Fonction publique : La réforme impossible ?

Fonction publique : La réforme impossible ? - Info Économique

 

La gestion par les compétences, l’une des clés de la réforme.

Objectif : inscrire la notion de service public au coeur du nouveau modèle de développement.

Cette énième tentative de réforme sera-telle néanmoins la bonne ?

 

Par David William

Info Économique Maroc - Fonction publique : La réforme repose sur 5 axes principaux

La réforme du système de la fonction publique reste incontestablement l’un des grands chantiers auquel le Maroc a décidé de s’attaquer au cours de ces prochaines années. A la manette pour mettre de l’ordre dans cette fourmilière géante, Mohamed Benabdelkader, qui vient d’ailleurs de décliner les grandes lignes de ce que sera cette réforme. Une réforme qui a comme ligne directrice la bonne gouvernance, et qui repose sur cinq principaux axes: la gestion par les compétences, la restructuration de la haute fonction publique, l’harmonisation des missions de la fonction publique, la révision de sa structure et la motivation et l’amélioration de l’environnement de travail.

L’objectif, à travers ce chantier gigantesque, est clair : doter le Royaume d’une Administration forte, efficace, où les compétences marocaines doivent valablement s’exprimer et qui est capable d’accompagner les ambitions de développement du Royaume. En effet, comme l’a dit le Souverain dans son message adressé le 27 février 2018 aux participants au Forum national de la haute fonction publique, la notion de service public doit être inscrite au coeur du nouveau modèle de développement «grâce à une réforme globale et profonde de l’Administration marocaine».

D’autant que «les administrations et les services publics accusent de nombreuses carences relatives à la faible performance et à la qualité des prestations qu’ils fournissent aux citoyens. Ils pâtissent également de la pléthore des effectifs, du manque de compétence et de l’absence du sens des responsabilités chez de nombreux fonctionnaires», avait par ailleurs fait remarquer le Roi deux ans plus tôt, le 14 octobre 2016, à l’ouverture de la première session de la première année législative de la 10ème législature.

Ces constats faits, il importe donc pour l’Administration de ne plus servir de planque pour les incompétents et les bras cassés qui vivent sur le dos du contribuable, mais d’être plutôt le lieu où doit s’exprimer la bonne gouvernance, à travers notamment la transparence, la performance, le mérite et l’égalité des chances.

 

Info Économique Maroc - Fonction publique : Un travail de titan

L’immensité de la tâche que devra mener Benabdelkader est à l’image des déficiences dont souffre l’Administration. La réussite sera-t-elle au bout de cette réforme ? Difficile d’être optimiste quand on convoque l’histoire récente du Maroc, qui montre que toutes les tentatives de réforme du système de la fonction publique ont viré à l’échec.

Le ministre de la Réforme de l’Administration et de la Fonction publique y croit néanmoins fermement. Car, selon lui, «sa» réforme a ceci de différent : celles qui l’ont précédée ont été concentrées sur la situation administrative des fonctionnaires et des procédures de sa gestion.

Or, explique-t-il, ces modifications étaient partielles et techniques, dépourvues de la dimension managériale et ne tenaient pas compte de la notion du service public et ses principes. En cela, pour garantir le succès de cette réforme, Benabdelkader a élaboré un plan bien circonscrit et, surtout, un calendrier d’exécution précis dont Finances News Hebdo a pu se procurer une copie.

Il est ainsi prévu l’élaboration et la révision de 22 textes législatifs et réglementaires entre novembre 2019 et juin 2021 (voir encadré). Aujourd’hui, dans la fonction publique qui compte environ 40 statuts et 42 instances, «on gère les carrières en tenant compte notamment des grades et de l’ancienneté, mais également à travers un système de notation défectueux où l’on a tendance à systématiquement bien noter ses collaborateurs », souligne un haut cadre de l’Administration. Qui précise que «la gestion par les compétences proposée dans cette réforme rétribue au contraire la performance et valide une progression plus rapide des compétences, tout en garantissant une meilleure efficacité de l’Administration».

Pour autant, notre source est loin de partager l’optimisme affiché par le ministre de tutelle. Car, pour lui, il sera pratiquement impossible de mettre en oeuvre de manière efficiente la gestion par les compétences. D’autant que, fait-elle remarquer, «l’Administration souffre de barrières culturelles trop importantes et dont il sera difficile de s’affranchir, même pour ceux en charge de déployer la réforme». De plus, ajoute-t-elle, se pose le «problème des outils à mettre en place pour piloter efficacement cette réforme et en assurer le suivi».

Raison pour laquelle des anciens hauts cadres de l’Administration ont émis une série de recommandations, dont notamment «la mise en place de mesures d’accompagnement, la mobilisation de budgets supplémentaires et non la dilution de ceux existants déjà et la mobilisation des nouvelles ressources humaines compétentes afin de déployer la réforme», fait savoir notre source. Par ailleurs, une autre question s’invite au débat : cette réforme s’accompagnera-t-elle d’un dégraissage au niveau de l’Administration compte tenu de la «pléthore des effectifs» relevée par le Souverain ? Benadbelkader n’en a pas fait mention pour le moment.

Mais il est évident qu’une réforme de cette importance, avec notamment la priorité accordée à la gestion par les compétences, fera forcément des dommages collatéraux qui ne manqueront pas de faire monter les syndicats au créneau. Sauf que c’est un passage obligé si tant est que le Maroc aspire à se doter d’une Administration à la hauteur, capable d’accompagner valablement les différentes politiques publiques et chantiers de développement lancés et en cours.

 


Info Économique Maroc - Encadré : Calendrier d’exécution de la réforme

Adoption de la gestion par les compétences

- Novembre 2019 : préparation d'un projet de décret relatif au système des emplois et des compétences.

- Décembre 2019 : révision du décret sur l'organisation des structures administratives.

- Juillet 2020 : préparation d'un projet de décret relatif à l'accès à la fonction publique.

- Septembre 2020 : préparation d'un projet de loi définissant les règles d'évaluation des performances des fonctionnaires et de la formation continue

Restructuration de la haute fonction publique

- Novembre 2019 : révision de la loi organique relative aux hautes fonctions.

- Décembre 2019 : révision du décret de nomination aux hautes fonctions.

- Avril 2020 : révision du décret relatif au secrétaires généraux des ministères.

- Avril 2020 : révision du décret relatif aux inspections générales.

- Avril 2020 : révision du décret relatif à l'emploi supérieur de directeur d'administration
centrale.

- Juillet 2020 : préparation d'un projet de décret relatif au système d'évaluation
de la performance des hauts fonctionnaires.

Adéquation des missions de la fonction publique avec la politique de décentralisation

- Décembre 2020 : Préparation d'un projet de loi définissant les méthodes de gestion des postes d'emploi et des quotas au niveau régional.

- Mars 2021 : préparation d'un projet de loi relatif au système de mobilité.

Révision de la structure de la fonction publique

- Juin 2021 : préparation d'un projet de décret sur la classification des emplois et la fusion des statuts fondamentaux.

- Juin 2021 : préparation d'un projet de décret relatif aux carrières professionnelles.

Stimulation et amélioration de l’environnement de travail

- Décembre 2019 : préparation d'un projet de loi pour créer une fondation commune de promotion des œuvres sociales des fonctionnaires.

- Décembre 2019 : préparation d'un projet de loi sur les autorisations (congés, absences...).

- Juin 2020 : préparation d'un projet de loi sur les accidents de travail.

- Décembre 2019 : préparation d'un projet de décret relatif au code de déontologie.

- Décembre 2020 : préparation d'un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail.

- Décembre 2020 : préparation d'un projet de loi sur le Conseil supérieur de la fonction publique.

- Mars 2021 : préparation d'un projet de décret sur le Conseil supérieur de la fonction publique.

- Révision du décret sur les commissions administratives paritaires.  ◆


 

 

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