Gouvernance publique : un système encore boiteux

Gouvernance publique : un système encore boiteux

 

Le contrôle de l’efficience de la gouvernance financière et la cohérence des programmes publics sont un prélude au développement du Maroc, l’Etat ayant un rôle affirmé dans l’économie du pays. Le renforcement des mécanismes de contrôle et de correction de l’action publique semble sur la bonne voie. Reste un vieux dinosaure : le règlement général de la comptabilité publique, qui date de 1967.

 

 

Deux années après l’entrée en vigueur de la loi organique n° 130-13 relative à la Loi des Finances, publiée au BO du 2 juin 2015, la question de la cohérence des politiques publiques, et par ricochet de la performance de la gouvernance financière, cristallise le débat. Mardi 11 juillet, le premier volume de «L’examen multidimensionnel du Maroc», réalisé par le Centre de développement de l’OCDE, a été présenté à Rabat. Il identifie trois leviers pour accélérer le développement du Maroc, notamment les compétences, la compétitivité et la cohérence des politiques publiques.

Un débat exacerbé également par la récente sortie publique de Driss Jettou, le premier président de la Cour des comptes, lors d’un exposé sur les activités des juridictions financières, au titre de l’année 2015, devant les deux chambres du Parlement réunies en séance plénière.

Une intervention qui survient au lendemain du vote en séance plénière, le mardi 4 juillet et à la majorité de 159 voix (contre 53 non et 30 abstentions), de la loi de règlement n° 82.16 au titre de l’année budgétaire 2014. Le fait est tellement important pour être souligné, puisque c’est la première loi de règlement qui respecte à la lettre la loi organique relative à la Loi des Finances… de 98. Celle-ci prévoit que le projet de loi de règlement "doit être déposé sur le bureau d’une des chambres du Parlement, au plus tard, à la fin de la deuxième année budgétaire qui suit l’année d’exécution de la Loi de Finances". Effectivement, le projet de loi de règlement n°82.16 au titre de l'année budgétaire 2014 a été déposé à la chambre des Représentants le mercredi 28 décembre 2016, avant d’être transmis à la Commission de contrôle des finances publiques le 3 février 2017 et être voté en séance plénière le 4 juillet, comme expliqué plus haut.

Ce délai prévaudra également pour le projet de loi de règlement au titre de l’année budgétaire 2015, étant donné que la nouvelle loi organique n° 130-13 relative à la Loi des Finances n’a été publiée au Bulletin officiel que le 2 juin 2015.

La nouvelle LOLF prévoit donc de nouveaux délais de dépôt que les autorités sont tenues de respecter. Ainsi, l’article 65 de la nouvelle LOLF dispose : "Conformément à l’article 76 de la Constitution, le projet de loi de règlement de la Loi de Finances est déposé annuellement, en priorité, sur le bureau de la chambre des Représentants, au plus tard, à la fin du premier trimestre du deuxième exercice qui suit celui de l’exécution de la Loi de Finances concernée".

En effet, l’article 76 de la Constitution de 2011 stipule que "le gouvernement soumet annuellement au Parlement une loi de règlement de la Loi de Finances au cours du deuxième exercice qui suit celui de l’exécution de ladite Loi de Finances".

 

Fin du mépris de l’Exécutif à l’égard du Parlement

 

A la lumière de ce qui précède, le projet de règlement au titre de l’année budgétaire 2015 doit donc être déposé au plus tard cette fin d’année au Parlement, alors que celui relatif à l’année budgétaire 2016 doit l’être à la fin du premier trimestre de 2018. Rendez-vous est donc pris, ce qui réduit considérablement les délais, mais surtout active un outil de contrôle de la gestion des finances publiques largement ignoré par le passé. Ce qui constituait un «mépris» du pouvoir exécutif pour les élus de la nation et l’institution qui les réunit, à savoir le Parlement.

Se dirige-t-on vers une véritable gouvernance démocratique à même de renforcer l’interopérabilité et la convergence des politiques et programmes publics, et par là-même, assurer une efficacité des dépenses de l’Etat avec un impact certain sur les indicateurs économiques et sociaux du pays ?

«La loi organique des Finances a donné une nouvelle dynamique à l’action publique, en passant par une programmation budgétaire centrée sur la performance et une gestion axée sur les résultats. Les gestionnaires publics sont tenus de préparer des projets de performance incluant des actions mesurables à travers un certain nombre d’indicateurs de performance inspirés du secteur privé», note Youssef Guerraoui Filali, secrétaire général du Centre marocain pour la gouvernance et le management. Sans oublier la Constitution qui assoit, dans son article 147, le rôle de la Cour des comptes comme institution supérieure de contrôle des finances publiques du Royaume; mais également le rôle et la responsabilité du Parlement qui vote la Loi de Finances (article 75) et veille au même titre que l’Exécutif à la préservation de l’équilibre des finances de l’Etat.

Seule ombre au tableau, le Règlement général de la comptabilité publique, qui date de 1967, constitue en quelque sorte un boulet à cette panoplie d’outils de mesure et de contrôle de la gestion de l’action publique. Une question qui a d’ailleurs été soulevée par certains députés lors de la discussion de la loi de règlement en juillet. Ces derniers ont souligné la nécessaire réforme de ce texte de fond en comble au lieu de se contenter de décrets ponctuels. ■

 

Par I. Bouhrara

 


De l’impératif d’un diagnostic de la dépense publique

La récente présentation du rapport de l’OCDE a été l’occasion pour Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, de souligner la problématique de la dépense et de l’investissement publics et leur faible impact sur la croissance. D’où son appel à chercher une réponse à cette anomalie. Jouahri a rappelé que la part du PIB destinée à l’investissement au Maroc est bien plus importante que celle dépensée par de grands pays asiatiques, sans que l’effet ne soit au rendez-vous.

Et ce n’est pas la première fois que le gouverneur de BAM relève que l’efficacité de la dépense constitue la vraie problématique du Budget de l’Etat. Dans l’une de ses récentes interventions, il notait qu’au cours des dix dernières années, le coefficient ICOR (nombre d’unités d’investissement pour un point supplémentaire de PIB) ressortait à 7,7 pour le Maroc, 3,5 pour la Malaisie et 2,9 pour la Corée du Sud.

L'autre exemple plus éloquent est celui de l’éducation : le Maroc est l’un des pays qui consent le plus d’efforts en la matière avec des dépenses avoisinant une moyenne de l’ordre de 7% du PIB, largement au-dessus de la moyenne mondiale. Malheureusement, nous restons parmi les pays les moins performants. Entre 1999 et 2012, nous constatons près de 400.000 abandons scolaires annuels, tous cycles confondus. Un petit calcul de BAM fait ressortir une dépense d’éducation annuelle entre 8 et 9 Mds de DH. Et l’on continue à parler, comme si de rien n’était, de l’efficacité de la dépense et de l’équilibre des finances publiques.

 

 

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