Manoeuvres politiques : Benkirane, Deroua par-ci, Oulmès par-là

Manoeuvres politiques : Benkirane, Deroua par-ci, Oulmès par-là

benkirane el omari

Retour sur deux faits ayant marqué la chronique politique ces derniers jours au Maroc. D’une part, les propos de Benkirane sur l’affaire du caïd de Deroua, qui lui ont valu de vives critiques de la part de l’opposition. D’autre part, la démission d’une manière originale, du député de Oulmès, Mohamed Achrourou, lors de la séance mensuelle des questions orales adressées au Chef de gouvernement.

Caïd de Deroua : La phrase de trop de Benkirane

Benkirane a-t-il bien mesuré les propos de son discours du 1er mai, en évoquant le procès du caïd de Deroua, poursuivi pour harcèlement sexuel dans une affaire tumultueuse, impliquant également, dans un autre procès, une femme, son mari et un ami, accusés, quant à eux, de séquestration et de chantage. S’agissant de ce deuxième procès, rappelons que le tribunal de première instance de Berrechid avait condamné les trois individus à des peines de prison ferme (4 mois pour la femme, un an pour le mari et 8 mois pour le complice). Les trois inculpés devraient aussi verser une somme de 60.000 dirhams en guise de dédommagement à l’Ex-caïd (il a été radié, entre-temps, du rang des agents d’autorité).
Lors du rassemblement de l’UNTM, le bras syndical du PJD, le Chef de gouvernement, emporté probablement par les commentaires sur cette affaire qui enflamme les réseaux sociaux, a mélangé les deux procès en lançant un message contraire au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. «Le caïd de Deroua a nui à l’image de l’agent d’autorité en entrant au domicile d’une femme mariée en l’absence de son mari», a-t-il martelé avant de commettre l’irréparable : «Je comprends que la femme, le mari et leur complice soient emprisonnés pour chantage. Mais je ne comprends pas pourquoi le caïd est toujours en liberté». Ces propos pouvaient être interprétés comme une interférence dans une affaire judiciaire, à moins de 24 heures de la réunion de la Chambre «Al Machoura» près la Cour d’appel de Settat.
Celle-ci devrait statuer sur la demande du procureur général qui réclame le placement du caïd en détention provisoire, après que le juge d’instruction a décidé de le poursuivre en état de liberté. Heureusement que le ministre de l’Intérieur a rectifié le tir en insistant sur «la nécessité de préserver l’indépendance de la justice» lors de la séance plénière hebdomadaire à la première Chambre du Parlement.
L’affaire du caïd de Deroua et les propos de Benkirane ont été au centre d’une série de questions formulées par plusieurs groupes parlementaires, issus de la majorité comme de l’opposition. «Nous n’émettons pas de jugements préalables sur des affaires soumises au tribunal», rétorque le ministre Hassad, coupant court à la surenchère politique qui allait se déclencher autour de l’affaire du caïd de Deroua. La chambre «Machoura» près la Cour d’appel, elle, a reporté l’examen du dossier au lundi 9 mai.


Parlement : Une démission pas comme les autres

Une première dans les annales de l’Hémicycle. Populisme ou courage politique? Chacun y va de son propre commentaire. La démission du député du PAM, Mohamed Achrourou, en pleine séance mensuelle de questions orales adressées au Chef de gouvernement, a défrayé la chronique politique. Que l’on soit pour ou contre le geste, l’élu de Oulmès a sûrement réussi à attirer l’attention du grand public sur le déficit en staff médical et en équipements nécessaires au bon fonctionnement de l’hôpital local qui, selon lui, «ne sert à rien malgré les milliards (de centimes bien sûr, ndlr) engagés par la commune de Oulmès pour financer ce projet, en partenariat avec le ministère de tutelle». Ce dernier aurait failli à ses engagements, à en croire le député démissionnaire. Ingénieur topographe de son état, Mohamed Achrourou dit avoir épuisé son capital patience face au mutisme des ministres successifs de la Santé, de Yasmina Baddou à Lhoucine Louardi, malgré les nombreuses requêtes orales et écrites qu’il leur a adressées, et ce depuis sa première élection en 2007 où il fut l’un des 37 élus du Mouvement pour tous les démocrates (MTD), le premier noyau à l’origine de la naissance du parti du tracteur. Achrourou s’est dit aussi consterné de constater l’absence des fameux hélicos du ministère de la Santé (Smur) suite au drame de la route qui a provoqué la mort de six passagères d’un pick-up et fait 14 blessés récemment.
Peu importe sa motivation, la démission du député de Oulmès soulève de nouveau la question des missions confiées aux élus de la nation. Faut-il user de son statut de parlementaire pour résoudre des problèmes à caractère local ? Pourquoi Achrourou a-t-il attendu la fin de son mandat pour jeter l’éponge, sachant que sa démission ne sera actée qu’une fois validée par le Conseil constitutionnel, alors que seulement cinq mois nous séparent des nouvelles législatives ! En tout cas, à la question de savoir s’il se présenterait au prochain scrutin du 7 octobre, la réponse du député de Oulmès est restée floue !

Wadie El mouden

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