuffler une nouvelle dynamique afin de parvenir à une solution imprégnée par le réalisme géopolitique qui refuse la fragmentation des territoires. Aujourd’hui, la balle est dans le camp de l’Algérie. ■

 

Propos recueillis par Imane Bouhrara

 

 

 

 

 

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