Iran : l’ayatollah Khamenei sort de son silence (AFP)

Iran : l’ayatollah Khamenei sort de son silence (AFP)

 

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a brisé son silence mardi et accusé les «ennemis» de l'Iran de porter atteinte au régime, au sixième jour d'un mouvement de contestation marqué par des violences meurtrières et des centaines d'arrestations.

Le président américain Donald Trump s'est pour sa part réjoui que «les Iraniens agissent enfin contre le régime iranien brutal et corrompu», dans le dernier des nombreux tweets qu'il a déjà rédigés sur ces manifestations et qui lui ont valu les foudres des autorités iraniennes.

Au total, 21 personnes -dont neuf dans la nuit de lundi à mardi - ont été tuées depuis le début le 28 décembre à Machhad (nord-est) des rassemblements contre les difficultés économiques et le pouvoir, qui se sont rapidement propagés à l'ensemble de l'Iran.

Les autorités ont déployé des forces de sécurité supplémentaires pour faire face à ce mouvement antigouvernemental, qui ne paraît pas être particulièrement structuré, notamment à sa tête.

Dans sa première déclaration depuis le début des événements, l'ayatollah Khamenei a assuré à la télévision d'Etat que «les ennemis (de l'Iran) s'étaient unis en utilisant leurs moyens, leur argent, leurs armes (...) et leurs services de sécurité pour créer des problèmes au régime islamique».

Ils n'attendent qu' «une occasion pour s'infiltrer et porter des coups au peuple iranien», a-t-il dit.

Pour Donald Trump, qui s'en prend régulièrement à l'Iran, bête noire de Washington, les Iraniens ont «faim de nourriture et de liberté» et leurs protestations montrent que «le temps du changement» est venu dans le pays.

«Au lieu de perdre son temps en envoyant des tweets inutiles et insultants, (M. Trump) ferait mieux de s'occuper des problèmes intérieurs de son pays», a réagi mardi un porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, cité par les médias.

Le principal groupe réformateur, présidé par l'ex-président Mohammad Khatami, a condamné mardi les violences des derniers jours et la «profonde duperie» des Etats-Unis qui ont soutenu les manifestations, dans un communiqué publié par les médias.

«Les fauteurs de trouble ont profité des rassemblements et des protestations pacifiques pour (...) détruire les biens publics et insulter les valeurs sacrées religieuses et nationales», affirme un communiqué de l'Association des religieux combattants.

Selon la télévision d'Etat, neuf personnes ont été tuées dans la nuit de lundi à mardi dans la province d'Ispahan (centre), dont six manifestants. A Khomeinyshahr, un enfant de 11 ans a été tué et son père blessé par des tirs de manifestants alors qu'ils passaient près d'un rassemblement.

Un membre des Gardiens de la révolution a par ailleurs été tué par balles à Kahriz Sang, ainsi qu'un policier à Najafabad.

Si Téhéran est globalement moins touchée par les protestations que les villes petites et moyennes, 450 personnes y ont été arrêtées depuis samedi, a indiqué le sous-préfet de la capitale Ali-Asghar Nasserbakht à l'agence Ilna, proche des réformateurs.

Pour le chef du tribunal révolutionnaire de Téhéran, Moussa Ghazanfarabadi, cité par l'agence Tasnim, «le crime des personnes arrêtées devient chaque jour plus grave et leur punition sera plus lourde».

«Nous ne les considérons plus comme des protestataires qui réclament leurs droits mais comme des gens qui visent le régime», a-t-il prévenu.

Les autorités accusent des «fauteurs de troubles» armés de s'infiltrer parmi les manifestants et certains dirigeants ont pointé du doigt le rôle présumé de «contre-révolutionnaires» basés à l'étranger.

Le général Rassoul Sanaïrad, l'adjoint politique du chef des Gardiens de la révolution, a ainsi affirmé que les Moudjahidines du peuple «avaient été chargés par les Al-Saoud (la famille qui règne sur l'Arabie saoudite, grand rival régional de l'Iran) et certains pays européens de créer de l'insécurité», selon l'agence Tasnim.

Le vice-ministre iranien de l'Intérieur, Hossein Zolfaghari, s'est voulu optimiste. «Dans la plupart des régions du pays, les gens coopèrent avec les forces» de l'ordre, a-t-il déclaré selon plusieurs médias.

Les rassemblements antigouvernementaux, qui se sont poursuivi ces derniers jours en dépit du blocage de réseaux sociaux utilisés pour appeler à manifester, sont les plus importants depuis le mouvement de 2009 contre la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad.

Accusant une «petite minorité» de «fauteurs de troubles», l'actuel président Hassan Rohani a assuré que «le peuple allait leur répondre» tout en ajoutant que le gouvernement était déterminé à «régler les problèmes de la population», en particulier le chômage (12% de la population active).

Elu pour un second mandat en mai avec le soutien des modérés et des réformateurs, M. Rohani a permis à l'Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales liées aux activités nucléaires de Téhéran, qui avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la situation économique.

Mais cette levée des sanctions, conséquence de la signature en 2015 d'un accord nucléaire historique avec les grandes puissances, tarde à porter ses fruits.

 

 

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux