Le Maroc est désormais entré dans l’ère de la 5G, avec les premiers effets visibles sur les usages numériques depuis son activation début novembre.
Par K. A.
Depuis le lancement du réseau haut débit de nouvelle génération, début novembre, un changement progressif s’installe dans les usages numériques. Ce n’est pas une rupture spectaculaire : plutôt une montée en confort, une vitesse qui s’impose naturellement, une continuité qui transforme des gestes courants comme lancer une vidéo, charger une carte ou accéder à un service administratif en actions immédiates.
Dès la première semaine, les opérateurs annonçaient plus de 60 villes couvertes, près de 6.000 stations actives et environ 7 millions de smartphones compatibles déjà connectés. Un démarrage rapide, facilité par un parc d’appareils largement prêt. La majorité des terminaux commercialisés ces deux dernières années étaient déjà 5G. Le basculement s’est donc opéré sans contrainte matérielle, laissant les usages parler d’eux-mêmes.
La vitesse qui change les usages
Dans les zones bien couvertes, les débits dépassent régulièrement les 500 Mb/s, avec des pointes plus élevées selon les quartiers et les tests réalisés. Toutefois, au-delà des chiffres, le gain le plus perceptible reste la baisse de la latence, qui descend autour de 10 à 15 millisecondes sur les premières zones déployées.
Cette réactivité se traduit, concrètement, par un chargement instantané des pages, des cartes interactives plus fluides et des téléchargements beaucoup plus rapides. Dans le domaine du streaming également, l’effet se fait sentir. Les plateformes vidéo ajustent automatiquement la qualité en fonction du réseau disponible et délivrent des flux plus stables, avec moins d’interruptions. Certaines zones 5G affichent déjà une hausse notable du volume de données consommées, signe que les utilisateurs modifient leur manière de regarder du contenu. Sans transformer les habitudes, la 5G change clairement le rythme : moins d’attente, davantage de fluidité et une expérience générale plus stable. Cette dynamique s’observe dans plusieurs pays pionniers.
En Corée du Sud, par exemple, la consommation moyenne de données a augmenté de 30% la première année suivant le lancement du réseau, selon le Korea Information Society Development Institute. En France, l'Arcep relève que les abonnés 5G consomment en moyenne 2,4 fois plus de data que les abonnés 4G. Ces tendances montrent que la trajectoire observée au Maroc s’inscrit dans un mouvement global.
Une bascule silencieuse
En parallèle, le télétravail est un autre domaine où la 5G apporte un gain concret. La fibre demeure encore absente dans certains quartiers urbains, et beaucoup d’entreprises ont conservé un modèle hybride. Selon l’OCDE, entre 15 et 20% des salariés dans les économies émergentes recourent régulièrement au télétravail depuis 2022, une tendance également visible au Maroc. Les box 5G proposées par les opérateurs offrent, dans ce contexte, une alternative crédible : elles fournissent des débits similaires à ceux d’une fibre intermédiaire, avec une stabilité nettement supérieure à l’ADSL.
Pour les utilisateurs déjà équipés, la visioconférence gagne en régularité et les outils cloud réagissent plus rapidement. Cela ne transforme pas le modèle de travail, mais améliore sensiblement le confort numérique quotidien. Avec l’accélération de la digitalisation administrative, de nombreux services sont désormais accessibles en ligne : identité numérique, démarches d’état civil, rendezvous, portails fiscaux ou judiciaires.
Le Maroc a progressé dans ce domaine, gagnant neuf places dans l’indice des Nations unies sur l’egouvernement en 2022. L’arrivée de la 5G ne modifie pas ces services en profondeur, mais elle élargit les capacités du réseau dans les zones fortement sollicitées.
Dans cette perspective, l’expert télécoms Khalid Ziani estime que «la 5G restera avant tout urbaine tant que le Maroc n’aura pas un véritable plan national du haut débit. Les zones blanches et grises doivent devenir la priorité, sinon la fracture numérique risque de se transformer en fracture sociale».
La question la plus essentielle reste néanmoins celle de la couverture territoriale. En effet, si la 5G progresse rapidement dans les grandes villes, les zones périurbaines et rurales devront attendre davantage pour bénéficier du même niveau de service.
Le phénomène n’est pas propre au Maroc : selon Ericsson, 36% de la population mondiale ont accès à la 5G, mais seuls 10% des territoires sont réellement couverts, preuve que la technologie demeure très urbaine dans sa phase initiale. Comme le rappelle Khalid Ziani, la question dépasse largement la seule technologie.
«La 5G n’aura un impact massif que si le Maroc corrige ses faiblesses structurelles : couverture inégale, manque d’infrastructures neutres, financement limité du service universel. Le réseau peut aller vite, mais c’est tout l’écosystème qui doit suivre», souligne-t-il.
Pour l’heure, la dynamique reste positive : terminaux déjà compatibles, offres alignées sur les prix habituels, concurrence active entre opérateurs et premiers gains visibles pour les utilisateurs. La 5G ne révolutionne pas le quotidien, mais elle installe progressivement une nouvelle norme : un Internet plus réactif, plus stable, plus immédiat.