Industrie pharmaceutique : Premiers jalons pour le développement de la recherche biomédicale

Premiers jalons pour le développement de la recherche biomédicale

Taha Ait Hanine, (à gauche), vice-président de LEMM, signant avec le président de l’UM6SS l’accord dédié à la R&D, l’innovation et la formation.


 

- Les Entreprises du médicament au Maroc (LEMM) se mobilisent avec leurs partenaires pour faire émerger un véritable écosystème de la recherche biomédicale.

- Les investissements en la matière impactent positivement les pays sur le plan sanitaire, économique et social.

- Eclairage de Taha Ait Hanine, vice-président de LEMM.

 

Finances News Hebdo : Quel est l'état actuel de la recherche biomédicale au Maroc ?

 

Taha Ait Hanine : Actuellement, la recherche biomédicale au Maroc est très timide et en est encore à ses balbutiements. Son impact positif sur le patient et l’économie marocaine n’est plus à démontrer. C’est pourquoi le Maroc ambitionne de développer les activités de R&D pharmaceutiques, tant pour les essais cliniques que pour l'outsourcing des services de R&D pharmaceutiques. Cette aspiration est d’autant plus nécessaire que d’autres écosystèmes identifiés comme porteurs d’opportunités (notamment les biosimilaires et l’export de médicaments génériques) ne pourront se concrétiser qu’avec le développement de la recherche clinique.

Le Maroc a aujourd’hui conscience que la recherche clinique a une valeur structurante sur le moyen et long terme. Elle est à la fois un mode privilégié d’accès à l’innovation thérapeutique pour le patient et une source de formation continue pour les professionnels de la santé. La recherche biomédicale améliore ainsi la qualité des soins et offre de nombreuses opportunités sur le plan économique, social et sanitaire, en participant, par exemple, au financement des infrastructures de santé ou encore en favorisant l’accès à des traitements innovants.

Il faut souligner que le Royaume dispose d’atouts non négligeables pour mettre en place un véritable écosystème de la recherche biomédicale, tels que l’existence de CHU dans les grandes zones urbaines, de nombreux centres d’oncologie accrédités, des comités d’éthique régionaux. Il dispose aussi de chercheurs qualifiés et de promoteurs qui peuvent soutenir la recherche.

C’est dans ce sens qu’une réflexion en profondeur est aujourd’hui menée par les entreprises pharmaceutiques marocaines, filiales de multinationales, afin de faire profiter notre pays de ces investissements internationaux dans la recherche biomédicale qui sera certainement un des défis majeurs du secteur pour la prochaine décennie.

 

 

F.N.H. : Les Entreprises du médicament au Maroc et l’Université Mohammed VI des sciences de la santé (UM6SS) viennent de signer un accord portant sur la R&D, l’innovation et la formation. Quels en sont les objectifs et les enjeux? Quel rôle jouera LEMM dans ce partenariat ?

 

T. A. H. : LEMM, en partenariat avec l’ensemble des acteurs du secteur, a organisé à Rabat le premier Colloque national dédié à la recherche biomédicale au Maroc (en avril 2018, ndlr). Cette première dans le Royaume a permis de réunir, durant deux journées, d’éminents chercheurs dans la recherche biomédicale au Maroc et dans le monde. Grâce à ce colloque, notre pays peut désormais parier sur une nouvelle industrie prometteuse, et cette-fois ci, dans un secteur aussi bien matériel qu’immatériel : celui de l’industrie de la recherche biomédicale.

Plusieurs recommandations ont été émises, dont certaines ayant trait spécifiquement à la formation. En effet, sur le plan scientifique, les experts ont souligné la nécessité de développer des modules de formation dédiés à la recherche biomédicale, à forte employabilité, et aux lauréats des universités médicales et scientifiques. Le transfert de connaissances, et dans certains cas, celui technologique, doit être fortement encouragé, notamment à travers des partenariats, spécifiquement avec les universités et le secteur privé. LEMM a déjà entamé un plan d’actions dans ce sens, notamment à travers cet accord avec l’UM6SS. Ces recommandations sont réunies dans un Livre blanc qui sera publié dans les jours à venir.

La création du diplôme universitaire (DU) «Méthodologie de la Recherche Clinique & Biostatistiques» par l’UM6SS, en étroite collaboration avec LEMM, est un acte de foi et une initiative concrète pour l’émergence des compétences marocaines et africaines dans le domaine de la recherche biomédicale.

 

 

F.N.H. : Comment estimez-vous le potentiel de la recherche biomédicale au Maroc ? Quelle place peut occuper notre pays au niveau régional, voire continental, dans ce domaine ?

 

T. A. H. : Tout d’abord, sur le plan international, la sous-traitance des activités de R&D pharmaceutique est estimée à plus de 80 milliards de $, dont près de 54 milliards sont alloués aux essais cliniques. En ce qui concerne le Maroc, plusieurs études sur la recherche biomédicale identifient un potentiel de développement de près d’un milliard de dirhams par an, sur les dix prochaines années. A cet effet, et dans le cadre du Plan d’accélération industrielle 2014-2020, le gouvernement marocain a lancé, en mars 2016, un projet de mise en place d’écosystèmes, dont l’un est dédié spécifiquement à la recherche biomédicale et focalisé sur les essais cliniques.

En effet, il est établi que les investissements en recherche biomédicale impactent positivement les pays sur le plan sanitaire, économique et social : amélioration de l’accès des patients au progrès thérapeutique, élévation de la qualité des soins, création de sociétés prestataires de services, renforcement de l’employabilité hautement qualifiée, etc.

Afin d’attirer ces investissements, les pays mettent en place des réglementations rigoureuses et souples dans leur application. Celles-ci assurent à la fois le renforcement de la protection des personnes et l’exigence d’une rigueur méthodologique et scientifique associée à une qualité garantissant la pertinence, la robustesse et l’intégrité des données. Ces nouvelles réglementations renforcent aussi la transparence et élargissent l’accès aux données depuis leur autorisation jusqu’à la publication de leurs résultats.

Les objectifs du LEMM et de l’ensemble des autorités du pays sont de tracer les jalons d’une stratégie nationale permettant de faire du Maroc un pays compétitif et attractif pour la recherche clinique en Afrique et de le positionner dans le top 3 des pays de cette région.

 

 

F.N.H. : Quels sont les créneaux de recherche et d'innovation où le Maroc peut être compétitif ?

 

T. A. H. : La recherche marocaine bénéficie aujourd’hui d’un environnement plutôt favorable et permet, d’une part, de capitaliser sur une bonne connaissance de certaines endémies sévissant dans le pays et, d’autre part, d’explorer des affections émergentes ou des maladies rares d’origine génétique. Nous constatons aussi des amorces très sérieuses de recherches sur les pathologies cancéreuses et liées à des modifications de l’environnement.

Pour maintenir ou consolider cette dynamique, il est aujourd’hui primordial de renforcer la culture de la recherche au Maroc, en approfondissant les connaissances autour de la méthodologie de recherche et en améliorant le pilotage de suivi et d’évaluation. Enfin, on ne peut en aucun cas développer un écosystème de recherche sans résoudre les problématiques liées à l’éthique. Il s’agit-là d’un point essentiel pour protéger les patients marocains.

Aujourd’hui, LEMM et l’ensemble de ses partenaires s’ingénient à créer un environnement favorable à l’investissement dans la recherche biomédicale au Maroc. Nous restons confiants quant à l’avenir du pays en matière de R&D et d’innovation. ■

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