Gestion des Habous : pourquoi il faut réformer le système

Gestion des Habous : pourquoi il faut réformer le système

 

- Le rendement des biens évolue très lentement alors que les charges augmentent de façon continue.

- Une nouvelle stratégie doit être conçue

 

 

Le Roi a adressé dernièrement une lettre au ministre des Habous et des Affaires islamiques et au président du Conseil supérieur du contrôle des finances de ce département au sujet de la réforme des habous. L’objectif est d’élaborer un projet de stratégie sur le long terme visant la modernisation des méthodes de gestion de cette institution dans un délai de six mois.

«Parmi les priorités qui ont été fixées, figure un inventaire définitif de l’ensemble des biens habous publics. A cela s’ajoutent différentes mesures qui devront être prises pour assurer leur préservation au niveau juridique et matériel», lit-on dans la lettre royale.

Attirant de plus en plus la convoitise de certains opportunistes ou de mafias organisées, le patrimoine des habous doit être scrupuleusement protégé. Sa méthode de gestion ancestrale ne peut pas faire face aux actes malintentionnés. Les médias relatent souvent des cas de personnes squattant des biens habous en l’absence de réaction des autorités. Les biens sont parfois détournés de leur objet initial, à cause d’un système de gestion archaïque. Il est donc essentiel de le moderniser pour l’adapter à son environnement.

Par ailleurs, le rendement des biens évolue très lentement alors que les charges, elles, augmentent d’une façon continue. Certaines Nedharas des habous (administration en charge de la gestion de ces biens) frôlent la situation de déséquilibre entre les recettes et les dépenses.

Au quartier des habous à Casablanca, par exemple, les loyers pratiqués remontent à plusieurs décennies avec une moyenne de 200 DH par local, une somme dérisoire par rapport aux frais de fonctionnement.

«Les locaux habous accusent un faible rendement en matière de location. Ils sont également pénalisés par la sous-location, qui est juridiquement interdite par la loi, avec la complicité de certains agents de l’administration. Les maisons habous sont très demandées sur le marché à cause de leur belle architecture semblable à celle des riads et aussi à un loyer très modeste couplé à un pas-de-porte, une pratique très courante. Néanmoins, nous traitons les demandes dans ce sens malgré leur caractère illégal. Ce phénomène complique davantage la situation de ces logements», explique Nouredine Rafiki, agent immobilier.

Une nouvelle stratégie doit être conçue et approuvée. Le Souverain veut que celle-ci serve de référence obligatoire pour l’administration en charge, lors de l’élaboration des budgets annuels, ainsi que pour le Conseil supérieur du contrôle des finances des Habous dans le cadre des évaluations périodiques.

Le département de tutelle sera tenu de se conformer strictement aux procédures et aux mesures relatives à l’organisation budgétaire, financière et comptable, ainsi que celles ayant trait aux dépenses publiques.

«Certains biens habous notamment des terres agricoles sont situées actuellement dans le périmètre urbain, plus particulièrement à Fès, Meknès et Marrakech. Leur rendement est peu significatif. S’ils étaient convertis en complexes d’habitat ou d’autres investissements, ils seraient mieux valorisés. Le rendement du waqf est basé surtout sur la location des biens. Il est nécessaire d’investir d’autres pistes plus rentables, et ce conformément à l’avis des oulémas», explique Mohamed Amrani, professeur universitaire.

Reste à préciser que l’Administration des habous et des affaires islamiques est un département de souveraineté qui relève exclusivement du champ d’action du Souverain. Elle n’a jamais été dirigée par un ministre «politisé». La question de sa réforme a été très peu évoquée sur la scène nationale, que ce soit par la classe politique, la société civile ou certains intellectuels. Comme la moudawana ou autres sujets de grande réforme nationale, elle mérite d’être largement débattue entre les acteurs concernés. ■

 


Les terres agricoles du waqf sont-elles protégées ?

Les terres agricoles habous représentent environ 84.000 ha. Elles sont présentes sur tout le territoire national notamment dans les environs des villes anciennes du pays. Plus de 70% de ces terres ne sont pas immatriculés à la conservation foncière.

Pourtant, elles sont juridiquement exonérées de tous les frais. D’où la question : pourquoi le département de tutelle n’a-t-il pas procédé à cette opération alors qu’il a tous les moyens nécessaires pour le faire ? Etre immatriculée et en possession d’un titre foncier leur permet une protection juridique et technique.


 

 

Par C. Jaidani

 

 

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