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Printemps ou hiver arabe ? (2011-2014)

Printemps ou hiver arabe ? (2011-2014)

jawad kerdoudi livre

On peut dater le déclenchement du Printemps arabe le 4 janvier 2011, lorsque le jeune tunisien Mohamed Bouazizi est décédé après sa ten­tative de suicide par le feu le 17 décembre 2010.

La révolution arabe a débuté en Tunisie, puis a déferlé tel un tsunami, en Egypte, en Libye, en Syrie et au Yémen. Le scénario est à peu près le même dans ces pays, avec de grandes mani­festations dans les places publiques, la dénon­ciation des régimes en place, et le slogan «Dégage» adressé au Chef de l’Etat. Après une résistance parfois sanglante des dictateurs, ces derniers ont dû soit s’enfuir, soit démissionner, ou être tués. C’est ainsi que le Tunisien Ben Ali a pris la fuite le 14 Janvier 2011, que Moubarak d’Egypte a démissionné le 11 février 2011, et que le Libyen Kadhafi a été tué le 20 Octobre 2011 après une opération militaire franco-anglaise. En Syrie, les événements ont tourné autrement après le début des manifestations en mars 2011. En effet, le régime du président Bachar El Assad, aidé par l’Iran et la Russie, n’est pas tombé, et la révolte s’est transformée en guerre civile après l’apparition de mouvements d’opposition armés islamistes. Au Yémen, les manifestations contre le Président Ali Abdallah Salah ont eu lieu de janvier à mai 2011, entraînant son départ du pouvoir en février 2012. Au Bahreïn, les manifestations ont débuté le 14 Février 2011 contre le régime monarchique sunnite de Hamad Ben Issa Al Khalifa, qui a réagi par une forte répression armée, soutenue par les troupes saoudiennes et émiraties. Dans les autres pays arabes, des manifestations ont également eu lieu, mais de moindre envergure, en Algérie, Jordanie, Maroc, Mauritanie et Oman. Les pays du Golfe n’ont pas connu de révolte contre les régimes en place.

Les causes de ce Printemps arabe sont communes dans prati­quement tous les pays arabes. Il s’agit de régimes autoritaires avec un manque de démocratie et de libertés et le non-respect des droits de l’homme. De plus, les richesses du pays étaient accaparées par les dirigeants, leur famille et leurs proches. Ces pays souffraient d’une situation économique défavorable, avec un chômage élevé, surtout des jeunes, une grande inégalité sociale, des poches importantes de pauvreté, un logement social déficient, et la prolifération de l’économie de rente et de la corruption. A noter que ces régimes étaient, malgré toutes ces tares, soutenus par l’Occident (Europe et Etats-Unis), qui les tolérait par crainte de la prise de pouvoir dans ces pays par des islamistes radicaux. Les acteurs de ces révolutions étaient principalement des jeunes de la société civile, qui étaient mobilisés par les nouvelles technologies de la communica­tion, notamment Facebook. Ces jeunes réclamaient la fin des régimes en place, une meilleure répartition des richesses, la création de plus d’emplois, la lutte contre l’économie de rente et la corruption et enfin, l’éclosion de la dignité et de la citoyen­neté. Se sont adjoints, à ces jeunes, par la suite, certains partis politiques de l’opposition et quelques associations de défense des droits de l’homme.

Les conséquences politiques du Printemps arabe ont été spectaculaires. Ce fut d’abord la chute des dictateurs en Tunisie, Egypte, Libye et au Yémen. Des réformes politiques plus ou moins importantes ont été prises par certains pays, sans révolution, tels que le Maroc, la Mauritanie, la Jordanie et l’Algérie. Des élections plus libres et plus transparentes ont eu lieu dans plusieurs pays arabes. On a noté également un élargissement des libertés individuelles et collectives dans les domaines de l’expression, de la presse, des rassemblements. Des Assemblées élues ont été mises en place, et des gouverne­ments issus des élections désignés. Mais il faut bien noter que le monde arabe n’est pas monolithique et que chaque pays, a poursuivi sa propre trajectoire. C’est ainsi qu’il y a eu une montée en puissance des partis islamistes dans certains pays suite à des élections. Ce fut le cas de la Tunisie avec le parti Ennahda, du Maroc avec le PJD, et de l’Egypte avec la victoire des Frères musulmans. Cependant, à part le PJD du Maroc, qui a pu se maintenir au pouvoir dans le cadre d’une coalition avec d’autres partis politiques, le parti Ennahda de Tunisie a dû renoncer au pouvoir après l’assassinat de plusieurs leaders politiques modernistes. En Egypte, les élections présidentielles des 16 et 17 juin 2012 ont vu la victoire du Frère musul­man Mohamed Morsi. Ce dernier a fait adopter une nouvelle Constitution le 22 décembre 2012 plus favorable aux thèses islamistes. Suite à plusieurs erreurs politiques et à l’incapacité d’améliorer la situation économique, une grande manifestation populaire anti-Morsi a eu lieu à la place Tahrir du Caire, ce qui a permis le 3 juillet 2013 à l’armée égyptienne dirigée par le Général Al Sissi de démettre Morsi de ses fonctions de Président de la République. D’autres pays arabes connurent une situation chaotique, telle que la Libye, qui n’a pas pu éradiquer les milices armées et qui se débat dans un conflit interminable. La Syrie vit également une guerre civile sanglante, qui a été compliquée outre le mouvement islamiste Nosra, par la menace de la création d’un Etat islamique en Syrie et en Irak. Ce dernier pays vit à son tour une situation dramatique après le départ des troupes américaines, avec des rivalités entre chiites, sunnites et kurdes ; et comme pour la Syrie, la menace de créa­tion d’un Etat islamique auto proclamé, sous forme de Khalifa le 28 juin 2014. Les autres pays arabes connurent une relative stabilité. En Algérie, les élections législatives de mai 2012 n’ont pas permis la victoire des islamistes, et le Président Bouteflika a été réélu le 17 avril 2014, mais dans une ambiance d’immo­bilisme politique et de léthargie. Au Maroc, la situation est plus stable du fait de la réforme de la Constitution et d’un gouver­nement multipartite dirigé par le PJD sous l’autorité du Roi. Au Yémen, le Président Salah a été remplacé par le vice-Président Abd Rabo Mansour, mais des troubles persistent dans ce pays. En Jordanie, Mauritanie, Oman quelques réformes politiques ont permis le maintien des régimes en place. En Tunisie, une nouvelle Constitution a été adoptée le 24 janvier 2014, et les élections législatives du 24 octobre 2014 ont permis la victoire du parti laïc «Nidaa Tounes», tandis que les élections présiden­tielles du 20 décembre 2014 ont donné la victoire à son leader Béji Caid Essebssi, ancien ministre de Bourguba.

Enfin concernant la Palestine, l’impact du Printemps arabe n’a pas été positif. Au contraire, le gouvernement israélien, dirigé par les partis de droite et d’extrême droite, a multiplié les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est et n’a fait aucune concession aux Palestiniens, toujours soutenu inconditionnelle­ment par les Etats-Unis. Pire, l’armée israélienne a agressé la bande de Gaza le 8 juillet 2014 sous forme de raids aériens, bombardements maritimes et d’opérations terrestres, qui ont causé des milliers de morts et de blessés palestiniens, et la destruction de la plupart des bâtiments.

Les conséquences économiques du Printemps arabe ont été également différentes d’un pays à l’autre. Les conséquences ont été les plus graves dans les pays arabes où il y a eu une révolu­tion avec changement de régime. En effet, l’instabilité politique et la perturbation de l’ordre public ont causé une baisse de la production et de l’activité économique en général. Sur le plan extérieur, l’instabilité politique a entraîné la baisse du tourisme, des échanges commerciaux et des investissements étrangers. C’est ainsi qu’ont connu une récession économique en 2011 la Libye (-53,9%), la Syrie (-3,2%), la Tunisie (-1,8%) et l’Egypte (-0,5%). La Libye a connu une baisse considérable de la pro­duction et de l’exportation d’hydrocarbures. La Syrie, du fait de l’instabilité politique et de l’embargo qui lui est imposé, a connu une récession en 2012 (-30%) et en 2013 (-10%). La Tunisie a connu de son côté une baisse du tourisme, de l’activité indus­trielle et des IDE. L’Egypte a vu baisser son activité touristique et industrielle. Cette situation s’est accompagnée d’une détériora­tion du compte courant de la balance des paiements en 2011 : Tunisie (-7,4%), Egypte (-2,3%), Syrie (-1,2%). Les autres pays arabes n’ont pas trop souffert du Printemps arabe. C’est ainsi que le Maroc a connu en 2011 une croissance économique de 5%, la Jordanie de 2,6% et l’Algérie 2,4%, alors que l’on n’a noté aucun changement pour les pays du Golfe. Les prévisions économiques de la Banque mondiale pour 2014 indiquaient une légère amélioration avec une croissance de 4,8% pour le Maroc et la Tunisie. 3,9% l’Egypte et la Jordanie et 3,2% pour l’Algérie. Par contre, il était prévu une récession de -2% pour la Syrie

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