Climat des affaires : « La numérisation des procédures doit être effective »

Climat des affaires : « La numérisation des procédures doit être effective »

Toutes les procédures juridiques qui ne requièrent pas la présence physique de l’administré peuvent être dématérialisées et accomplies par l’usage de l’outil électronique.
La constitution des entreprises, déjà facilitée par la création de guichets uniques (CRI), sera intégralement dématérialisée par application de la loi 88-17.
Entretien avec Nesrine Roudane, avocate, membre du Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau de Casablanca, présidente de la commission juridique et fiscale de la CFCIM, et associée-gérante- Roudane & Partners Law Firm.

 

Propos recueillis par B. Chaou

 

Finances News Hebdo : Les processus de dématérialisation permettent le gain de temps et la réduction des déplacements vers les administrations. Quelles retombées cela pourrait-il avoir sur le climat des affaires au Maroc ?

Nesrine Roudane : Il faut comprendre, d’une part, que ces dématérialisations étaient prévues à plus ou moins long terme. La pandémie a toutefois accéléré leur mise en place, qui n’est plus seulement souhaitable, mais nécessaire. D’autre part, toute réduction du temps de communication et de traitement des requêtes administratives, qu’il s’agisse de création d’entreprise, de dépôt de pièces ou déclarations, est bénéfique pour le Maroc au titre, par exemple, du classement «Doing Business».

Ce classement est très important pour attirer les investisseurs et relancer l’investissement. Encore faut-il que la dématérialisation soit effective, et non une procédure additionnelle, ce qui est le cas lorsqu’il faut également déposer un dossier papier…

 

F.N.H. : Comment l'outil numérique peut-il améliorer le traitement des affaires juridiques. Par exemple, la constitution des entreprises ?

N. R. : L’outil numérique permet aux administrés, comme vous l’avez mentionné, de réaliser des gains de temps et de réduire les déplacements vers les administrations. La constitution des entreprises, déjà facilitée par la création de guichets uniques (CRI), sera intégralement dématérialisée par application de la loi 88-17 relative à la création et à l’accompagnement de l’entreprise par voie électronique. L’usage de formulaires standardisés permet notamment de s’assurer que toutes les informations requises ont été fournies.

Mais aussi l’usage de l’outil numérique libère plusieurs personnes employées à la réception physique des dossiers et qui peuvent désormais en traiter un plus grand nombre, ce qui accélère les délais de traitement. Ajoutée à l’outil numérique de base, l’intelligence artificielle, qui commence à être utilisée également, permet de recouper les informations et d’effectuer des vérifications plus rapidement et avec un taux d’erreur pratiquement nul.

 

F.N.H. :Quelle serait la valeur ajoutée pour l’environnement des affaires de mettre en place la signature électronique ?

N. R. : L’usage de la signature électronique, telle que prévue par la loi n° 53-05 relative à l’échange de données juridiques, n’est pas encore très répandue et pour cause. Elle suppose, dans le cadre d’un échange où l’authenticité des signatures importe, que toutes les parties se soient soumises à une procédure physique préalable de dépôt de signature et de certification, ce qui n’est pas toujours possible, notamment en présence d’étrangers.

Il existe d’autres méthodes, comme la double identification (authentification) en amont ou même la simple présomption d’identité, qui pourrait servir à donner aux courriels une réelle force probante, même sans signature électronique certifiée. Dans tous les cas, la valeur ajoutée de la signature électronique pour l’environnement des affaires est claire, particulièrement dans un contexte d’urgence sanitaire où il est nécessaire d’agir efficacement et en toute sécurité.

 

F.N.H. : Dans l'optique d'une numérisation encore plus avancée, quelles seraient selon vous les procédures juridiques qui en bénéficieraient ?

N. R. : Toutes les procédures juridiques qui ne requièrent pas la présence physique de l’administré (ou de son représentant) peuvent et devraient être dématérialisées (numérisées) et accomplies par l’usage de l’outil électronique. Qu’il s’agisse du dépôt de déclarations, notamment fiscales, de requêtes et autres documents judiciaires, maintenant possible dans la plupart des juridictions, ou encore d’audit, la dématérialisation est bénéfique en raison de gains de temps et autres économies qu’elle permet de réaliser, notamment en termes d’effectifs.

Une numérisation efficace prenant en considération les impératifs de cybersécurité facilite également la protection des personnes physiques dans le traitement des données personnelles qui, lorsqu’elles sont traitées au moyen de formulaires papier, est beaucoup plus difficile à assurer.

 

F.N.H. : Les procès en vidéoconférence en matière pénale, ainsi que le dépôt de plaintes électroniques vont se poursuivre. Cela contribuerait-il, selon-vous, à fluidifier le traitement des dossiers en cette période de crise sanitaire, mais aussi dans une optique de long terme ?

N. R. : Oui. Sans ces nouvelles facilités, les plaintes se seraient raréfiées, ce qui peut entraîner beaucoup de débordements et une augmentation considérable de la criminalité non déclarée. Les dossiers pénaux se seraient accumulés (comme c’est actuellement le cas des dossiers civils et commerciaux) et les tribunaux pour les procédures qui s’y seraient déroulées, seraient devenus d’importants foyers potentiels de contamination à la covid-19, comme l’ont été certaines prisons.

Mais une fois la crise sanitaire terminée, ces facilités continuent de fournir les mêmes avantages de fluidité et, plus généralement, de gestion des plaintes et des dossiers et devraient donc être maintenues en place, voire même développées davantage. Sans parler du risque d’une nouvelle pandémie ou d’une autre situation d’urgence à plus ou moins long terme. Toutefois, il importe de continuer à respecter certains principes fondamentaux du droit pénal, comme la publicité des audiences, le contradictoire, les droits de la défense, etc.

Pour y parvenir, tant en matière pénale, civile, commerciale ou autres, il conviendra de mettre en place le cadre législatif qui présentera toutes les garanties nécessaires, que ce soit dans le cadre du projet de loi portant sur l’usage des moyens électroniques dans les procédures judiciaires ou dans le cadre du chantier de modernisation des juridictions et numérisation de leurs services, notamment à travers le plan de transformation digitale de la justice marocaine.

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