Maroc/CEDEAO : Bien négocier l'acquis communautaire

Maroc/CEDEAO : Bien négocier l'acquis communautaire

 

 

Absorber l’acquis communautaire de la CEDEAO, notamment sur les plans migratoire et commercial : voilà le principal défi qui attend le Maroc dans ses négociations pour intégrer définitivement le groupement régional. Explications.

 

 

Après les nombreuses victoires du Maroc sur le plan diplomatique, ayant conduit à l’accord de principe des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) réunis à Monrovia au Libéria en juin dernier, de nouveaux défis attendent le Royaume pour finaliser son intégration à cet important groupement régional.

Le Maroc doit en effet absorber l’acquis communautaire de ce groupement fondé en 1975, «l’un des plus intégrés en Afrique», comme l’a récemment rappelé Abdou Diop, associé Gérant du cabinet Mazars Maroc, et président de la Commission Afrique et Sud-Sud de la CGEM, qui s’exprimait à l’occasion d’une conférence organisée par l’IMRI (Institut marocain des relations internationales) sous le thème «Adhésion au Maroc à la CEDEAO : enjeux et perspectives».

Pour A. Diop, qui a été de presque toutes les tournées du Roi Mohammed VI en Afrique, après le volet politique, couronné de succès, «toutes les négociations vont désormais commencer». Et ce ne sera pas une partie de plaisir. Les points cruciaux de l’acquis communautaire que le Royaume devra bien manœuvrer, et pour lesquels il faudra bien se préparer en amont, concernent essentiellement deux volets : le premier est la libre circulation des personnes et des marchandises, tandis que le deuxième réside dans la mise en place en 2015 d’un tarif extérieur commun (TEC) à tous les Etats membres.

 

Concurrence frontale avec le Nigéria

 

Concernant le volet économique, on a souvent tendance à considérer l’adhésion du Maroc à la CEDEAO comme bénéfique dans l’absolu pour le Royaume, car on est enclin à se comparer à des économies moins importantes en taille que la nôtre, comme celles de la Côte d’Ivoire ou du Sénégal, avec lesquelles les complémentarités sont évidentes.

On aurait tort pourtant de sous-estimer le poids du Nigéria, dont l’économie est plus de 6 fois supérieure à la nôtre. L’adhésion du Maroc à la CEDEAO avec un TEC et des droits de douane supprimés ne sera pas sans conséquences sur certaines de nos industries.

«Il peut y avoir des dommages collatéraux si on ne se prépare pas bien», estime Diop, qui rappelle que pour des industries comme celles de l’automobile, le géant nigérian est extrêmement compétitif et fabrique des pièces de rechange depuis plus de 20 ans. «Si on ouvre, certaines industries se retrouveront en concurrence frontale avec le Nigéria, comme l’automobile et l’industrie pharmaceutique», souligne Diop. «Sommes-nous compétitifs ? Le Maroc va-t-il demander la progressivité?», s’interroge-t-il. Notre interlocuteur préconise que les industries les plus exposées réalisent des études d’impact poussées pour anticiper cette concurrence des produits nigérians, et ne pas faire les mêmes erreurs que lorsque le Royaume signait des accords de libre-échange sans études d’impact.

 

Préparer le volet migratoire

 

L’autre aspect qui mérite une attention toute particulière de la part de nos dirigeants est lié aux questions migratoires. En effet, l’intégration du Maroc à la CEDEAO pourrait provoquer un appel d’air des populations du sud de la zone vers le Maroc. Une éventualité qu’il ne faut pas prendre à la légère. Dans la CEDEAO, chaque habitant a le droit de résider dans l’un des pays de la Communauté. Il dispose d’un passeport unique et d’une carte d’identité commune.

De ce point de vue, la question migratoire pose un défi de taille aux autorités marocaines, et un gros travail de sensibilisation auprès des citoyens marocains devra être fait. «Il faut dès à présent sensibiliser les gens au vivre-ensemble et réfléchir à la manière de faciliter l’intégration et l’insertion des nouveaux arrivants», souligne Abdou Diop. Le Maroc déploie déjà une politique migratoire efficace. Mais il faudra changer d’échelle pour s’adapter à cette nouvelle donne. ■

 

A. Elkadiri

 

 

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