Assises de la fiscalité : les attentes de l’Ordre des Experts-comptables [Entretien]

Assises de la fiscalité : les attentes de l’Ordre des Experts-comptables [Entretien]

Issam El Maguiri, président de l’Ordre des experts-comptables


 

Les futures mesures doivent répondre aux principes de l’équité et de la neutralité fiscales.

La conformité fiscale sera l’une des thématiques centrales lors des prochaines Assises.

 

Propos recueillis par B. Chaou

 

Finances News Hebdo : En quoi les débats tels que «les Matinales de la fiscalité», peuvent-ils contribuer au succès des prochaines Assises de la fiscalité ?

Issam El Maguiri : Il est important d’avoir des débats avant les Assises de la fiscalité. Ce sont des rencontres qu’il faudra refaire afin d’encourager l’adhésion de toutes les parties prenantes aux sujets de la fiscalité. Cela permet aussi de remonter des recommandations pertinentes et des propositions de qualité aux différents groupes qui travaillent sur ces Assises, mais aussi au comité scientifique. Cela vient relever des sujets qui sont déjà sur la table mais qui nécessitent un approfondissement par tous les professionnels ainsi que par les contribuables.

On a compris ces dernières années que notre système fiscal avait besoin d’être vulgarisé au maximum, car la communication est l’un des moyens importants pour rendre notre fiscalité lisible et compréhensible pour permettre plus facilement l’adhésion à cette dernière. J’espère que les débats apporteront un éclairage et une force de proposition pour tous les concernés, notamment sur les sujets liés à l’IS, le rapprochement avec la fiscalité internationale, le contrôle fiscal, et aussi le contentieux. Je pense que c’est la meilleure manière de faire adhérer tout le monde à la future loi cadre sur la réforme fiscale.

 

F.N.H. : Justement, d’après-vous, quels seront les sujets phares qui seront soulevés lors des prochaines Assises de la fiscalité ?

I. E. M. : La thématique centrale qui sera traitée lors des prochaines assises concerne le sujet de l’équité fiscale : une équité dans la collecte de l’impôt, son traitement et sa redistribution.

Je pense aussi que la priorité est de se focaliser sur les principes généraux qui sont censés gouverner notre système fiscal. Par exemple, le principe de la concertation qui contribue au renforcement de l’adhésion aux mesures fiscales.

Il y a aussi l’institutionnalisation de cette concertation, à travers la mise en place d’un Conseil national de la fiscalité, qui permettrait, entre autres, de veiller à ce que les futures mesures fiscales répondent à ces principes généraux que sont l’équité, l’égalité, et la neutralité fiscale.

Ces éléments ont besoin d’un organe qui puisse donner son avis, à titre consultatif, sur les différentes mesures avant qu’elles ne soient transmises au pouvoir législatif. Cela afin, d’une part, de donner un point de vue indépendant et juger si les mesures envisagées, ou prises, répondent réellement à un besoin économique, et d’autre part, de quantifier leurs impacts sur les équilibres macroéconomiques et des finances publiques. Il y a énormément de partis qui proposent justement ce Conseil et qui ne peut être à mon avis que bénéfique pour notre pays et notre économie.

 

F.N.H. : Les Assises seront-elles une occasion de soulever la question des Gafam ?

I. E. M. : Effectivement, il n'y a nul doute que cette question sera soulevée. C’est un sujet qui est en gestation partout dans le monde, et qui nous concerne aussi, vu que ces sociétés de numérique opèrent au Maroc. Il est donc tout à fait normal de se pencher sur leurs conformités à la loi fiscale, puisqu’au final c’est le but recherché. Je pense qu’il faut qu’on intègre dans notre loi fiscale un système d’appréhension de ces sociétés là, de sorte à ce que l’impôt ne puisse pas nous échapper.

 

F.N.H. : Le Maroc dans la liste grise de l’UE, comment y remédier concrètement ?

I. E. M. : Notons que c’est un sujet qui a été fortement médiatisé, avant même que la liste des paradis fiscaux de l’Union européenne ne soit dévoilée. Actuellement, nous avons adhéré en partie à la BEPS (Base Erosion and Profit Shifting). Je pense, qu’en réalité, le Maroc avait déjà engagé la réforme de sa fiscalité pour se conformer en premier lieu à son économie, et ensuite à ses engagements internationaux et ce, bien avant cette histoire de liste grise, d’où le sujet lié à l’équité fiscale.

Maintenant ce qu’il faut voir, c’est comment, à travers l’équité, imposer tous les opérateurs économiques de la même manière, qu’ils soient marocains ou étrangers, exportateurs ou pas. Et ce sujet est déjà à l’ordre du jour. Il faut que la fiscalité soit neutre, même quand il s’agit de prendre des décisions économiques, car tous les opérateurs économiques gagneraient à être imposés de la même manière. Par exemple, dans un secteur d’activité imposé à 20%, toutes les sociétés y opérant doivent payer le même taux. Il ne faut pas qu’il y ait de préférences entre les opérateurs. Le Maroc s’est déjà engagé dans cette voie de la modernisation de son système fiscal pour aller vers plus d’efficacité, et cette vision demeure très importante pour le futur de notre économie.

 

F.N.H. : Et la fiscalité verte dans tout cela ?

I. E. M. : Là aussi c’est un sujet qui est d’actualité au niveau international. Le Maroc ne peut pas, là aussi, faire exception. La fiscalité a pour objectif de mobiliser les ressources pour financer l’appareil étatique. Elle a aussi comme fonction la redistribution des revenus, mais également une responsabilité économique et sociale dans laquelle elle peut contribuer au financement de la transition énergétique. Car on ne peut demander à des personnes de laisser tomber les énergies classiques sans qu’elles ne soient accompagnées et incitées à le faire. Il faut maintenant que l’ensemble de ces points soit pris en compte dans une vision globale et cohérente afin que l’impact sur les finances publiques ne soit pas négatif et que cela creuse encore plus le déficit budgétaire. L’ensemble de ces éléments va être étudié, sa programmation prendra le temps qu’il faudra pour qu’il y ait une maîtrise de nos finances publiques. ◆

 

 

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