Aquaculture : le Maroc à la traîne

Aquaculture : le Maroc à la traîne

 

Malgré ces 3.500 km de littoral, la production aquacole du Maroc dépasse à peine les 500 tonnes par an. La production tunisienne dépasse les 9.000 tonnes. 110.000 tonnes pour la Turquie. L’ANDA veut amorcer le décollage de cette culture aux perspectives prometteuses.

 

Malgré les efforts déployés par le Maroc pour valoriser l’aquaculture,  notamment à travers l’intégration au niveau du plan Halieutis d’une composante dédiée à cette activité et la création de l’Agence Nationale pour le Développement de l’Aquaculture (ANDA), le secteur demeure peu développé en comparaison avec d’autres pays de la région.

La Direction des études et des prévisions financières (DEPF), relevant du ministère des Finances, qui vient de publier une étude intitulée «Aquaculture marine marocaine : Potentiel et nécessités de développement», estime qu’«au Maroc, le secteur aquacole demeure généralement peu développé comparativement à d’autres pays de la méditerranée (Espagne, France, Italie, Grèce, Turquie, Egypte, Tunisie, etc.)».

Selon la DEPF, cette situation «contraste avec le potentiel évalué de production du pays». Ce potentiel est estimé à 380.000 tonnes contre une production actuelle d’à peine 500 tonnes, souligne la même source.

 

La production mondiale explose

 

Cette faiblesse de la production contraste également avec l’évolution favorable de la demande, que ce soit au niveau national qu’international. D’après la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), plus de la moitié des poissons commercialisés dans le monde proviennent de l’aquaculture et cette part devrait atteindre 75% à l’horizon 2030.

Par ailleurs, selon les conclusions du rapport de la banque mondiale «Fish to 2030 : Prospects for Fisheries and Aquaculture», les pêches de capture ont pratiquement atteint leurs limites et seule l’aquaculture pourrait satisfaire la demande grandissante pour ce type d’aliments.

La production aquacole mondiale a enregistré une croissance soutenue au cours des dernières années, passant d’une production de moins de 20 millions de tonnes au début des années 90 à près de 40 millions de tonnes en 2000, pour ensuite atteindre un niveau de 106 millions de tonnes en 2015.

L’aquaculture marine en particulier, par opposition à l’aquaculture d’eau douce, est un secteur en pleine évolution à l’échelle mondiale du fait que sa production s’est multipliée par 6 passant de 9 millions de tonnes en 1990 à 22 millions de tonnes en 2000 pour atteindre près de 57 millions de tonnes en 2015. Par région, plus de 91% du total de la production aquacole marine en volume, est issue de la région d’Asie.

 

Le Maroc à la traîne en méditerranée

 

Concernant les principaux producteurs d’aquaculture marine du bassin méditerranéen, la prédominance des pays de la rive nord est confirmée par le tonnage moyen de la production réalisée sur la période 2011-2015.

L’Espagne vient en tête avec une production moyenne de 249 milliers de tonnes suivie par la France, avec environ 170 milliers de tonnes et de l’Italie (122 milliers de tonnes). En quatrième rang, la Turquie et la Grèce produisent près de 110 milliers de tonnes chacune, suivies de la Tunisie (9.901T), du Portugal (9.262 T) et de la Croatie (8.331 T). Le Maroc arrive loin derrière avec seulement 430 tonnes pour une vingtaine de fermes actives, majoritairement artisanales ou familiales, (3.100 fermes en Espagne, plus de 2.000 en Turquie). Le nombre de personnes employées par le secteur est de 250 personnes.

Combler le retard

 

Au titre de l’année 2016, la production aquacole marine au Maroc s’est chiffrée à seulement 510 tonnes, soit une production en valeur, que l’on pourrait qualifier d’anecdotique, de l’ordre de 21 millions de dirhams

Cette production est destinée principalement au marché national pour alimenter la grande distribution et les marchés de l’hôtellerie et de la restauration, souligne la DEPF.

L’ANDA se démène pour rattraper le retard. L’agence accompagne une vingtaine de projets aquacoles dont la capacité de production dépasse les 3.000 tonnes, en plus d’une écloserie de coquillages. Cette dernière fût inaugurée par le Roi Mohammed VI à Dakhla, en février 2016 et elle dispose d’une capacité de production de 50 millions de naissains d’Huîtres et 10 millions de naissains de palourdes et pourrait assurer l’approvisionnement des opérateurs conchylicoles nationaux tout en limitant les risques sanitaires liés à l’importation.

En outre, d’autres projets aquacoles ont démarré leurs installations et les phases pilotes. Leurs productions de croisière atteindraient plus de 4.400 tonnes.

L’action de l’ANDA s’articule autour de plusieurs axes stratégiques, notamment le développement de l’ingénierie aquacole, la promotion et l’accompagnement de la demande d’investissement en projets aquacoles. La réalisation des Plans d’Aménagement Aquacole (PAA) est l’un des chantiers phares menés par l’ANDA en vue d’évaluer les potentialités du littoral sur toute son étendue et mettre à la disposition des investisseurs des espaces pertinemment sélectionnés.

En 2015, l’ANDA a achevé l’élaboration du plan d’aménagement de la zone de Dakhla et a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt pour sélectionner les meilleurs projets aquacoles. Deux PAA similaires, ceux de la Méditerranée et d’Agadir, devraient être proposés, au cours des années 2017 et 2018, aux investisseurs en vue d’accueillir les projets de l’aquaculture. En termes de potentiel, les résultats préliminaires de 3 plans d’aménagement ressortent un potentiel de production de 380.000 tonnes. La pisciculture arrive en tête (245.000 T) suivie par la conchyliculture (110.000 T) et l’algoculture (24.000 T).

 

Les obstacles à lever : assurance, financement et fiscalité

 

Du côté de la réglementation, l’ANDA a lancé un large processus de consultation pour l’élaboration d’un cadre juridique spécifique à l’aquaculture. Le projet de texte est en cours d’approbation.

D’autres contraintes subsistent encore et risquent d’entraver la croissance de ce secteur, affirme l’étude. Les fermes aquacoles sont exposées aux risques liés aux aléas climatiques. L’aquaculture nationale nécessite un soutien particulier en terme de couverture contre les risques, sachant que l’assurance au Maroc coûte jusqu’à 30% plus chère qu’à l’étranger. La MAMDA a proposé récemment une offre d’assurance dédiée à l’aquaculture, et qui couvre le cheptel aquacole, à travers un produit exclusif destiné aux éleveurs de poissons dans les bassins d’eau douce et marins ou aux propriétaires de fermes aquacoles.

L’aquaculture est par ailleurs un secteur qui fait appel à des investissements importants aussi bien pour les besoins d’exploitation que pour les structures d’élevage, d’où le besoin de mettre en place des mesures incitatives pour encourager l’investissement dans ce secteur.

Enfin, les produits issus de l’aquaculture marine, assimilés à des produits de la pêche, sont exonérés de TVA sans droit de déduction. De ce fait, toute TVA réglée en amont sur les achats (intrants et équipements) constitue une charge supplémentaire au coût de production car elle est ni récupérée, ni répercutée sur le consommateur final en aval. Cette charge est supportée par l’opérateur dans sa totalité. Plus récemment, la Loi des finances 2018 corrige cette non-neutralité : la TVA à l’intérieur et à l’importation de certains intrants réservés exclusivement à l’aquaculture seraient exonérés, rappelle la DEPF. La problématique du foncier, la Recherche et développement, les aspects sanitaires, sont également d’autres contraintes à débloquer.

 

 

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