Comptes spéciaux du Trésor : le grand fourre-tout

Comptes spéciaux du Trésor : le grand fourre-tout

 

Les experts de la Cour des comptes estiment que l’individualisation et la justification du maintien de certains comptes spéciaux du Trésor ne cadrent guère avec la Loi organique des Finances. Les CST représentent près de 20% du budget de l’Etat.

 

 

Les hommes de Driss Jettou, président de la Cour des comptes (CC), ont choisi le mois de janvier 2018 pour rendre public le rapport afférent à l’exécution du Budget général de l’Etat (BGE) en 2016. Le document, qui renseigne fort bien sur la situation des finances de l’Etat (recettes, dépenses, dette publique, déficit budgétaire, etc.), a la particularité de concerner la première Loi de Finances exécutée sous la férule de la Loi organique des Finances (LOF) publiée en juin 2015.

Outre la nécessité d’améliorer la qualité des informations communiquées à l’occasion de la publication des résultats de l’exécution budgétaire, les experts de l'institution du contrôle supérieur des finances publiques n’ont pas manqué d’aborder les Services de l’Etat géré de manière autonome (Segma) et les Comptes spéciaux du Trésor (CST) décriés par bon nombre d’experts et de parlementaires issus des rangs de l’opposition. D’ailleurs, les CST sont généralement assimilés à des «caisses noires».

La loi organique précitée a aussi pour ambition d’améliorer la gestion des comptes susmentionnés, qui doivent contribuer à la mise en œuvre des orientations de l’Etat. Pour rappel, l’article 25 de la LOF présente en substance les CST comme des supports budgétaires réservés aux opérations spécifiques ne pouvant pas, de par leur nature, être incluses dans le BGE, ou à assurer la continuité de certaines actions d’une année à l’autre ou encore pour garder la traçabilité des opérations qui s’étalent sur plusieurs années.

 

Existence injustifiée

 

A en croire les experts de la CC, l’individualisation et la justification du maintien de certains CST ne cadrent guère avec les exigences de la LOF. Or, ces supports budgétaires sont appelés à devenir des vecteurs de développement économique et social et des leviers d’implémentation de certains programmes étatiques.

L’autre grief de taille révélé par le rapport de la CC a trait à la prise en charge de la part des CST des opérations ordinaires dépourvues de caractère particulier, tant au niveau des dépenses de fonctionnement que d’investissement. Dans le même ordre d’idées, ces supports budgétaires prennent en charge une part des dépenses inhérentes aux attributions propres des ministères. A cela, s’ajoutent les dépenses récurrentes découlant de certaines catégories du personnel statutaire. A ce titre, il y a lieu de citer les primes, les gratifications et les indemnités. Or, à l’évidence, les charges précitées peuvent être budgétisées dans des conditions ordinaires.

Par ailleurs, au regard des soldes positifs affichés, les experts de la CC exhortent les pouvoirs publics à revoir l’adéquation entre les recettes des CST et les besoins réels.

Chiffres à l’appui, à fin 2016, le solde de l’exercice a culminé à 4,3 Mds de DH, avec un solde cumulé reportable estimé à 122,7 Mds de DH inutilisés. Au-delà des failles passées en revue, l’un des atouts de l’institution constitutionnelle est sa force de proposition afin de remédier aux dysfonctionnements et lacunes relevés lors des missions de contrôle.

Ainsi, les recommandations vont dans le sens de l’analyse du fonctionnement des CST afin de supprimer les chevauchements entre eux et avec le BGE. En définitive, tout en suggérant le renforcement des Segma dans le domaine de la santé (amélioration de la qualité des prestations et du recouvrement des recettes), l’entité qui aura à l’avenir la lourde tâche de certifier les comptes de l’Etat, recommande d’amputer aux CST les opérations qui correspondent aux critères prévus par la LOF. ■

 

 


Un déficit budgétaire sous-évalué

Les hommes de Jettou pointent du doigt le montant du déficit budgétaire annoncé par le ministère de l’Economie et des Finances (40,6 Mds de DH). Pour cause, celui-ci ne prend pas en compte toutes les dettes de l’Etat afférentes à l’année 2016. A ce titre, citons celles dues aux entreprises au titre des crédits TVA et IS. A titre illustratif, le stock du crédit TVA des entreprises et établissements publics (EEP) qui a progressé en 2016, a culminé à 28,6 Mds de DH. Dans le même ordre d’idées, les autres dettes de l’Etat envers six grandes entreprises (OCP, ADM, ONEE, RAM, ONDA, ONCF) représentent près de 5,5 Mds de DH. A noter que ces dettes concernent les engagements de l’Etat dans le cadre des contrats-programmes, les prestations à caractère commercial ainsi que l’IS.

L’autre lacune relevée est la présentation des charges liées au personnel et qui ne permet pas d’appréhender le poids réel de la masse salariale sur le BGE. A titre d’exemple, les cotisations de l’Etat en tant qu’employeur aux régimes de prévoyance et de couverture sociale ne sont pas prises en compte dans les dépenses du personnel. Le retraitement des charges du personnel effectué par la Cour des comptes montre que celles-ci représentent près de 64,3% du budget de fonctionnement contre 56% d’après le ministère de l’Economie et des Finances. ■


 

 

M. Diao

 

 

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