A la clôture de la rencontre de haut niveau organisée à Marrakech dans le cadre de l'initiative pour l'Adaptation de l'agriculture africaine, 27 délégations africaines ont adopté la Déclaration de Marrakech qui confirme l'engagement de ces pays à mettre cette adaptation au cœur des négociations de la COP22.
Lancée en amont de la COP22 qui sera organisée dans la ville ocre, l’initiative pour l'Adaptation de l'agriculture Africaine (AAA) vise à réduire la vulnérabilité de l’Afrique et de son agriculture aux changements climatiques. Elle promeut et favorise la mise en place de projets concrets pour améliorer la gestion des sols, la maîtrise de l’eau agricole, la gestion des risques climatiques et les capacités et solutions de financement. L'initiative constitue non seulement une réponse clé aux changements climatiques, mais également à l'insécurité alimentaire. Elle a pour objectif de mettre l’AAA au cœur des débats et des négociations climatiques et de capter une partie substantielle des fonds climat. Dans son volet solutions, elle vise aussi à contribuer au déploiement de projets agricoles concrets.
«Il s’agit d’une grande alliance pour faire valoir les intérêts de l’agriculture africaine pendant la COP22 et au-delà. L’idée est née d’un constat : les agricultures africaines, particulièrement vulnérables face aux changements climatiques, mais aussi porteuses de solutions, ne sont pas assez prises en considération dans les négociations internationales et dans la distribution des fonds climat», affirme Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture et des Pêches maritimes, à l’issue de cet événement. Pour sa part, Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, estime que «la COP22 doit être celle de l’action et de l’Afrique». Il s’agit donc d’agir sur deux volets : celui des négociations en mettant en avant la question de l’adaptation de l’agriculture africaine pendant les COP et, lors de la répartition des fonds, le volet des solutions pour promouvoir des projets concrets. Il a rappelé que «les enjeux liés aux questions agricoles sont considérables, et ont trait au développement économique du continent africain, à la coopération Sud-Sud et la sécurité alimentaire».
En vertu de la Déclaration de Marrakech, les 27 délégations des pays africains s'engagent à appuyer le principe d'un financement public et privé plus important, plus efficace et plus efficient et un suivi des fonds effectivement déboursés pour l'AAA, ainsi qu'un accès facilité des projets africains aux fonds climat.
«Le continent africain n’est responsable que de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais il est frappé de plein fouet par les conséquences du réchauffement climatique», indique Mamadou Sangafowa Coulibaly, ministre de l’Agriculture et du Développement rural de la Côte d’Ivoire. Pluviosité insuffisante, sécheresses fréquentes, pression démographique, surexploitation des terres, pratiques agricoles inappropriées, insuffisance de l'utilisation des engrais... les sols africains sont fragilisés, parfois épuisés. Parmi les phénomènes les plus notables : l'érosion, la dégradation chimique (perte de nutriments, salinisation, acidification, etc.) et la dégradation physique (compaction des sols, ensablement, etc). Ces phénomènes sont aggravés par les effets du changement climatique. La gestion des sols constitue donc un enjeu majeur, d'autant que les sols africains représentent un potentiel important de séquestration du carbone. L'Afrique concentre d'ailleurs 65% des terres arables inexploitées de la planète. Les solutions existent, il s'agit de soutenir leur développement et d'accompagner leur mise en œuvre.
C. J.
L'agriculture au centre des négociations climat
Les participants à l’AAA s'accordent à contribuer à l'action et aux solutions à travers le Plan mondial d'action pour le climat (Global Climate Action Agenda) et tout autre cadre pertinent, en mettant en avant des projets et de bonnes pratiques africaines dans des domaines tels que la gestion des sols, la maîtrise des ressources en eau, la gestion des risques climatiques et le financement des petits exploitants, et à faire valoir les efforts de recherche et développement dans le secteur agricole. Ils s'engagent également à positionner l'agriculture au centre des négociations climat en mettant en exergue une augmentation durable de la productivité et des revenus agricoles, l'adaptation et le développement de la résilience face aux changements climatiques.
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Dès le préambule, l’Accord de Paris concernant la COP21 souligne le caractère spécifique de l’agriculture. Il reconnaît la nécessité que les efforts entrepris pour atténuer et s’adapter aux changements climatiques ne menacent ni la sécurité alimentaire ni la production agricole. Certains pays comme ceux de l’Afrique n’ont pas encore pu assurer le développement et le niveau souhaités pour leur agriculture. Une croissance qui ne peut être réalisée que par une mécanisation poussée, l’utilisation des intrants et de la technologie. Mais cette option risque de pénaliser l’environnement. D'où la difficulté de l'approche. L’initiative tripe A se veut une action pour trouver des solutions qui soient réalistes et réalisables. Il y a beaucoup d’efforts à faire en matière d’utilisation des techniques économes en eau, des énergies renouvelables ou des fertilisants de type naturel. Comme le Maroc, les autres pays africains sont concernés par la rareté des ressources hydriques. Les besoins en eau ne cessent d’augmenter. La part destinée à l’agriculture dépasse les 80% et d’autres secteurs sont également demandeurs. Le danger provient aussi d’une urbanisation à outrance sous l’effet de la poussée démographique et de l’exode rural conjugués à une industrialisation mal encadrée. L’agriculture doit évoluer vers une approche plus positive, anticipatoire et systémique au regard de ces enjeux environnementaux de mieux en mieux ciblés et appréhendés par les différents acteurs. Afin d’amplifier ce mouvement vers une agriculture qui concilie performance économique et respect de l’environnement, un certain nombre d’outils doit être mis en place en vue d’accompagner l’ensemble des partenaires concernés par cette transition. Ces différents outils politiques permettraient notamment de soutenir financièrement les agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques innovantes, de capitaliser et diffuser ces pratiques, et enfin de valoriser auprès de la société les efforts réalisés par ces agriculteurs.