- La sous-productivité des économies de la région, est l’un des freins majeurs à la croissance.
- Privilèges, passe-droits, opacité et autres pratiques cachées sont à bannir d’urgence.
S’il existe un défi commun aux pays du Maghreb, c’est celui d’accélérer le processus de transformation structurelle des économies incapables de générer suffisamment de croissance et d’emplois. D’après le diagnostic du Bureau des Nations unies pour l’Afrique du Nord de la Commission économique pour l'Afrique (CEA), nombreux sont les obstacles à l’émergence d’une croissance inclusive au sein des économies de la région. Parmi ces contraintes, il y a la sous-productivité due, en partie, à l’allocation des ressources vers des secteurs peu productifs, l’insuffisance des nouvelles branches d’activité et les distorsions liées à l’octroi, souvent non justifié, de privilèges.
De plus, l’absence d’un capital humain bien formé, capable de répondre aux besoins des entreprises n’est pas sans conséquence sur la productivité et la croissance en Afrique du Nord.
Une sous-productivité flagrante
Le constat du Bureau des Nations unies est sans appel et démontre l’urgence pour les gouvernements de la région de hâter la dynamique des réformes structurantes. En effet, depuis 2010, l’Afrique du Nord connait une croissance limitée et volatile en raison de l’instabilité politique, du manque de diversification des économies et leur forte dépendance vis-à-vis des secteurs primaires (agriculture, hydrocarbures, etc.).
La conséquence immédiate de cette situation est le chômage endémique, avec un niveau moyen de 12%. Ce taux de chômage culmine à 30% pour le cas des jeunes et à 40% pour les femmes de la région.
Autres données édifiantes : l’Afrique du Nord est caractérisée par une productivité du travail relativement basse, située entre 6,23% et -1,2%, selon les pays. Cette performance est bien en deçà de celle des pays comme la Turquie (8%) ou l'Inde (16,8 %) entre 1994 et 2013.
A l’évidence, cette contre-performance n’est pas une fatalité, puisqu’une affectation plus efficiente des facteurs de production serait à l’origine de l’augmentation de la productivité de l’ordre de 30 à 60% dans des pays comme l’Inde et la Chine. C’est dans ce contexte que le Bureau des Nations unies pour l’Afrique du Nord de la CEA a organisé récemment à Rabat une réunion d’experts sous le thème : «Qualité des institutions et transformation structurelle : distorsion et allocations des ressources».
La rencontre a permis à Meriem Ait Ali Slimane, de la Banque mondiale (BM), de rappeler l’intérêt pour les Etats de bâtir des politiques publiques et des systèmes résistants aux privilèges et aux passe-droits.
Au regard du retour d’expérience de la Banque mondiale qui a établi un rapport en la matière en février 2018, les privilèges sont parfois accordés dans les pays de la région de jure (par la législation) ou de facto (dans les faits).
L’autre caractéristique à souligner est l’opacité qui prévaut et l’existence parfois de critères cachés pour l’attribution du foncier, des marchés publics et d’accès au financement. La dématérialisation des administrations, de nature à accroître la transparence dans la gouvernance publique, constitue une réponse à cette problématique. D’après les chiffres de l’organisation onusienne, la réduction des contraintes liées à l’accès au financement pourrait engendrer la hausse de la production de 9 à 22%.
En définitive, la question de la transformation structurelle des économies du Maghreb est une question transverse qui appelle à une réflexion profonde et à la construction de politiques publiques pertinentes pour l’édification d’institutions solides et de systèmes éducatifs de qualité, gage de progrès. ■
Le Maroc est-il sur le bon chemin ?
Il est sans conteste que la structure des produits exportés (automobile, aéronautique, électronique, etc.) par le pays traduit des avancées significatives dans le domaine industriel, pourvoyeur d’emplois et davantage rémunérateur que ceux issus du secteur primaire. Toutefois, la voix du haut-commissariat au Plan (HCP) relayée lors de la rencontre par Mariam El Joubari interpelle sur la pertinence de la stratégie nationale en matière d’exportation. «60% des 661 produits marocains exportés jusqu’en 2014 ne sont pas stratégiques et ne permettent pas d’aller vers la transformation structurelle de l’économie nationale», alerte l’experte du HCP. Les propositions de l’institution de prévision vont entre autres, dans le sens de l’augmentation technologique, la diversification et surtout la complexité des produits exportés, corrélative à l’accroissement du PIB.
M. Diao