Chambre de commerce : Les raisons du malaise

Chambre de commerce : Les raisons du malaise

 

La majorité des opérateurs du secteur du commerce fustige la politisation des Chambres de commerce.

Les conflits au sein des Chambres de commerce perturbent leur mission.

Le Forum marocain du commerce a été l’occasion de faire dialoguer les différentes parties pour repartir sur de bonnes bases.

 

Par B. Chaou

 

C’est autour de 8 plénières et de 13 ateliers que le Forum du commerce a pu recueillir les 1.325 recommandations de la part des différents commerçants présents lors de ce conclave organisé à Marrakech. Un exercice auquel toutes les parties prenantes ont contribué, que ce soit la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), les représentants des commerçants ou encore les Chambres de commerce, d’industrie et de services (CCIS).

Lesdites recommandations ont porté sur plusieurs sujets, dont le volet fiscal, avec pas moins de 280 recommandations. La réforme législative et la couverture sociale ont connu respectivement 159 et 105 recommandations. Les accords commerciaux et l’intégration du commerce ambulant ont eu droit respectivement à 52 et 78 recommandations. D’autres propositions ont concerné la promotion de l’offre à l’export ou la création d’une entité de veille économique.

Au final, toutes ces recommandations ont pour objectifs de parvenir à trouver des solutions aux dysfonctionnements dont souffre le secteur du commerce, ainsi qu’aux relations parfois tendues entre ses différents organes représentatifs. Le Forum a en effet révélé, que ce soit lors des plénières ou en coulisses, les profonds désaccords qui existent entre les différents acteurs du secteur.

 

Pour une dépolitisation des Chambres de commerce

Les douze Chambres et la Fédération des CCIS vont désigner des prestataires pour les accompagner dans leurs processus de transformation. Toutefois, une grande majorité de commerçants et de patrons d’entreprises jugent que, sans dépolitisation des Chambres, toutes ces réformes ne mèneront à rien.

La politisation des Chambres est pour un grand nombre de commerçants à l’origine de bien des maux dont pâtit le secteur.

Le «souhait» du gouvernement de revoir le code électoral des Chambres et des statuts, ne rassure en aucun cas les commerçants. A cet effet, la prise de parole de Nabil Nouri, président du Syndicat national des commerçants et professionnels, n’est pas passée inaperçue lors dudit Forum. Il a pointé du doigt l’influence prédominante des politiques au sein des Chambres de commerce.

«Le grand problème des Chambres de commerce, c’est qu’elles sont politisées. Cela entrave leur efficacité et nuit au secteur du commerce de manière globale. Si le secteur du commerce n’a pas atteint le niveau attendu, c’est à cause de cela. Il faut prendre conscience qu’il est nécessaire aujourd’hui de dépolitiser les Chambres de commerce», affirme Nouri.

Plusieurs interlocuteurs sollicités par Finances News ont décrit le manque de transparence dans l’organisation des élections dans certaines Chambres. Ils insistent, en chœur, sur le fait que pour arriver à l’objectif souhaité à travers les réformes instaurées, il est très urgent de dépolitiser les CCIS.

Hassan Sentissi, président de l’Association marocaine des exportateurs (Asmex), déplore à son tour cette politisation. «Les Chambres de commerce sont un catalyseur du commerce de manière générale. Mais jusqu’ici, elles étaient fortement politisées et c’est la raison pour laquelle la grande majorité des opérateurs du secteur rechignait à les rejoindre», confie-t-il. Il est clair que la politisation des Chambres de commerce «dérange». Une situation qu’il faudra impérativement traiter pour apporter plus de confiance et apaiser les tensions qui enveniment les relations entre les différents opérateurs du secteur.

 

Des conflits au sein des CCIS

«Les Chambres de commerce sont sujettes également à une mauvaise gestion. Elles continuent de disposer de budget sans que nous en voyons de résultats concrets», estime un des commerçants.

D’après la même source : «Au sein même des Chambres, il y a des conflits d’intérêts entre commerçants. Dans certains cas, la tension est tellement palpable que certaines d’entre elles n’arrivent plus à tenir de réunions constructives. Certaines même n’ont pas tenu de réunion depuis une année. Les intérêts des commerçants de différentes tailles divergent, et en fin de compte, chacun ne sert que ses propres intérêts, et ceux des commerçants de la même catégorie». Et de poursuivre : «Dans certaines Chambres, des conflits éclatent entre le président et son vice-président, chacun pointe du doigt l’autre partie et dénonce le manque d’efficacité». A en croire les paroles des différents organes représentatifs du secteur, cette situation fait que ces entités ne jouent pas pleinement leur partition pour contribuer au développement du secteur du commerce.

 

Commerce extérieur vs intérieur

Certains commerçants pointent aussi du doigt les réglementations qui n’ont pas suivi l’ouverture du marché marocain au commerce extérieur, de façon à ce qu’une certaine équité soit garantie entre les entreprises du commerce extérieur et celles du commerce intérieur. Chose qui a ravivé les tensions au fil des années.

«Le dialogue de sourds a été pendant une longue période la relation qui liait les exportateurs du commerce extérieur aux acteurs du commerce intérieur», nous confie Mohamed Es Saadi, vice-président de l’Asmex.

Une opinion confortée par Hassan Sentissi, qui abonde dans le même sens: «Il faut qu’il y ait une jonction entre le commerce extérieur et le commerce intérieur pour éviter la cacophonie qu’on a vécue. Chacun tirait de son côté pour atteindre ses propres objectifs et obtenir ce qu’il veut en se basant sur ses propres intérêts. Il faut harmoniser nos efforts pour arriver à concrétiser le vœu commun de tous les concernés, celui d’aller de l’avant avec le secteur du commerce».

Le patron de l’Asmex poursuit avec un brin d’optimisme: «L’Asmex affirme aujourd’hui sa présence sur tout ce qui concerne le commerce extérieur. De même, à travers un accord avec les Chambres de commerce, nous serons domiciliés au sein de ces dernières, ce qui représente pour nous et pour le commerce une grande avancée. Cela nous donnera les moyens de bien promouvoir le commerce extérieur, ainsi que les autres composantes du secteur plus généralement».

 

Optimisme tout de même

Pour revenir aux Chambres de commerce, il est évident, d’après les différents opérateurs, qu’elles n’ont pas rempli leurs missions, et n’ont pas été des interlocuteurs à la hauteur des attentes du secteur. La relation entre les composantes reste envenimée par les tensions, et tributaire de plusieurs éléments qui ne sont pas faciles à cerner.

Toutefois, le Forum du commerce, a permis de crever l’abcès, initier un dialogue, proposer des solutions aux divers problèmes, et instaurer un climat d’apaisement entre les syndicats représentatifs des commerçants.

La tutelle a mis en place de nouvelles mesures afin que les Chambres de commerce puissent remplir pleinement leurs missions. Celles-ci seront renforcées suite à la signature de la convention cadre et une convention de partenariat pour la promotion de l’entrepreneuriat et la compétitivité des entreprises dans les régions.

Conclu entre le ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie numérique (MIICEN), la Fédération des Chambres marocaines de commerce, d'industrie et de services (FCCISM) et Maroc PME, ce partenariat peut être qualifié de stratégique, puisqu’il unit des acteurs incontournables en matière de promotion et d’appui aux entreprises au niveau national et local et ayant des atouts décisifs et l’expertise technique permettant, sur la base des acquis, une collaboration étroite et l’élaboration d’un plan d’action commun.

«Ce partenariat vient ajouter une nouvelle pierre à l’édifice du projet national de la régionalisation avancée. En mars dernier, a eu lieu la signature de conventions relatives aux Plans de développement des 12 Chambres de commerce, d’industrie et de services du Maroc, de même qu’a été signée la convention relative au Plan de développement de leur Fédération. Un jour spécial, donnant le coup d’envoi à un chantier capital visant le renforcement du rôle des CCIS dans la dynamique entrepreneuriale nationale en tant qu’acteur d’accompagnement actif et de proximité faisant remonter du terrain les besoins des entreprises», a rappelé Moulay Hafid Elalamy, ministre de tutelle. ◆

 

 

 

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