«En politique internationale, il n’y a pas de place pour les émotions»

«En politique internationale, il n’y a pas de place pour les émotions»

cherkaoui roudani

Le clash avec Ban Ki-moon doit inciter le Maroc à travailler de manière prudente et stratégique sur le dossier du Sahara. Malgré sa récente position ambiguë concernant le rapport de l’ONU, la Russie avait joué un rôle en faveur du Maroc lorsque les USA ont cherché en 2013 à étendre le mandat de la Minurso aux droits de l’Homme. Les USA, pour des raisons subjectives et opaques, n'ont pas pu dépasser et regarder autrement le multilatéralisme dans lequel s’inscrit le Maroc. Cherkaoui Roudani, analyste en géostratégie, revient sur les principaux enseignements à tirer pour le Maroc.

Finances News Hebdo : Premièrement, quels sont les principaux enseignements à tirer de la crise avec le SG de l’ONU ?

Cherkaoui Roudani : Sur le plan national, il y a une forte unité et unanimité sur cette question qui a une dimension existentialiste pour le peuple marocain. Dans ce sens, à chaque fois que des manigances sont orchestrées par des adversaires visibles et parfois invisibles afin de déstabiliser le Royaume du Maroc, il y a cette convergence de synergies et de forces pour contrer les machina­tions. A l’échelle internationale, le SG de l’ONU a commis des fautes graves qui peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la paix et la sta­bilité de toute une région, pour ne pas dire tout un continent. Les sorties de Ban Ki-moon lors de sa récente visite en Algérie font fi de la neutralité et l’impartialité inscrites dans le règlement intérieur même de cette organisation. Par conséquent, notre pays doit rester vigilant sur ce dossier et tra­vailler d’une manière stratégique contre les plans machiavéliques visant à affaiblir notre conception de nos propres perceptions de nos relations inter­nationales.

F.N.H. : Dans le même ordre d’idées, com­ment le Royaume doit-il gérer le dossier du Sahara marocain après le vote du rapport de l’ONU en avril ?

Ch. R. : Il est important de souligner un point majeur dans ce défi. En dépit des manigances et de la propagande fallacieuses des Algériens et d’autres forces invisibles sur ce dossier, le Royaume du Maroc a réussi à mettre en échec tous les plans visant à anéantir la position maro­caine et le plan d’autonomie. De ce fait, la résolution 2285, dans sa phraséologie et son contenu politique, imprègne la vision marocaine d’autonomie en réaffirmant les cinq paramètres fondamentaux des négociations pour parvenir à une solution politique à ce différend régional. Maintenant, le Maroc, et à travers la vision stra­tégique de Sa Majesté le Roi, a pu contrer ces attaques visant notre intégralité territoriale et consolider la prééminence de sa vision dans la gestion de ce conflit artificiel. N’oublions pas aussi que le Maroc est devenu un pays pivot dans la région et la sous-région. La réussite des pourpar­lers libyens ayant abouti à la signature de l’accord de Skhirate a conforté l’image du Royaume, celle d’un pays de paix et de stabilité. La mise en place de cet accord peut jouer un rôle très important pour contrecarrer les projets d’irrédentisme dans la région. N’oublions pas le discours de Sa Majesté à Ryad durant le sommet Maroc-CCG dans lequel le Souverain a décrit d’une manière minutieuse le contexte particulièrement difficile et incertain dans lequel évolue le monde arabe dans le système international.

F.N.H. : Justement, quelles sont les retom­bées des nouvelles orientations géopoli­tiques du Royaume, telles que contenues dans le discours royal prononcé à Riad ?

Ch. R. : Le Maroc a de tout temps eu une politique internationale équilibrée et visionnaire. D’ailleurs, le regard du Maroc et toutes ses perceptions de la lutte contre le terrorisme se confortent aujourd’hui à la lumière de la recrudescence des attaques terroristes dans le monde. Le dis­cours royal prononcé à Ryad est fondateur d’une politique internationale marocaine basée sur le réalisme et le pragmatisme. Le Maroc a le droit de travailler sur la mise en place de stratégies d’alliance pérennes et responsables, même avec les pays les plus lointains. Ce qui importe, c’est la volonté de construire et de travailler sur des plans et des pactes stratégiques. Le pays, et à travers les visites historiques de Sa Majesté en Inde, en Russie et en Chine ainsi que dans plusieurs pays du Conseil de Coopération du Golfe qui élucident la nouvelle vision géostratégique, s’est positionné en tant que pays de premier plan dans un système international en pleine remise en cause.

F.N.H. : Parmi ces «nouveaux» alliés, la Russie peut-elle être un allié fiable sur ce dossier compte tenu de son abstention lors du Conseil de Sécurité ?

Ch. R. : En politique internationale, il n’y a pas de place pour les émotions. La visite de Sa Majesté en Russie a été bénéfique pour les deux pays. Un pacte stratégique est en train de se mettre en place avec ce pays, et qui, faudra-t-il rappeler, nécessite un environnement pour que toutes les conditions soient réunies afin que ces actes straté­giques entre les deux pays puissent atteindre les objectifs escomptés. Il semble primordial de rap­peler aussi que la Russie a joué un rôle en faveur de notre pays lorsque les Etats-Unis ont cherché, en 2013, par le biais d’une résolution, d’étendre le mandat de la Minurso aux droits de l’Homme. Pour dire qu’une alliance stratégique, quelle que soit sa nature, se base sur des fondements pragmatiques et des intérêts politiques et écono­miques. La Russie est-elle un pays fiable sur ce dossier? Cela dépend de beaucoup de paramètres à l’échelle internationale et aussi des éléments de réponse sur certains conflits potentiels que connaît le monde.

F.N.H. : De tension en tension, le récent inci­dent entre le Maroc et les Etats-Unis ne risque-t-il pas de dété­riorer les relations avec cette puissance et quelle lecture faites-vous de ce rapport sur les droits de l’Homme en cette période préci­sément ?

Ch. R. : Les relations inter­nationales sont un système d'équations très complexe, avec des paramètres et des variantes connues et incon­nues. La résolution des pro­blèmes dépend de la capacité à comprendre les difficultés dans leur globalité. Dans ce système, il y a l'économique, le géopolitique et sa dyna­mique dans certaines régions dans le monde ; le sécuri­taire aussi est indispensable, entre autres enjeux. D'autres éléments bien évidemment jouent un rôle dans la modé­lisation des relations entre les pays. Ce qui se passe avec les USA sur plusieurs dossiers est la résultante de problèmes à dimension géos­tratégique. Le Maroc a une vision qui est imprégnée par la realpolitik. Or, les USA, pour des raisons subjectives et opaques, n'ont pas pu dépasser et regarder autre­ment le multilatéralisme. Le problème de la Syrie, de l'Irak ainsi que du Yémen élucident la tergiversation diplomatique des grandes puissances. Il y a un état de fait qui est indiscutable. En faisant un état des lieux sur tous les plans, le Maroc est une oasis de stabilité dans une région qui est ravagée par des groupes terroristes. La menace terroriste n'épargne aucun pays dans le monde. Il est évident aujourd’hui que le Royaume du Maroc représente le dernier rempart contre le terrorisme. La mise en place d'Etat «lige» dans la région peut coûter trop cher à la stabilité et la sécurité mondiale, et particulièrement à l'Amérique.

Propos recueillis par Imane Bouhrara

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