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Assurance automobile : Tir groupé contre la fraude

Assurance automobile : Tir groupé contre la fraude

Du fraudeur amateur au réseau professionnel organisé, la pratique de la fraude a explosé au Maroc ces dernières années. Le processus d'indemnisation rapide est pointé du doigt. 

Les compagnies, aidées par des experts métiers, ont pris le temps de comprendre le phénomène pour mieux le combattre. 

 

Par  Adil Hlimi 

 

La fraude à l'assurance automobile, beaucoup y ont été confrontés au moins une fois dans leur vie. Anodine, perçue des fois même comme légitime pour le fraudeur amateur, elle est érigée en métier par des réseaux spécialisés. Elle se définit par la volonté de soustraire des sommes non dues aux compagnies, sans le respect du principe indemnitaire de l'assurance.

Younes Saih, expert en assurance et spécialiste de la lutte contre la fraude aux assurances, dresse pour nous le profil type du fraudeur, deux portraits robots bien polarisés.

Il y a d'abord ce qu'appelle l'expert «le fraudeur amateur» ou «fraudeur du dimanche». Il chercher à maximiser l'indemnisation des sinistres. Il sévit souvent selon une saisonnalité, pour financer un achat par exemple ou sa prochaine prime.

Les méthodes sont multiples et n'ont de limites que l'imagination du fraudeur.

A côté, l'on retrouve des fraudeurs plus expérimentés, «des professionnels qui s'organisent en bandes organisées». Dans certains cas avérés, ces réseaux infiltraient même les compagnies, avec des complices dans toute la chaîne : garagistes, experts... Certains de ces réseaux ont monté des fraudes à dimension nationale. Un véritable savoir-faire facilité par les mécanismes rapides d'indemnisation qui ont proliféré depuis quelques années. Une pratique que les compagnies ont d'ailleurs décidé de limiter considérablement et ne plus en faire un produit d'appel. 

 

Les zones à risque 

Younes Saih identifie deux principales zones à risque dans le processus de l'assurance. Tout d'abord, il cite les risques de fraude liés à la souscription. On parle ici de la définition, au moment de la souscription, d'un bien qui n'est pas le bien réel. Plusieurs autres fraudes ont pour but le blanchiment d'argent.

L'expert évoque également des descriptions fausses et frauduleuses des biens à assurer au moment de la souscription. C'est pour cette raison que plusieurs compagnies ont mis en place des expertises plus ou moins poussées au moment de la description, qui vont de la visite d'un expert pour les véhicules les plus onéreux à des prises de photos par les agents de la compagnies au moment de la signature. 

L'autre zone à risque présentée par Younes Saih concerne le moment du sinistre. Il parle en premier de l'estimation des sinistres. Il avance le chiffre de 80% pour la proportion des devis exagérés réalisés par les garagistes, ce qui en dit long sur l'ampleur du phénomène et sa généralisation.

D'autres exemples sont cités comme les accidents simulés, les faux constats où encore les sinistres volontaires. 

 

Des mesures de place…

La dégradation de la sinistralité automobile a amené les compagnies à prendre plusieurs mesures, dès 2019, pour enrayer la tendance et redresser la rentabilité technique de cette branche.

Les mesures sont nombreuses : certaines, dites de place, impliquent toutes les compagnies. Il s'agit par exemple de la modification de la convention d’indemnisation directe en auto (CID).

Concrètement, le recours forfaitaire pour les dossiers inférieurs à 20.000 DH sera abandonné. Chaque compagnie prendra en charge l’indemnisation de ses assurés non responsables ou partiellement responsables.

Quant aux dossiers de plus de 20.000 DH, les modalités de la convention seront modifiées par l’enrichissement du barème de la responsabilité et par l’unification du barème des valeurs vénales et vétustés.

Les assureurs de la place comptent également renforcer le dispositif de lutte antifraude, avec la montée en puissance d'un extranet sinistre au niveau du marché mis en place fin 2018.

Cette plateforme d'échange des sinistres permettra aux gestionnaires au niveau des compagnies de consulter la situation des assurés afin de détecter les cas éventuels de fraude. C'est une sorte de centrale des risques pour le secteur.

Parallèlement, un dispositif de détection de la multiassurance a été mis en place, pour que l’intermédiaire puisse en être informé au moment de la souscription d’une nouvelle couverture d’assurance automobile. 

 

... Et des mesures individuelles 

Si toutes les compagnies vont adhérer aux mesures de place évoquées, elles devront aussi penser à des solutions individuelles. Chaque compagnie devra personnaliser sa stratégie pour redresser la rentabilité technique. Chacun place le curseur en fonction de ses contraintes. Mais le marché semble sensibilisé.

D'ailleurs, un resserrement des conditions d'indemnisation s'observe sur le marché, alors que les garanties annexes sont moins généreuses sur les nouveaux contrats.

Une revue en profondeur des prestations d'assistance offertes est en cours par plusieurs compagnies sondées.

Certains ont décidé de mener le changement en collaboration avec leur écosystème, en impliquant réseau et réparateurs. Des mesures parfois impopulaires mais nécessaires, nous explique-t-on, et qui se traduisent dans certains cas par une hausse des polices d'assurance pour les usagers à risque. 

Quoi qu'il en soit, il faudra encore se montrer patient avant que ces mesures ne portent leurs fruits et qu'elles se traduisent par une baisse durable de la sinistralité.

Comme nous le confie un assureur, tant que l'indemnisation rapide et sans obligation de réparer le véhicule se poursuit, le phénomène de la fraude bénéficiera d'un environnement propice à son développement.

La course aux parts de marché favorise ainsi l'aléa moral chez les assurés. En somme, tout reste à faire. 

 

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