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COP23 : Beaucoup de discours, peu d’actions (Tribune)

COP23 : Beaucoup de discours, peu d’actions (Tribune)

 

Abdelhadi Bennis, Président du Club Environnement, membre de l’Association Ribat Al Fath pour le développement durable

 

Depuis quelques années, les changements climatiques et les COP organisées pour y faire face dominent les discours. La COP21 tenue à Paris, en novembre 2015, a marqué un grand moment de l’histoire contemporaine. En effet, la communauté internationale est arrivée, enfin, à se mettre d’accord sur la feuille de route à suivre pour le 21ème siècle.

Pour rappel, l’Accord a porté notamment sur 6 points : l’ambition de limiter les émissions des gaz à effet de serre (GES) et le réchauffement de la planète pour ne pas dépasser le plafond de 2° C;  l’appel à proposition des contributions des différents pays (NDC); les pertes et préjudices portés aux pays victimes des changements climatiques et leur soutien financier à hauteur de 100 Mds de dollars; le transfert de technologie; le renforcement des capacités; la transparence ou gouvernance. Un calendrier des activités a également été adopté fixant l’entrée en vigueur de l’Accord en 2020. 

Selon l’Accord, la COP21 a décidé que la COP22 soit tenue à Marrakech en novembre 2016 et qu’elle soit «la COP de l’action». Le Maroc, élu président de cette COP22, s’est mobilisé avec la France, durant toute l’année 2016, pour que plusieurs initiatives soient lancées partout dans le monde.

Cet objectif a été atteint dans une proportion non négligeable, comme en témoignent la plupart des rapports établis. Rappelons aussi que le Maroc a saisi cette occasion pour propulser l’Afrique sur la scène internationale afin que les intérêts et les spécifités du continent africain soient pris en compte.

Toujours selon l’Accord de Paris, l’objectif de la COP23, prévue à Bonn en novembre prochain, sous la présidence des îles Fidji, réside principalement dans la préparation de la COP24 en 2018. Celle-ci devant dresser le premier bilan et la première évaluation des initiatives prises au niveau de toutes les rubriques de l’Accord, notamment au niveau des NDC proposées par les différents pays.

Ce premier bilan est particulièrement important pour faciliter le dialogue afin d’avancer sûrement vers l’entrée en vigueur de l’Accord en 2020 et de pouvoir sortir de la trajectoire du réchauffement à 3-4° C, conformément à l’objectif de 2° C.

Cette étape de bilan analytique et l’introduction des redressements nécessaires doivent intervenir tous les 5 ans; la 2ème opération n’aura lieu  qu’en 2023. La COP23 est donc appelée à préparer les outils et les manuels de mise en œuvre de toutes les décisions prises à Paris et à Marrakech, et particulièrement la rubrique des NDC. C’est une étape relais indispensable pour poursuivre la stratégie d’ancrage de la lutte contre le réchauffement partout dans le monde dans le respect du timing arrêté.

Durant l’année 2017, le Maroc toujours président de la COP22 et devant accompagner la présidence rentrante des îles Fidji, a déployé des efforts non négligeables pour que la COP23 soit une réussite.

Au niveau international, on peut citer principalement la PréCOP23, rencontre préparatoire tenues à Bonn en mai 2017. Lors de cette rencontre, les participants ont passé en revue les avancées enregistrées sur toutes les clauses de l’Accord de Paris, tels que citées plus haut et le programme de la COP23 en novembre.

Des débats ont également porté sur l’intégration des droits de l’Homme dans les politiques d’atténuation des changements climatiques, sur le renforcement des actions d’adaptation à ces changements, sur la sécurité alimentaire et sur les groupements humains les plus vulnérables. Cependant, il y a lieu de souligner que les débats au niveau international ont été marqués par la position du président Trump  qui a décidé le retrait de son pays de l’Accord de Paris.

Au niveau national, le Maroc, qui a connu en 2017, un changement dans sa structure gouvernementale touchant également le département chargé de l’Environnement, a poursuivi ses efforts en matière de lutte contre les changements climatiques et de préparation de sa participation active à Bonn. A cet effet, l’administration a organisé pas moins d’une dizaine de rencontres sur les différents thèmes intéressant la COP, avec comme toile de fond, la valorisation de son modèle de politique climatique et de son leadership en Afrique.

Le projet 4C (Centre de compétence pour les changements climatiques) et le projet 3A (adaptation, agriculture, Afrique) sont souvent mis en avant. La dernière de ces rencontres date de fin septembre et porte sur la coopération maroco-allemande en matière de transition énergétique. L’analyse en parallèle des politiques suivies dans les deux pays montre un certain nombre de similitudes et de possibilités de renforcement de la coopération. 

Sans vouloir détailler les recommandations faites, je voudrais souligner la plus globale et la plus structurante se rapportant à l’adoption d’une stratégie énergétique scientifiquement préparée et suffisamment flexible pour faire face aux multiples incertitudes et risques à l’avenir. Soulignons aussi que le Maroc a établi un programme intensif de conférences-débats dans son pavillon à Bonn : le programme prévoit pas moins de 46 conférences portant sur près d’une dizaine de thèmes.

A côté de l’action de l’administration, les acteurs non étatiques ont également joué le jeu. On peut citer à titre d’exemple la 2ème rencontre internationale «Sommet climate chance» organisée à Agadir en septembre 2017 par le Conseil régional de la région de Souss Massa sous le thème: «Intensifions ensemble l’action et l’ambition». Sa déclaration finale contient plusieurs recommandations soulignant le non-retour sur l’Accord de Paris; la priorité à l’Afrique, l’implication des acteurs non étatiques dans les négociations, l’établissement de feuilles de route à long terme, le renforcement de la rubrique de l’adaptation et la révision des promesses de financement.

Sur le même registre, deux autres rencontres non des moindres, méritent d’être citées. La première est celle organisée récemment par le réseau associatif dit CMJC (Coalition marocaine de la justice climatique) sur le thème pertinent de «La transition énergétique : adaptation économique et sociale». Cette rencontre a laissé apparaître les efforts appréciables déployés par le Maroc en matière de développement des énergies renouvelables dans les grandes unités mais également le déficit important en matière de développement de PME et de coopératives qui génèrent beaucoup plus d’emplois que les grandes unités. La 2ème rencontre est celle organisée par l’AMSR (Association marocaine des sciences de la régionalisation) relative aux expériences menées sur le terrain en matière de gestion de l’eau pour lutter contre les changements climatiques.

Ces différents  travaux concluent aussi que le Maroc a encore des progrès importants à faire en matière de recherche sur l’eau et d’application des résultats déjà obtenus.

L’état des lieux de cette problématique des changements climatiques et des activités menées et prévues, au niveau international et national, incite à s’interroger sur les résultats attendus des COP et leurs impacts sur la santé de la planète et la vie des êtres humains.

Je voudrais partager avec les lecteurs un certain nombre de réflexions portant sur des considérations internationales et nationales.

Les décideurs politiques, probablement pas assez conscients de l’ampleur du danger, ont laissé, pendant longtemps, les opérateurs économiques surexploiter les ressources naturelles et abuser de l’utilisation des énergies fossiles, partout dans le monde, au point de déclencher un fort réchauffement anthropique de la planète et de mettre en péril toute l’humanité.

Les décisions prises lors de la COP21 à Paris, quoiqu’importantes, ont été prises tardivement, ne répondent pas à l’urgence qui s’impose et semblent difficiles à mettre en place en l’absence de la clause de la contrainte juridique dans l’Accord. De plus, l’Accord ne laisse apparaître aucune stratégie pour contrecarrer l’action du lobby des énergies fossiles. Les perturbations créées par le président Trump des USA en sont un exemple.

Les indicateurs disponibles actuellement n’incitent pas à l’optimisme :

i/ La concentration des GES dans l’atmosphère a dépassé en 2016, le seuil «d’irréversibilité» de 400 ppm et le crédit carbone disponible ne correspond pas à plus de 20 à 30 ans des émissions actuelles des gaz à effets de serre ;

ii/ L’augmentation de la température moyenne au niveau planétaire, pour le mois d’août, a atteint en 2016 le niveau inquiétant de près de 1° C (0,91°) par rapport à la moyenne du siècle passé;

iii/ Les catastrophes naturelles, de natures diverses (Moussons, ouragans, tempêtes, inondations, glissement de terrain, incendies de forêts facilitées par la sécheresse et la hausse des températures) ont vu leur  nombre augmenter pour passer de la trentaine au début des années 60 du siècle dernier à quelque 300 à 400 ces derniers années. De plus, elles sont devenues plus sévères, causant des pertes matérielles et humaines trop élevée; les derniers ouragans et incendies aux USA en sont des exemples;

iv/ La fonte des glaces a réduit la surface des banquises arctique et antarctique de près de 30% entre 1980 et 2017; v/ L’élévation du niveau de la mer met en péril quelque 150 à 200 millions de personnes vivant sur des espaces côtiers exposés aux inondations.

Le redressement de la situation et la survie de l’espèce humaine sur la planète imposent une révision totale et radicale de la gouvernance climatique mondiale, tant au niveau des organisations internationales qu’à celui des Etats. Et ce, dans le sens d’une plus grande adéquation entre la responsabilité et la sanction, d’une plus grande prise en compte du concept et des objectifs du développement durable dans les politiques publiques; de la promotion de la culture de la citoyenneté mondiale et la lutte contre les inégalités et l’injustice; de la révision de l’agenda de l’Accord de Paris pour une sortie plus rapide du pétrole et du charbon; de l’utilisation de tous les instruments économiques et financiers pour atteindre ces objectifs.  

Au niveau national, nous avons certes réalisé des progrès dans le secteur des énergies renouvelables, mais plusieurs problèmes de fond entravent notre développement.

Sans vouloir aller loin dans la recherche du système de redressement à mettre en place, nous pouvons juste nous référer aux  deux derniers discours de SM le Roi, ceux de la Fête du Trône et de la rentrée parlementaire. Ils sont assez parlants sur le diagnostic et sur les mesures à prendre. Ils intègrent dans leur globalité toutes les politiques publiques, dont celles qui nous préoccupent dans cet article et qui sont relatives au changement climatique, à l’eau, à l’énergie et à la biodiversité terrestre et aux richesses halieutiques.

En conclusion, je voudrais qu’on retienne trois messages : i/ Faisons de la COP23 une étape de relance pour l’application de l’Accord de Paris, lors de la COP21, et non une étape d’essoufflement ; ii/ Faisons de la protection de la nature et de la survie de l’espèce humaine une œuvre commune et concertée de tous les acteurs du développement au niveau des organisations internationales et à celui des différents pays; iii/ Assez de discours, passons à l’action !

 

 

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